Mort tragique d’un jeune gabonais en prison : le récit de ses derniers moments par son avocat

Nicaise Ondo, avocat de Cédric Apedo mort à la prison centrale de Libreville © Gabonactu.com

Maitre Nicaise Ondo, avocat au barreau de Libreville a dans un point de presse jeudi à Libreville retracé les derniers moments de son client, feu Cédric Brice Apedo Yaovi Amoumou, de nationalité gabonaise, mort à la prison centrale de Libreville 2 jours après son incarcération pour consommation présumée de drogue.

Gabonactu.com publie l’intégralité du récit de l’avocat dans l’espoir que l’administration pénitentiaire et le ministère de la Justice mettra également à la disposition du public leur version des faits.

Le mardi 12/05/2020 aux environs de 4h – 4h30 du matin, sans autorisation de Monsieur le Procureur de la République, huit (8) agents des forces de police nationale gabonaise, armées jusqu’aux dents et appartenant à l’unité de la Police appelée OCLAN ont fait irruption au domicile de mon client feu APEDO YAOVI AMOUMOU Cédric Brice, de nationalité gabonaise.

Après avoir fait des sommations, les huit (8) policiers, conduits par le Brigadier-chef Major MBADINGA Michel Judicaël, ont défoncé la porte centrale du logement, fracassé les fenêtres, braqué les armes sur tous ceux qui dormaient dans ledit logement, les ont tous mis à genoux, avant de les menotter.

Motif de cette intervention parfaitement illégale : mon client feu APEDO AMOUMOU Cédric était selon les policiers un grand dealer. Sauf qu’après avoir fouillé minutieusement la maison où logeait mon client et son frère ainé, et selon les constantes déclarations des parents de la victime, les policiers n’ont trouvé l’ombre d’aucune drogue.

Commencé à 4h – 4h30, mon client est conduit à l’OCLAD à 6h du matin.

Lors de cette fouille, les policiers emportèrent clandestinement avec eux les économies de mon client qui s’élevaient à une somme de trois cent cinquante mille (350.000) FCFA.

En intervenant au domicile de mon client entre 4h et 4h30 jusqu’au petit matin sans autorisation de Monsieur le Procureur de la République, les huit policiers tombent sous le coup de l’article 288 du code pénal qui parle de l’association de malfaiteurs et/ou d’usurpation de fonction, car ces policiers n’étaient pas juridiquement couverts.

Ayant agi sans mandat de Monsieur le Procureur de la République, les policiers qui ont emporté les 350.000 FCFA et détruit les ouvertures (portes et fenêtres) de la maison où logeait mon client ont commis les délits de vol et de destruction de biens immobiliers appartenant à autrui.

N’ayant rien trouvé lors de leur perquisition du mardi 12/05/2020, les policiers de l’OCLAN récidive en revenant au domicile de mon client le mercredi 13/05/2020 pour une seconde fouille. Cette seconde fouille s’avère, objectivement, aux dires des parents et frère du défunt, également non fructueuse. Aucun corps du délit n’a été trouvé au domicile de mon client.

Ce mercredi 13/05/2020, feu APEDO AMOUMOU Cédric dira en langue vernaculaire à ses parents notamment à sa mère, être victime de tortures et sévices corporelles de la part des policiers avant de rajouter : « Maman, les policiers ont emporté avec eux mes deux caisses d’argent que je gardais dans ma chambre. Elles contiennent une somme totale de trois cent cinquante mille (350.000) Francs CFA ».

Interpellée à cet effet par Sieur APEDO Edem Toussaint, le frère ainé de feu APEDO AMOUMOU Cédric, la Lieutenant ADA OWONE Stella épouse MAMBILI, enquêtrice de cette procédure au sein de l’OCLAN, va déclarer à ce dernier : « Oui, les deux caisses d’argent sont avec moi à l’OCLAD ».

Le jeudi 14/05/2020, en plein carrefour Léon Mba et dans le mépris total des règles de procédure pénale en matière de scellé, la Lieutenant ADA OWONE Stella épouse MAMBILI qui était accompagnée d’une autre policière remettra aux parents de feu APEDO AMOUMOU Cédric, non pas les trois cent cinquante (350.000) Francs CFA volés mais plutôt la somme de quatre-vingt mille (80.000) Francs CFA.

Ce même jeudi 14/05/2020, la Lieutenant ADA OWONE Stella épouse MAMBILI va exercer un chantage et une tentative d’extorsion de fond à l’endroit de la mère de mon client. En effet, la policière va demander à la mère de mon client de lui remettre deux millions (2.000.000) Francs CFA en échange de quoi mon client feu APEDO AMOUMOU Cédric allait recouvrer sa liberté.

