Le président Ali Bongo Ondimba au palais présidentiel en 2015 @ archives Gabonactu.com
Libreville, 7 novembre (Gabonactu.com) – Le Gabon connait-il une vacance de pouvoir suite à la » la fatigue sévère » dont souffre actuellement le président de la République, Ali Bongo Ondimba ? Qui peut constater cette vacance et à quel moment ? L’universitaire Boniface Roux Boudiala, enseignant à la Faculté de droit de l’Université Omar Bongo de Libreville, dit tout en français très facile dans un libre propos que Gabonactu.com s’est procuré. A lire absolument pour comprendre le mécanisme à mettre en place en cas de vacance réelle de pouvoir.
Une « fatigue sévère » peut-elle déclencher la mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution ?
Je me nomme Boniface Roux BOUDIALA, enseignant à la Faculté de droit de l’Université Omar Bongo, je suis un citoyen gabonais. N’ayant jamais eu l’opportunité de jouir de l’espace d’expression public offert par notre pays, à certains de « ses dignes fils », je profite, en ma modeste qualité de juriste, de la tribune offerte par les réseaux sociaux, pour exprimer une opinion juridique, au regard de la tangente dangereuse, amorcée depuis bientôt deux semaines, par notre pays, le Gabon. Celui qui n’a pas mené l’enquête, n’a nul droit à la parole. Dans notre cas, l’enquête a bien été conduite dans les facultés de droit, et, la parole ici délivrée, restera strictement encadrée, par les textes en vigueur. Pour asseoir une évidente objectivité dans ces écrits, que j’assume pleinement, je vais donc m’efforcer de les étayer au travers d’une approche volontairement répétitive, d’une dialectique, prenant en compte, non seulement, les outils légaux en vigueur, mais aussi, les vraisemblances factuelles qui, actuellement, défraie la chronique. Cette analyse, insistera sur les aspects objectifs et se caractérisera, par la mise en exergue d’hypothèses, en raison de la pauvreté des informations sur divers points. Ce qui se susurre ou se formule publiquement, est perçu par certains, comme l’expression d’une attitude normale. Alors que pour d’autres, et surtout sous le prisme de l’implacable la logique, elles relèvent de la fiction, pire, de l’inacceptable.
Des faits, il résulte que, depuis près de deux semaines, le Président Ali Bongo ONDIMBA est invisible. Un nuage de fumé est fermement entretenu, autour de la situation réelle du Président de la République. Quelle version retenir, lorsque l’on constate une discordance de déclarations ? Serait-ce finalement, la suite d’un malaise consécutif, à une « fatigue sévère », suivant la déclaration faite par le Porte-parole de la Présidence de la République, ou plutôt, un accident vasculaire cérébral (AVC), suivant les dires de l’Agence Reuters.
Cette situation alimente aujourd’hui tous les fantasmes. Les opinions divergent au gré des intérêts des uns et des autres, au détriment de ceux la République gabonaise. La première thèse véhiculée, tend à exacerber l’opinion, en diffusant l’idée, qu’il se prépare un passage en force piloté par certains faucons et des proches de l’actuel Président. La deuxième thèse est construite, autour de la revendication d’une certaine victoire, réactualisée ou dépoussiérée, à la faveur d’une circonstance tragique, et que, le moment tant attendu serait arrivé ; laissant entrevoir un tableau funeste, celui des vautours tournoyant autours d’une charogne dans la perspective de faire place nette. La troisième et dernière thèse, celle à laquelle, certains gabonais souscrivent, vise l’idée selon laquelle, si la vacance du pouvoir confirmée, nous avons tous le devoir, de mettre en œuvre le dispositif de l’article 13 de la Constitution de la République gabonaise actuellement en vigueur.
Notons que, les Accords d’Angondjé, ne peuvent se substituer aux dispositions prévues par la Constitution, en raison de ce que, l’essentiel des projets des textes issus de ces Accords ne sont en vigueur car n’ayant pas été promulgués, puis publié dans le journal officiel.
