Depuis l’appel de René Ndemezo’o Obiang, l’opposition gabonaise navigue en eaux troubles. Pour cause, Frédéric Massavala, Féfé Onanga mais surtout Jean Eyeghe Ndong ont l’un après l’autre décidé de réintégrer la mouvance Présidentielle ou de s’en rapprocher de manière évidente. Ils ont ainsi emboité le pas au natif de Bitam dans sa volonté de reconstituer l’unité des fils spirituels d’Omar Bongo.
Pour rappel, ces dignitaires avaient rejoint la branche de l’opposition dite radicale après avoir démissionné du parti au pouvoir avec fracas. Fervents soutiens de Jean Ping, ils ont vigoureusement contesté la réélection d’Ali Bongo après le scrutin présidentiel de 2016. Comment alors comprendre ce rapprochement avec le Chef de l’exécutif gabonais à quelques encablures de la fin de son second mandat? Sans se risquer dans l’herméneutique des discours des uns et des autres, nous tenterons ici de poser deux problèmes que suscitent ces va-et-vient entre l’opposition et la majorité: l’inconstance idéologique de l’opposition (I) et l’immobilisme de la classe politique(II)
L’inconstance idéologique de l’opposition
Depuis les premières élections pluralistes de 1993, toutes les tentatives de l’opposition pour parvenir à l’alternance se sont soldées par des échecs. Mis à part l’argument de la fraude électorale servi à tort ou à raison, cette difficulté à contrôler l’exécutif s’explique en grande partie par l’inconstance idéologique des leaders de l’opposition. En effet, s’ils ont été incapables de conquérir le suffrage universel, les opposants au régime des Bongo ont surtout réussi à négocier des parcelles de pouvoir au sein de l’appareil étatique. Au mépris de leurs convictions, ils ont régulièrement cédé à la tentation d’aller à la mangeoire, sinon de satisfaire leurs seuls intérêts personnels. Ainsi, ces alliances incestueuses entre l’opposition et la majorité constituent la recette principale de tous les gouvernements postélectoraux, sous le prétexte fallacieux de l’ouverture démocratique.
Or, disons-le, cette démarche compromissoire est à l’avantage exclusif de la majorité. Elle a largement contribué à consolider les acquis du pouvoir en place au détriment des partis adverses. Cela était vrai sous Bongo père et l’est encore aujourd’hui avec son successeur. En se rapprochant du pouvoir, Jean Eyeghe Ndong et ses compères de la CNR ne font que perpétuer cette longue tradition. Ainsi, s’il est vrai qu’ils assènent un coup mortel à l’opposition radicale, ils apportent surtout la preuve irréfutable de l’inconstance idéologique qui accable ce camp politique. Mais là n’est pas le pire des maux.
L’immobilisme de la classe politique
Certes, les concernés ne manquent pas d’arguments. En compatriotes reconvertis, ils se disent engagés à servir l’Etat et à constituer une force de proposition auprès du Président Ali Bongo. Mais ce retour aux affaires des hommes forts de Bongo père augure-t-il des lendemains meilleurs en matière de gouvernance?
Pour certains observateurs, les va-et-vient entre l’opposition et la majorité traduisent l’immobilisme de notre classe politique, sinon son incapacité à opérer sa mue. Pour dire simple, ils compromettent le renouvellement des élites politiques. Si la majorité peut se réjouir de piocher dans le camp de l’opposition radicale, elle s’inscrit néanmoins en porte-à-faux avec ses propres promesses.
En accédant au pouvoir en 2009, Ali Bongo Ondimba s’était engagé en faveur d’une nouvelle dynamique. La fin des privilèges et le renouvellement des élites constituaient des éléments clés de son projet politique. Cette nouvelle dynamique imposait une rupture radicale avec les méthodes et les pratiques léguées par son prédécesseur. L’on se souviendra en particulier de la « délocalisation » des portefeuilles ministériels stratégiques autrefois réservés à certaines provinces ou ethnies. Il en est ainsi de la Primature, des Ministères financiers ou de la Défense qui ont perdu ou tendent à perdre leur coloration géopolitique d’antan.
Mieux encore, la crise postélectorale de 2016 avait conduit le Chef de l’Etat a accélérer l’amélioration des conditions de vie des gabonais au détriment de la politique politicienne. Car, qu’on le veuille ou pas, cette crise a eu pour facteur aggravant le délaissement du peuple par les politiques. Un peuple opprimé a tendance à se révolter. Ali Bongo disait alors avoir entendu les cris de son peuple durement frappé par le chômage, la vie chère et l’insécurité. C’est dans cette optique qu’il a fait de l’égalité de chances une priorité absolue.
Mais alors que les résultats des réformes engagées se font attendre, le pouvoir semble avoir changé de stratégie sinon de priorité. Le retour annoncé des Bongo boys aux affaires permet de le soupçonner. S’il est vrai que les opposants d’hier seront d’un apport capital à la majorité dans l’optique de 2023, il est tout aussi clair que leur plus-value dans la bonne gouvernance n’est pas un acquis. Faut-il le rappeler, la gouvernance n’est pas un problème d’hommes mais de choix et de méthodes. Sans vouloir omettre les vertus du dialogue et de l’ouverture en politique, il faut dire qu’Ali Bongo dispose d’une niche de compatriotes compétents dans l’administration publique, la société civile et le secteur privé. Dans tous les cas, l’apport des anciens opposants ne doit pas consacrer le retour des privilèges d’hier.
Michel Ndong Esso, Professeur certifié de philosophie
Les hommes politiques de notre Nation font la politique de leurs propres ventre , et non pour le plus grand nombre ; alors tant que les finances sont du côté du parti au pouvoir, nous assistons toujours aux allées et retour de ses derniers
C’est bien dommage pour notre démocratie.