Présidentielle 2023 : candidats de la distraction ou nouveau paradigme ?

Certains postulants à l’élection présidentielle du 26 août 2023 multiplient les appels aux dons pour payer leurs cautions et probablement financer leur campagne électorale. Simple distraction ou changement de paradigme dans un pays où les candidats à l’élection présidentielle ne bénéficient pas de franc électoral ?

À y regarder de près, ces appels suscitent la curiosité. Beaucoup de gabonais ne comprennent pas pourquoi un candidat à la fonction suprême dans la gestion du pays doit-il mendier la pitance pour espérer payer sa caution électorale fixée à 10 millions de FCFA et même financer sa campagne électorale ?

Parmi les candidats ayant lancé ces appels, le Dr Jean Delors Biyoghe Ntougou. L’expert en questions de développement connu pour son passage très remarqué au sein du Programme des Nations-Unies pour le développement ( PNUD), a pris le taureau par les cornes le 30 juin dernier, en annonçant sa candidature, sur sa page Facebook. C’est par ce canal qu’il a aussitôt appelé ses soutiens et les Gabonais qui le souhaitent à l’aider à mobiliser les 10 millions de FCFA de caution.

Un autre postulant, de cette année, déjà en course en 2016, Pierre Mouele, compte également sur des réseaux sociaux pour mobiliser sa caution.

« Vous ne pouvez pas soutenir ma candidature s’il n’y a pas la caution de 10 millions de FCFA. Chaque Gabonais, vous êtes invités à donner 1000 FCFA seulement (numéro Airtel money). Comme le Seigneur qui a donné son fils, vous êtes invités à donner pour sauver le Gabon », déclame-t-il dans une courte vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.

Cette stratégie un peu étrange dans les mœurs politiques du pays suscite naturellement des railleries, des doutes et des interrogations de la part du public. Certains citoyens doutent de la sincérité de ces Gabonais qui ambitionnent de gérer la plus Haute Institution du pays alors qu’ils ne semblent même pas avoir le minimum requis pour être apte à gérer de façon orthodoxe les finances du pays.

Au Gabon, c’est une tradition, les candidats à l’élection présidentielle font généralement une démonstration de puissance économique. La loi n’impose aucune limitation de budget de campagne.

Ainsi, le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir depuis 1968) s’offre tous les panneaux publicitaires, engage un personnel éléphantesque, des avions, des hélicoptères, bref tout ce qu’il faut pour surimpressionner le peuple…

Cette pratique est devenue comme une règle à tel point que les électeurs croient que faire appel à eux pour financer une campagne électorale est une insulte, une moquerie, une distraction ou la preuve d’un misérable qui cherche à parvenir au sommet de l’Etat pas pour servir mais pour se servir.

En réalité non. Cela n’est pas une preuve de faiblesse. Au contraire, c’est la vitalité d’une démocratie participative. Le cas de Barack Obama reste une leçon d’école. Pour campagne sous le slogan « Yes we can », le leader noir avait mobilisé de nombreux travailleurs sociaux qui ont fait du porte à porte pour mobiliser les fonds et les électeurs. C’est ainsi que le candidat démocrate, inconnu sur la prestigieuse liste des milliardaires américains avait remporté son premier mandat.

Au Gabon où l’égalité des chances est à géométrie variable, rompre avec les mentalités actuelles devient une urgence pour donner la chance à tous de devenir président de la République. C’est plus qu’une urgence. Une nécessité.

Dans ce contexte, le Dr Jean Delors Biyoghe Ntougou, Pierre Mouele et même le professeur en économie, Albert Ondo Ossa qui ont tous lancé un appel aux dons deviennent des pionniers, des visionnaires ou révolutionnaires. L’essentiel est de prendre des lois qui encadrent cette nouvelle pratique afin que le futur président élu ne devienne pas l’otage d’un quelconque groupe d’intérêts funestes ou de pression.

Estelle Anvane

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