Le rappel de ces trois approches, qui se dégagent de l’opinion du commun des gabonais, devrait plutôt inquiéter les intelligences. Ces diverses supputations sont, pour l’essentiel, le reflet d’un détachement de cette même opinion, à l’égard de la règle de droit. Une telle polyphonie, pour ne pas dire cacophonie, constitue, s’il en était besoin, la preuve que, tous les gabonais ne regardent plus dans la même direction, même lorsque les intérêts de la République l’imposent. Pourtant, le contexte actuel présiderait à ce que toutes les filles et fils du Gabon aient un seul et même pôle de référence : la Loi, donc la Constitution. Dans toute société, où la loi est bafouée, foulée au pied, par les gouvernants eux-mêmes, l’Etat s’efface pour céder le pas à l’anarchie. En effet, l’anarchie se définit juridiquement comme une structure sans Etat. Dans un tel contexte social, la paix est compromise et ouvre la voie à l’arbitraire. L’interrogation ne consiste pas, à ce stade de la réflexion, de pointer la nature du régime politique démocratique, ou non. L’analyse se cristallise ici, sur la réalité ou la fiction de l’existence de l’Etat gabonais. Notre Gabon, est-il un Etat de droit ou une anarchie ? Si l’on pense que le Gabon est un Etat de droit, digne de connaitre, enfin, un essor vers la félicité, que tous ses enfants, sans exclusive, commencent par respecter ses Lois.
La première Loi qui fonde l’existence de l’Etat de droit, c’est sa Constitution. Et, suivant la lettre de l’article 1er de notre Constitution, « la République gabonaise reconnaît et garantit les droits inviolables et imprescriptibles de l’Homme, qui lient obligatoirement les pouvoirs publics ». Dans la liste de ces droits, du même article 1er, il y a notamment : (…) ;
– Alinéa 2°) La liberté de conscience, de pensée, d’opinion, d’expression, de communication, (…), sont garanties à tous, sous réserve du respect de l’ordre public. ;
– Alinéa 21°) Chaque citoyen a le devoir de défendre la patrie et l’obligation de protéger et de respecter la Constitution, les lois et les règlements de la République ;
S’agissant de l’article 13 du titre II de la Constitution, qui traite des prérogatives attachées à l’Institution du Président de la République, il prévoit un dispositif précis, visant à encadrer la transmission du pouvoir politique, en cas de vacance de ce pouvoir présidentiel. Ce texte dispose qu’ « en cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement définitif de son titulaire constaté par la Cour Constitutionnelle saisie par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, ou à défaut, par les bureaux des deux chambres du Parlement statuant ensemble à la majorité de leurs membres, les fonctions du Président de la République, à l’exception de celles prévues aux articles 18, 19 et 116, alinéa 1er, sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ou, en cas d’empêchement de celui-ci dûment constaté par la Cour Constitutionnelle saisie dans les mêmes conditions que ci-dessus, par le Premier Vice-président du Sénat.
L’autorité qui assure l’intérim du Président de la République, dans les conditions du présent article, ne peut se porter candidat à l’élection présidentielle.
En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par la Cour Constitutionnelle, le scrutin pour l’élection du nouveau président a lieu, sauf cas de force majeure constatée par la Cour Constitutionnelle, trente jours au moins et quarante-cinq jours au plus après l’ouverture de la vacance ou de la déclaration du caractère définitif de l’empêchement ».
Comme on peut le constater, il n’y a pas de vide juridique, comme certains s’efforcent insidieusement de le distiller dans l’opinion publique. Il convient simplement, de mettre en œuvre la lettre de la Constitution de la République, comme cela avait été le cas, lors du décès de l’ex Président de la République, Omar Bongo ONDIMBA. Le choix des articles 1er et 13 de la loi fondamentale n’est pas fortuit.
Suivant la lettre de l’article 1er de la Constitution, il faut relever, d’une part, que tout gabonais est libre d’exprimer ses opinions. C’est notamment, à ce titre que nous exerçons notre plume ici. Dans le strict respect de la dignité humaine, cette approche est l’expression de la lecture d’un gabonais, qui ne fait qu’user d’un droit que lui reconnait la Constitution. D’autre part, et c’est le plus important, le point 21° de l’article 1er de la Loi fondamentale (la Constitution) dispose que, chaque citoyen gabonais « a le devoir de défendre la patrie et l’obligation de protéger et de respecter la Constitution, les lois et les règlements de la République ».