Mais face au refus de la mère de mon client de céder à ce chantage et/ou tentative d’extorsion de fonds, la Lieutenant ADA OWONE Stella épouse MAMBILI va se résoudre à déférer mon client au parquet de la République ; ce qui fut fait le vendredi 15/05/2020.

Présenté au Parquet de la République ce vendredi 15/05/2020, mon client, feu APEDO AMOUMOU Cédric sera placé sous mandat de dépôt.

Le dimanche 17 mai 2020, soit 48 heures après que mon client ait été placé sous mandat de dépôt, la famille reçoit un appel de la maison d’arrêt de Libreville, leur annonçant le décès de leur fils.

Invitation leur est faite de se présenter le lundi 18 mai à la maison d’arrêt de Libreville pour récupérer le corps de leur enfant.

Malgré l’incompréhension et la tristesse que peut procurer une telle nouvelle, les parents prennent leur courage à deux mains et se rendent très tôt à la maison d’arrêt de Libreville.

Les parents ont attendu de 8 heures à 11 heures pour que l’identification du corps de leur fils ait lieu.

Vers 12 heures, les parents découvrent le corps de leur fils sans vie, baignant dans une marre de sang.

Après s’être renseigné au Parquet de la République, les parents prennent les services d’un médecin qui se rend à la maison d’arrêt dresser un constat du corps de mon client tel qu’ils l’ont trouvé : il ressort de ce constat dressé ce 18/05/2020 que le corps était en état de décomposition moins avancée, que le corps était volumineux, que les lèvres, cou, ventre, face et poitrine étaient enflés, qu’il y avait une hémorragie buccale et qu’il y avait une inflammation des bourses.

Que par la suite, une autopsie a été effectuée. Ce rapport d’autopsie qui mentionne l’existence de « petites plaies sur le bras gauche et les cuisses, l’absence de bol alimentaire dans l’estomac et des intestins vides, un hématome sur la face interne du cuir chevelu ; une fissuration osseuse temporale sur la face interne de la boîte crânienne…. »  se termine par une conclusion sans équivoque : « Monsieur APEDO AMOUMOU Cédric est décédé le 17/05/2020 des suites des complications d’un trouble métabolique grave probablement une hypoglycémie. Toutefois, la victime a eu une agression physique sur la tête avec un objet contondant ».

Il en résulte de manière non équivoque au vu des conclusions de ce rapport que Sieur APEDO AMOUMOU Cédrica reçu des coups qui ont été volontairement portés contre lui notamment sur sa tête et il a été volontairement privé de nourriture par les huit policiers qui l’avaient illicitement interpellés et gardés à vue.

Les conclusions du rapport d’autopsie confirment les déclarations du De Cujus qui disait à ses parents le mercredi 13/05/2020 être victimes de coups, tortures et sévices corporelles de la part des policiers de l’OCLAD.

Par ailleurs, nous retenons du rapport d’autopsie que Sieur APEDO AMOUMOU Cédric a été privé de nourriture durant ses deux jours de détention préventive à la maison d’arrêt de Libreville, en plus des trois (3) jours qu’il a passés durant sa garde à vue à l’OCLAD.

Ce fait est établi et incontestable.

A la suite des faits qui précèdent, le 05/06/2020, les parents de la victime ont porté plainte contre la Lieutenant ADA OWONO Stella épouse MAMBILI et les autres policiers de l’OCLAD et contre X, agents de la sécurité pénitentiaire pour entre autres bande organisée, association de malfaiteurs, crime, acte de torture, arrestations et séquestrations arbitraires, destruction de biens immobiliers appartenant à autrui, etc.

Le parquet de la République a fait un soit-transmis à l’Inspection de police qui, aussitôt saisi, a fait preuve de professionnalisme et d’impartialité en bouclant l’enquête dans les délais raisonnables.

Le 26/08/2020, le Brigadier-chef Major MBADINGA Michel Judicaël et la Lieutenant ADA OWONO Stella épouse MAMBILI, tous deux policiers, ont été présentés au Parquet de la République.

Dans son réquisitoire d’information, le Parquet de la République affirme que pèsent sur les deux agents ci-dessus nommés et sur d’autres policiers, je cite :

  • « Des présomptions suffisantes d’avoir volontairement porté des coups ayant entrainé la mort d’APEDO AMOUMOU Cédric
  • D’avoir également tenté d’extorquer des fonds à Dame BLIVI ADOLE AKOFA Aimée (la mère de la victime).

