Ce que Me Minkoe Minze m’a dit en 2006 (par Yves Laurent GOMA)

Il à l’époque Directeur de l’Ecole nationale d’art et de manufacture (ENAM). Me Marcellin Minkoe Minze avait accepté de m’accorder une interview exclusive. Il était au sommet de son art. Nous étions dans son atelier à ancien SOBRAGA. Il avait revêtu une blouse blanche immaculée de peinture. J’avais assisté à quelques coups de pinceaux magistraux. Un coup de maître. Comme j’aimerai rediffuser ces belles images qui malheureusement disparu. Dieu merci que l’artiste décédé le 11 novembre dans sa 70ème année, ne meurt pas. Ces paroles de 2006 résonnent encore plus fort comme si c’était aujourd’hui alors qu’il y a 17 ans déjà. Bonne lecteur de cette interview que je rediffuse à titre posthume !

Yves Laurent GOMA : Depuis combien de temps êtes-vous dans la peinture. Comment vous y êtes arrivés ?

Me Minkoe Minze : Je suis né dans une famille d’artistes sculpteurs. De mon aïeul à moi, tout le monde touche à quelque chose. Moi j’ai peut-être excellé par petit bonheur. Je suis dans l’art depuis ma naissance. Mais je suis artiste depuis la fin de mes études supérieures. On peut parler des années 82, date à laquelle j’ai fais ma première exposition au Centre culturel français (CCF) de Libreville. J’ai obtenu le premier prix de la peinture. Ça duré 12 ans. Je me suis retiré de la compétition quand j’ai été lauréat du prix CICIBA à Malabo en Guinée Équatoriale, en 1992.

Je me suis retiré car je me suis dis que je n’ai plus rien à prouver. Je suis désormais dans le jury.

Pourquoi le nu occupe-t-il une place prépondérante dans votre art ?

Le nu est une fonction des beaux arts. Tous les peintres du monde ont peint le nu parce que nous cherchons les canons anatomiques de l’être humain. Pour mieux dessiner l’être humain, il faut connaître ses formes. Quand on est dans ses habits, on est pas son corps. Mais un véritable artiste devait pouvoir dessiner un homme habillé sans erreur esthétique. Mais pour arriver à cela, il faut connaître le corps de l’homme. Comme un mécanicien, il ne peut pas remonter s’il ne sait pas démonter. Donc pour les artistes, le corps humain est important, il inspire beaucoup de chose comme à ceux qui ont créé la bouteille de coca-cola à partir du corps de la femme.

Le corps de la femme est le plus beau dessin et la plus belle forme que Dieu ait créé.

Il a inspiré la guitare. Vous savez pourquoi le musicien dort sur la guitare ? C’est parce qu’il a l’impression de caresser le corps d’une femme. Le nu est une image qui a traversé le temps, qui a fait le temps et qui le fera encore davantage.

Votre plus beau souvenir ?

C’est quand j’ai rencontré les œuvres des maîtres que j’admirai à travers les livres. J’ai vu les originaux de Picasso au musée d’art moderne à New York, j’ai pu voir les œuvres de Wilfredo Lam dans son musée à Cuba à la Havane.

Marcellin Minkoe Mi Nze / Gabonactu.com
Marcellin Minkoe Minze © Gabonactu.com

Dans mes propres expositions, mon plus grand souvenir c’est en 1991. J’ai rencontré quelqu’un qui voulait acheter mes œuvres. Il voulait que je puisse lui en produire de 15 à 21 par an et il assurait ma retraite. Je n’ai pas mordu, je serai peut-être milliardaire aujourd’hui.

Pourquoi avez-vous refusé ?

Parce que j’avais peur. Vous savez, l’art c’est aussi parfois la mafia. Vous ne comprendrez pas pourquoi un bout de contre plaqué que vous avez acheté à 14 000 FCFA, vous le coupez en deux ou en quatre le morceau coûte 2 millions de FCFA. Il y a un mystère derrière l’art. Alors quand quelqu’un vient vous voir et vous dire que vous ne peignez que pour lui, il y a quelque chose derrière. (…) Il devient le seul qui détient votre œuvre et c’est ce qui fait la cote des œuvres dans le monde. Quand vous ne pouvez plus peindre, un seul détient vos dernières œuvres, vous devenez son gâteau…

Je préfère être un dernier chez moi qu’un premier ailleurs. J’aime mon pays.

Une anecdote de votre carrière ?

Je suis allé exposer en Allemagne en 1992. J’avais dix tableaux et puis le patron du musée d’Hambourg a pris mes tableaux pour faire une exposition au musée d’Hambourg. Pour moi c’était une chance extraordinaire. Nous étions plusieurs peintres et c’est moi qui a été choisi avec 10 œuvres alors qu’il faut 25 à 30 œuvres voire plus pour faire une bonne exposition. Il a vu la qualité de mes œuvres, il a fait l’exposition et c’est à partir d’Allemagne que mon mètre carré vaut 2 millions de FCFA. Il y a quand même un prix gabonais mais, je ne vendrais pas le mètre carré de mon œuvre à moins d’un million de FCFA.  

Vous êtes actuellement dans l’administration. Etes-vous vers la fin de votre carrière ?

Quelque soit le poste que j’occuperai dans le monde, je resterai artiste. J’aurai toujours besoin de mon atelier, de mon pinceau. C’est la première des mères que j’ai eue, après ma mère et c’est la première des épouses. C’est une femme qui m’accompagne partout, elle est dans moi et dans mes vibrations et dans mes sens. Elle partage mes idées et vibre mes idées, elle sent mes idées et elle m’aide à les extérioriser pour les partager aux autres. Ça c’est une femme extraordinaire, une mère extraordinaire. Quand on a cette chance, on se demande qu’est-ce qu’on peut envier aux autres.

Quand on a choisi le beau comme partenaire, on peut dire que c’est merveilleux. C’est divin.

Propos recueillis par Yves Laurent GOMA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error

Vous aimez l'article? Merci de le partager.