En rédigeant ces lignes, je remplis mon « devoir » en ma qualité de citoyen gabonais, qui consiste à « défendre la patrie et (…) la Constitution (…) de la République ». Ce devoir constitutionnel, concerne toutes les filles et les fils de ce pays. C’est un devoir patriotique. Refuser de se conformer aux dispositions constitutionnelles et de mettre en avant ses intérêts personnels, est un évident déni de l’Etat. C’est poser un acte de haute trahison à l’égard de la République gabonaise. Cette situation concerne tous les acteurs impliqués, à quelque niveau que ce soit, du processus.
Dans tous les cas, suivant la substance de l’article 13 de la Constitution susvisé, la non présence et l’indisponibilité, au Gabon, du Président de la République, pour des raisons de santé, devrait astreindre la Cour Constitutionnelle, après une saisine du gouvernement, à constater la vacance du pouvoir. Mais dans quelles hypothèses, peut-on mettre en œuvre, l’article 13 de la Constitution ? Ce texte n’est applicable qu’en « cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit », ou « d’empêchement définitif ».
Dans cet esprit :
– la « vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit », pointe l’état d’un emploi public, « la présidence », qui n’est plus occupé. Autrement formulé, notons que la vacance peut dériver d’un empêchement qui peut être définitif, tout comme cet empêchement peut être provisoire. Dans ce second cas, la vacance ne nécessite pas d’intérim. Comme on peut aisément le constater, il est fondamentalement question ici, d’un événement qui laisse vacante la fonction présidentielle : c’est essentiellement l’hypothèse du décès ou de la démission.
– l’empêchement visé par ledit article, peut se définir comme tout obstacle factuel ou juridique, entravant l’accomplissement d’une mission. Il est ici question d’une situation qui, dès lors qu’elle survient, met le titulaire d’une fonction dans l’incapacité de l’exercer. Mais il faut préciser que l’empêchement se dédouble : il est ponctuel ou définitif.
Comme cela transparait, l’article 13 de la Constitution, série les hypothèses, pour ne retenir que celles d’un « empêchement définitif ». Ainsi, il appartient à la Cour Constitutionnelle de constater cet empêchement sur saisine du gouvernement, représenté par le premier ministre. Dès lors que l’empêchement est constaté, le Président du Sénat assure l’intérim, aux fins de conduire les affaires courantes de la Nation ; et, surtout d’organiser des élections anticipées.
De tout ce qui précède, il est curieux de constater que le gouvernement, qui partage le pouvoir exécutif suivant la lettre de la Constitution, ne communique pas. La présidence de la République s’aligne dans une communication, jugée approximative. Pourtant, toute vacance de la présidence n’induit pas, impérativement, une mise à la retraite du Président de la République. Ainsi, un malaise consécutif à « une fatigue sévère », ne constitue pas, forcément, la porte de sortie du Président. Le cas récent du Nigéria devrait inspirer certains, si tant est que, l’information diffusée n’est pas fausse.
Dans la tradition juridique, l’empêchement est cette absence définitive du titulaire de la fonction de Président de la République. Il peut être la conséquence d’un décès, d’une démission ou d’une destitution. Dans cet esprit, la notion « d’empêchement définitif », parait plus extensive que celle de « vacance de la présidence de la République » en cela que, si toute « vacance » procède d’un « empêchement définitif », tout empêchement ne constitue pas forcément une vacance surtout lorsqu’elle est provisoire. Dans tous les cas, ces deux notions ont un dénominateur commun, mais ne sont pas commutatifs.