Alors que les faits reprochés aux policiers de l’OCLAD sont d’une extrême gravité puisqu’il s’agit d’un fait de nature criminelle étayée par une suffisance de preuves non équivoques, des conclusions du rapport d’autopsie qui rappelons le conclut à une mort des suites des coups volontaires reçus par le De cujus et à la privation de nourriture qu’on lui a volontairement infligé, au regard de la mort du père de mon client, décès survenu le 17 août 2020, soit trois mois, jour pour jour,

La juge en charge du troisième cabinet d’instruction du Tribunal Judiciaire de Libreville, Madame BOUENESTSE Flore Nathalie n’a pas trouvé mieux que de décerner un mandat de dépôt provisoire de neuf (9) jours à l’encontre du Brigadier-chef Major MBADINGA Michel Judicaël et de la Lieutenant ADA OWONO Stella épouse MAMBILI.

Au regard de la gravité des faits reprochés aux policiers et des preuves irréfutables qui font dire au Parquet de la République qu’il existe de présomptions suffisantes pour engager la responsabilité pénale de ces policiers en ce que ces faits prouvés constituent le crime de coups mortels et le délit de tentative d’extorsion de fonds, Madame BOUENESTSE Flore Nathalie, juge en charge du 3ème cabinet d’Instruction, le mandat de dépôt totalement inopportun de 9 jours. 

Pire, Madame BOUENESTSE Flore Nathalie, juge en charge du 3ème cabinet d’Instruction, après avoir pris deux mandats de dépôt provisoires contre les policiers en date du 26 août 2020 pour une durée de 9 jours se permet de s’auto-saisir avant même le terme du mandat de dépôt de 9 jours qui devait expirer le 4/09/2020.

En s’auto-saisissant avant le terme du mandat de dépôt de 9 jours, le ler septembre 2020, Madame la Juge en charge du 3ème cabinet d’Instruction a manifestement violé la prescription exécutoire du mandat de dépôt et violé par-dessus tout la règle selon lequel un juge ne peut s’auto-saisir pour défaire ou rétracter sa propre décision.

L’ordonnance de mise en liberté d’office après incarcération provisoire datée du 1er Septembre, soit trois jours avant le terme fixé par le mandat de dépôt du 26 septembre 2020 est absolument illicite du fait qu’aucune disposition de code de procédure pénale n’autorise un juge d’instruction ayant pris un mandat de dépôt provisoire à statuer ex nihilo sur ledit mandat avant son terme.

Constatant l’absence de fondement légal de l’ordonnance de mise en liberté d’office après incarcération provisoire datée du 1er Septembre, j’ai saisi la chambre d’accusation afin :

– Qu’elle déclare nulle et de nul effet ladite ordonnance parce que dépourvue de base légale ;

– Qu’elle ordonne le Brigadier-chef Major MBADINGA Michel Judicaël et de la Lieutenant ADA OWONO Stella épouse MAMBILI a terminé l’exécution du mandat de dépôt de 9 jours puisqu’il leur restait 3 jours à exécuter ;

– Qu’elle dessaisisse Madame BOUENESTSE Flore Nathalie, juge en charge du troisième cabinet d’instruction du Tribunal judiciaire de Libreville au profit d’un autre juge d’instruction ;

– Qu’elle prononce un mandat de dépôt tout court contre tous les policiers présumés auteurs du crime contre feu APEDO AMOUMOU Cédric

Par ailleurs, j’invite le ou la future juge d’instruction à orienter l’instruction du côté de la maison d’arrêt afin de recueillir tous les faits qui pourraient permettre d’établir l’éventuelle responsabilité des agents de la sécurité pénitentiaire ou des co-détenus par extraordinaire.

Enfin, je fustige le silence du Directeur de la maison d’arrêt de Libreville à qui j’ai adressé un courrier depuis début juin 2020 afin qu’il me dise si lors du dépôt de mon client dans son établissement le vendredi 15/05/2020, feu APEDO AMOUMOU Cédric a été examiné par le Médecin de la maison d’arrêt ? Si oui, dans quel état physique y a-t-il été déposé ? Dans quelles conditions ou circonstances mon client est-il décédé ? Et enfin, pourquoi le Médecin de la maison d’arrêt a refusé de remettre le corps sans vie aux parents qui s’étaient pourtant déplacés à la demande de la maison d’arrêt pour venir chercher la dépouille de leur fils toute la journée du lundi 18/05/2020 ? Pourquoi ce même médecin a préféré transférer le corps de mon client à une société mortuaire ?

Je relève que le silence du Directeur de la maison d’arrêt de Libreville à mon courrier de début juin 2020 est absolument inadmissible.

Gabonactu.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error

Vous aimez l'article? Merci de le partager.