Dans une lettre ouverte publiée ce mardi sur son compte Facebook, l’ancien maire la Commune d’Akanda, Grégorie Laccruche Alihanga, relate, dans un témoigne fort-pignant, les ‘’pires humiliations et atrocités’’ subies, lui et d’autres victimes du régime Bongo. Interpelé, arbitrairement incarcéré et victimes de traitements inhumains, affirme-t-il, le jeune frère de l’ancien Directeur de Cabinet d’Ali Bongo Ondimba, Brice Laccruche Alihanga, accuse les tenants de l’ancien pouvoir, d’avoir été des architectes d’un « système brutal, injuste, humiliant », alors qu’ils cherchent à présent « à faire oublier les crimes dont ils ont été les architectes », apprend-on. Ci-dessous, l’intégralité de cette lettre ouverte, justement adressée « aux amnésiques qui redécouvrent aujourd’hui les droits qu’ils ont jadis niés », lit-on.
« J’ai gardé le silence pendant des années. Par dignité. Par respect pour ma famille et pour le pays que j’aime. Mais aujourd’hui, je prends la parole car vient un moment où l’excès devient intolérable.
Je ne m’exprime pas pour rejouer le passé. Je parle parce que ceux qui ont incarné l’oppression se parent désormais des habits de victimes. Ceux-là mêmes qui ont bâti et défendu un système brutal, injuste, humiliant, cherchent à faire oublier les crimes dont ils ont été les architectes. Cette inversion des rôles est indécente. Je refuse de regarder sans rien dire ceux qui, après avoir broyé tant de vies, cherchent à s’absoudre en travestissant leur passé. Moi, je n’ai rien oublié.

Les faits : un règlement de compte institutionnalisé
En novembre 2019, j’ai été arrêté, puis incarcéré. Officiellement, dans le cadre de “l’opération Scorpion”. En réalité, une vengeance politique. Une purge ciblée.
Alors que j’étais encore maire d’Akanda, j’ai reçu un appel de Nourredin Bongo Valentin. Il me convoque à son domicile, à La Palmeraie. Devant Abdul Océni, il me demande une chose : lancer de fausses accusations contre mon frère, Brice Laccruche Alihanga. L’accuser de trahison. Fabriquer des témoignages. Prêter main forte à leur règlement de comptes.
Ma réponse fut claire : jamais je ne trahirai mon sang. Jamais je ́ne me fourvoierai devant Dieu.
Trois jours plus tard, j’étais arrêté. Jeté en prison. Garde à vue prolongée illégalement. Détention préventive de 4 ans, sans procès, sans audience, sans défense. Quatre ans d’oubli judiciaire au sein de l’annexe 1 de la prison centrale de Libreville. Une rengaine m’était assénée : « Nono a dit si tu veux sortir, tu n’as qu’à charger ton frère ». D’autres, libérés entre temps ont choisi cette voie. Pas moi, je sortirai tôt ou tard comme j’y suis entré, fidèle à mes valeurs.
Derrière les murs : l’État Bongo face à moi
Je n’étais plus un homme. J’étais un otage. Une monnaie d’échange pour faire plier mon frère. Une cible à abattre pour avoir eu l’affront de tenir tête au fils de la bête.
J’ai été enfermé dans une cellule de 6 m², sans lumière, sans sortie. Isolé 24h/24. Privé de soins. Sans contact avec mes proches, ni même mon avocat. Traitements inhumains. Traitements dégradants. Pas un seul juge. Pas un seul interrogatoire. Pas un seul recours.
Mes droits élémentaires ont été piétinés : droit à la défense, à la visite, à la santé. Pendant trois ans, je n’ai pas revu mon frère. Pendant quatre ans, je n’ai vu personne.
Hypocrisie : les bourreaux pleurent aujourd’hui
Ceux qui m’ont fait ça se plaignent aujourd’hui. Ils parlent de “traitement de chien”. Je leur réponds : vous nous avez traités comme des cafards.
Tortures psychologiques et physiques. Menaces sur mes proches. Tentatives de briser ma compagne. Rien ne nous a été épargné. Et pourtant, jamais ils n’ont dénoncé ces pratiques. Ils les ont couvertes. Ils les ont ordonnées.
Aujourd’hui, ils hurlent à l’injustice. Ils invoquent l’ONU, la France, les droits de l’homme. Ces mêmes institutions qu’ils méprisaient hier. Ironie ? Non. Cynisme pur.
La vérité reconnue… et étouffée
L’ONU, dès décembre 2020, m’a reconnu prisonnier politique, détenu arbitrairement. Elle a exigé ma libération immédiate. Une plainte a été déposée en France pour séquestration.
Quelle a été la réponse du régime ? Une phrase. Une seule. « La justice gabonaise est souveraine ». Traduction : Circulez, il n’y a rien à voir.
Même Ali Bongo, dans Jeune Afrique, a validé cette ligne. Aujourd’hui, ces mêmes hommes viennent quémander la clémence de la justice internationale. Qui se moque de qui ?
Derrière mon calvaire : des vies brisées
Ma mère, victime de deux AVC sous le choc de l’incarcération de ses deux uniques enfants, est aujourd’hui handicapée. J’ai perdu la vue pendant mes années d’isolement, avant qu’une intervention consulaire ne permette enfin un traitement. Mon frère, atteint d’un cancer, était donné pour mort. Et sans l’intervention du Président Oligui Nguéma, en effet la mort aurait fait son œuvre, car tel était le but recherché par nos bourreaux.
Je parle pour ceux qu’on a fait taire
Je ne cherche pas à me venger. Je veux juste que la vérité soit dite, et que les rôles ne soient pas inversés. Que la communauté internationale sache : ceux qui crient aujourd’hui ont fait taire hier. Ils n’ont pas défendu la justice. Ils l’ont étranglée. Ils n’ont pas défendu les droits de l’homme. Ils les ont piétinés. Ils n’ont pas subi l’arbitraire. Ils l’ont mis en place et l’ont consolidé.
Ils n’ont pas protégé la liberté. Ils l’ont enchaînée. Ils n’ont pas réparé les injustices. Ils les ont perpétuées. Ils n’honorent pas la vérité. Ils la travestissent.
J’userai, pour ma part, de tous les recours, nationaux et internationaux, afin que ceux qui ont bafoué nos droits ne puissent jamais les réécrire à leur propre avantage.
Fuir vos responsabilités est illusoire ; je veillerai à ce que jamais vous n’en ignorez l’évidence ».
Grégorie Laccruche Alihanga