Elles traduisent toutes les deux, un évènement qui empêche le Président de la République d’exercer ses fonctions, soit provisoirement soit définitivement. La maladie peut, constituer un empêchement provisoire, si le Président préserve toutes ses facultés en dépit de son atteinte. Il suffira de démontrer que, le Président est certes malade, mais il reste valide, en possession de toutes ses facultés mentales, et peut toujours décider en toute lucidité. Dans ce cas, l’article 13 de la Constitution, n’est pas applicable, car la vacance ou l’empêchement n’est que temporaire. Le Président est un humain, il peut tomber malade, cela ne doit constituer un prétexte pour déstabiliser les Institutions de la République. De cette approche, on peut déduire qu’il incombe au gouvernement, d’éclairer la Nation sur la santé de son premier représentant. Un bulletin de santé doit être présenté au peuple, premier souverain, dans un Etat de droit. Ne pas assumer cette responsabilité constituerait des manquements graves.
En cas de décès ou, d’invalidité totale conduisant à une incapacité à gouverner, on rentre au cœur du dispositif de l’article 13 de notre Constitution. Comme en 2009, la Cour Constitutionnelle, se saisissant de ce dossier, suite à la requête du gouvernement, se doit de rendre une décision, constatant la vacance de la Présidence de la République. Cette décision ouvre la voie à l’intérim et à l’organisation d’une élection présidentielle anticipée.
Dans toutes les hypothèses envisagées, il est nécessaire, que le président du Sénat assure l’intérim de la fonction présidentielle, au regard de la Loi (la Constitution). Point n’est besoin d’insister sur le contenu de l’intérim. Notons tout de même, qu’il s’agit d’une situation transitoire, dans laquelle, une personne est chargée passagèrement d’une fonction subitement devenue vacante, en attendant, dans notre cas, la désignation, à la suite d’une élection anticipée, du nouveau Président de la République, dans un délai de trente (30) à quarante cinq (45) jours. Pendant cette phase transitoire, de vacance de la présidence, le Président du Sénat, qui n’est qu’un Président intérimaire, n’a pas tous les pouvoirs. La raison de cette limitation, se justifie légalement, par le fait qu’il a moins de légitimité. Dans cet esprit, l’article 13 de la Constitution précise que « les fonctions du Président de la République, à l’exception de celles prévues aux articles 18, 19 et 116, alinéa 1er, sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ou, en cas d’empêchement de celui-ci dûment constaté par la Cour Constitutionnelle saisie dans les mêmes conditions que ci-dessus, par le Premier Vice-président du Sénat ». Dans ce sens, le Président intérimaire ne peut :
– d’abord, pas organiser de référendum (article 18) ;
– ensuite, il ne peut songer à dissoudre l’Assemblée Nationale (article 19) ;
– enfin, il ne peut pas réviser la Constitution (article 116, alinéa 1er).
Le Président du Sénat a un mandat limitatif à la tête de l’Etat. Il assure la continuité des affaires courantes de l’Etat, et permet une bonne transmission du pouvoir, après l’organisation de l’élection présidentielle anticipées.
Au regard de ce qui se dessine, au travers de l’actualité et de la commune renommée, il semble que la République soit en danger. En effet, dans un tel contexte, elle est comme ce « bateau ivre », à la recherche d’un timonier qui serait à même de le stabiliser, dans le respect des règles. Conformément à la lettre de l’article 1er de la Constitution, le premier ministre, qui représente le gouvernement, se doit de jouer sa partition. En faisant un rapport, conforme à la situation exacte, actuelle, du Président de la République, il assume son « devoir de défendre la patrie et l’obligation de protéger et de respecter la Constitution, les lois et les règlements de la République ». Dans le cas contraire, il s’inscrirait dans une logique qui s’apparente à une sédition contre la Constitution de la République. En vérité, le premier ministre est la clé de voute de tout le mécanisme de l’article 13. En effet, la Cour Constitutionnelle ne peut s’autosaisir. Elle ne peut constater la « vacance de la présidence de la République », ou « l’empêchement définitif » du locataire du palais du bord de mer, qu’après avoir été saisie par le gouvernement. Autrement dit, si le gouvernement ne saisi pas la Cour Constitutionnelle, aux fins de faire constater la vacance, la situation peut s’éterniser et l’informel ou le passage en force pourrait ainsi prendre corps.
Sous l’angle comparatiste, notons que l’article 88 de la Constitution de l’Algérie précise que, « lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel, se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement (…) ». Dans ce cas, le Conseil constitutionnel, qui est l’équivalent de notre Cour constitutionnel, peut s’autosaisir. Le constituant gabonais est passé à côté d’une telle opportunité, pour des raisons qui lui sont propres. Au Gabon, la Cour Constitutionnelle ne se saisit pas elle-même pour réguler cette situation. Mais on peut rétorquer qu’elle est la gardienne de la Constitution, et qu’à ce titre, elle pourrait ouvrir une jurisprudence, pour une fois, favorable à la Nation. Le rejet de toute possibilité d’auto saisine, dans ce cas d’espèce, et la porte ouverte, aux velléités dilatoires, peut être confortée, par le fait que l’article 13 de la Constitution ne fixe pas de délai au gouvernement pour l’astreindre à introduire sa requête à la Cour Constitutionnelle. Au regard des faits, le Premier Ministre est obligé d’introduire cette requête, étant entendu que la Constitution l’exige du gouvernement. S’abstenir de le faire, c’est violer la Constitution et donc s’opposer à la volonté du Peuple souverain.
La situation est beaucoup plus grave en cas de décès du Président de la République. Dans cette hypothèse où la vacance est évidente, il serait inadmissible que le gouvernement conserve longtemps et confidentiellement une telle information. Agir ainsi, c’est aller au-delà de la simple sédition contre la Constitution. Il s’agit ici d’un acte de haute trahison contre la République gabonaise. Mieux, on pourrait même s’interroger sur les raisons du blocus d’une telle information qui concerne, principalement, le Peuple gabonais détenteur souverain du pouvoir politique. S’agirait-il, d’une volonté de renverser les institutions de la République ? S’agirait-il, d’un concert frauduleux des droits du peuple gabonais ? S’agirait-il, d’une intelligence avec l’étranger au détriment des intérêts du peuple gabonais ? Toutes ces interrogations pointent des situations gravissimes qui devraient motiver les politiciens à faire extrêmement attention, car la République est comme le prédit « La Concorde » en éveil.
Dans tous les cas, le premier ministre se doit de clarifier les choses, de veiller au respect de la Constitution, et, donc de l’Etat. Il est curieux de constater que, les partisans du parti au pouvoir, ne produisent pas un schéma constructif, permettant d’éclairer l’opinion et d’apaiser les inquiétudes des gabonais. Lors de sa déclaration du 06 novembre 2018, le représentant de cette formation politique, n’a apporté aucune information, sur l’état de santé du Président de la République. Il a simplement déploré, certaines attitudes qu’il considère comme, des dérives des « politiciens bassement moraux », des partis politiques réprouvés et « des compatriotes irrationnels ». Dans la même direction, il a exhorté les gabonais à préserver l’unité nationale et toutes les vertus de notre vivre ensemble.
Au-delà de ce point de vue, il faut reconnaitre que, la consolidation de l’Etat de droit passe par le respect de nos Lois et surtout par l’éthique et la droiture politique des dirigeants. Qui sommes-nous pour condamner, lorsque nous n’arrivons pas à fournir au peuple, le minimum attendu, dans ce contexte extrêmement sensible ? Certes, tout citoyen a des obligations, mais l’un des buts fondamentaux de l’Etat, au sens du droit constitutionnel, c’est d’abord de protéger ce citoyen en respectant sa position centrale dans la vie de l’Etat. Sous l’éclairage du droit, le Peuple est le premier souverain, le détenteur réel du pouvoir.
Dans un Etat de droit, le Pouvoir ne vient pas de Dieu, mais du peuple, qui le délègue au Président de la République, aux parlementaires et à ses divers représentants. Cette réalité se manifeste, dans le lexique politique, par la notion de « Mandat présidentiel » ou simplement « mandat de représentation ». Le Mandat est un contrat impliquant, la représentation du mandant (le peuple gabonais) par le mandataire (le Président de la République ou tout autre représentant du peuple). Ce mécanisme est la preuve qu’en démocratie, le peuple est le dépositaire de tous les pouvoirs. L’article 3 de notre Constitution le confirme, lorsqu’il dispose que, « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce directement, par le référendum ou par l’élection, selon le principe de la démocratie pluraliste, et indirectement par les institutions constitutionnelles.
Aucune section du peuple, aucun groupe, aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale ni entraver le fonctionnement régulier des institutions de la République ». Dans une telle société, on ne peut priver le peuple des informations touchant la santé de la personne mandatée pour protéger ses intérêts. Comment ce peuple, pourrait-il se sentir en sécurité, s’il présent que son porte étendard est en danger ? Peut-on encore soutenir que l’Etat de droit est respecté, si le peuple, véritable propriétaire du pouvoir est marginalisé ? Le Président de la République n’est pas, l’otage d’un groupuscule de personnes ou d’une Institution.
En acceptant ce mandat, au travers de sa prestation de serment, prévue par l’article 12 de la Constitution, le Président de la République, jure de consacrer toutes ses « forces au bien du peuple gabonais, en vue d’assurer son bien-être et de le préserver de tout dommage, de respecter et de défendre la Constitution et l’État de droit (…) ».
Il est aussi déplorable de constater que, d’autres compatriotes, se réjouissent de la situation préoccupante actuelle. La décence et l’éthique commandent de faire montre d’humanisme. Notre humanité devrait interdire d’imiter ou de mimer certaines personnes expertes dans les agissements monstrueux. Notre respect pour la République, incite à veiller au respect des Lois que nous nous sommes prescrites. Ecartons toutes les velléités, tendant ou souhaitant mettre, entre parenthèse les Lois de la République. La décence politique voudrait qu’en pareille occurrence, l’article 13 de la Constitution soit mis en œuvre, si toutes ses conditions sont remplies. Comme le disait un ancien Président de la République, le Gabon n’est la propriété de personne, il est notre sanctuaire à tous.
Il est impératif de mettre le peuple gabonais au centre de cette situation. Si certains politiciens estiment qu’ils jouissent d’une réelle légitimité, qu’ils repartent aux urnes. Il est malsain d’attendre une situation dramatique, pour ensuite bomber le torse, et, rappeler son triomphe. Cette attitude est-elle l’expression d’une grandeur d’esprit ? S’agissant du parti au pouvoir, si les dernières élections constituent une réelle recomposition du paysage politique, pourquoi être frileux face à la transition légale ? Le Sénat est opérationnel, son Président est visible. En cas de vacance de pouvoir avérée, il s’agira, de poser toutes les cartes sur la table. C’est à ce niveau qu’il convient de faire taire les intérêts partisans pour un agir « Gabon d’abord ».
La transition se doit d’être apaisée, si elle est inscrite à l’ordre du jour. Devant un éventuel intérim, il est à craindre que, certaines forces, ennemies des intérêts du Gabon, ne tentent de fausser le processus, en essayant de discréditer les personnes constitutionnellement visées pour assumer cette tâche. Ces personnes pourraient, par exemple, être poussées à la démission ou, une autre stratégie pourrait consister, à faire croire que ces personnes sont dans l’incapacité d’assurer l’intérim, et positionner un président intérimaire de paille, qui viendrait fausser la sincérité du processus de l’article 13 de la Constitution. Aujourd’hui, il est question, dans l’intérêt du Gabon, que les politiciens et les partis politiques se délestent de la fourberie et de la félonie. Aujourd’hui, si la vacance de la présidence se confirme, il serait souhaitable de faire montre de retenue, de respect et surtout de tolérance. Il est donc temps de répondre à l’appel de la Patrie.
Si le gouvernement estime qu’il n’y a pas de « vacance de la présidence de la République », il lui incombe d’en apporter la preuve tangible pour faire taire toutes supputations. La persistance, dans une voie du blocus de l’information, sonne comme un aveu d’échec et d’impuissance, face à la lettre implacable de l’article 13 de la Constitution, il convient de dissiper ce gros nuage de fumée, qui entoure la santé du Président de la République, pour déraciner toutes les supputations, qui ne cessent de fleurir, depuis bientôt deux semaines, en raison du désert de l’information.
Merci pour votre attention.
Boniface Roux BOUDIALA
Juriste – Enseignant à la Faculté de Droit et de Sciences Économiques de Libreville.