Libre propos : Présidentielle 2023 au Gabon, scrutin perdu d’avance pour opposition ?

A deux (2) ans de la tenue de la présidentielle au Gabon, la scène politique gabonaise est entre recomposition politique, structuration des blocs, l’émergence des nouveaux acteurs et la naissance des nouvelles formations politiques. Il m’a semblé judicieux de jeter un regard froid et sans faux fuyant sur l’incapacité de l’opposition gabonaise à s’imposer à ce scrutin, si les choses restent en l’état.

J’ai voulu être bref, concis dans mon analyse, en épargnant les lecteurs d’un texte kilométrique et purement théorique, j’ai pris sur moi le pari d’aborder cette question sans artifices en ayant à l’esprit de m’adresser à tous les publics.

De prime abord, soulignons qu’au Gabon il n’y a pas une opposition, mais plutôt des oppositions. Ce que je qualifie d’opposition arc-en-ciel. Il y a trois (3) tendances qui se dégagent : une première catégorie qui se réclame de la branche dite « radicale ». En réalité, les acteurs qui appartiennent à ce courant non nullement pour objectif :  la conquête du pouvoir, ils s’opposent plutôt aux acteurs politiques de la galaxie présidentielle. La deuxième catégorie dite « modérée et démocratique » encore appelée trivialement « opposition responsable » ou de service, leur leitmotiv est de figurer dans les différentes équipes gouvernementales. Ses membres n’ont aucun projet politique. Ils font une fixation sur la réclamation des postes et disent vouloir servir la nation. Quant à la dernière tendance  qui a pignon sur rue, la branche de l’opposition dite « virtuelle et utopique  » l’une des particularités des tenants de ce courant est de prendre le Gabon pour un roman. Ils vivent des retombées des assises politiques, ce sont les mêmes qui  parleront de leurs participations à la Conférence Nationale de la décennie (1990), des Accords de Paris  (1994), d’Arambo de 2007 et du Dialogue politique d’Agondjé en 2017.

 Aujourd’hui, ils crient sur tous les toits pour l’organisation d’une nouvelle messe politique, selon leur rhétorique  politique ils proposent la dénomination de:  » l’appel des braves », vous les reconnaissez par leur message politique qui se résume à l’appel éternel au dialogue politique. Certains d’entre-eux passent la majeure partie de leur temps à faire des déclarations politiques et les meetings dans les réseaux sociaux (Facebook et Whatsapp).

Modestement, voici mes observations :

– L’opposition gabonaise depuis 2009, après que le système et certains anciens opposants auraient décapités, à tout prix l’opposition originelle, a perdu sa véritable identité politique. Composée majoritairement des anciens barons du parti démocratique gabonais (Parti au pouvoir), on assiste à un duel entre les anciens PDgistes et ceux qui sont aux commandes du pays;

– Nous avons à faire à une opposition nostalgique de la décennie 90, dont le mode opératoire reste le même, la contestation des résultats électoraux dans la rue, l’invective et la non maîtrise du terrain politique, même discours, et même stratégie pour le même résultat.

– Une opposition bureaucratique, spécialiste des déclarations et de points de presse, aucune présence réelle sur le terrain, et les élections couplées législatives et locales de 2018 sont venues confirmer cette tendance;

– Une opposition statique et non dynamique, composée en grande partie de leaders sans véritable aura national. Des leaders dont les actions ne dépassent pas leurs petits fiefs électoraux. D’ailleurs, certains n’ont pas ou plus un mandat électif. Battus, pour la plupart, par le PDG et ses alliés connus ou masqués.

– Une opposition qui prône l’alternance au pouvoir dans son discours officiel, malheureusement , lorsque vous observez en profondeur le fonctionnement de ces formations politiques, triste est de constater qu’il y a aucun renouvellement des élites en leur sein. Ce sont les mêmes qui occupent des postes de responsabilité;

– Une opposition essoufflée, qui doit aujourd’hui son existence et sa longévité grâce à l’arrivée des anciens PDgistes, opposants devenus généralement à la perte d’un privilège. 

– une opposition financièrement trop dépendante de certaines grosses légumes qui ont déménagé du PDG.

– Une opposition minée aussi par les querelles d’égo qui ne rassure pas les militants et sympathisants. 

– Une opposition qui ne s’active que lors des élections esquivant les questions d’actualité;

– Une opposition, dont les leaders prônent la politique de la chaise vide. Personnellement, j’ai un avis négatif quant à l’efficacité du boycott des élections comme stratégie électorale.

Il y a d’autres raisons qui peuvent expliquer la faiblesse de cette opposition, d’autres spécialistes des questions politiques pourront compléter le tableau. Toute porte à croire que la scène politique nationale est en  recomposition, les leaders de l’opposition doivent comprendre qu’être opposant n’est pas une fonction, mais plutôt une alternative crédible pour matérialiser son programme politique, une fois au pouvoir.  Mais encore faut-il un rapport de force qui puisse contraindre les tenants du pouvoir à reconnaître leur poids politique. Mais cela passe par une meilleure organisation de l’opposition. Ce qui, malheureusement, n’est pas le cas. Alors, doit-il attendre quelques semaines de la présidentielle pour colmater les brèches,  alors  qu’en face la machine électorale du parti au pouvoir, toujours efficace, veille au grain? La question reste posée.

Francis Edgard SIMA MBA, Géopolitologue/Géostratège

Analyste politique. Consultant international

Expert en Stratégie et en Intelligence politique

One thought on “Libre propos : Présidentielle 2023 au Gabon, scrutin perdu d’avance pour opposition ?

  1. Je suis absolument d’accord avec tes analyses et tes observations. Toutefois, la situation actuelle n’est nullement une défaite annoncée de l’opposition.
    Nous savons bien que le système politique est dominé et sous le contrôle étroit des services. Les partis d’opposition crédibles sont soumis à un régime de persécution, subissent des harcèlements et des stratégies de division via des incohérences qui ne sont mises en avant qu’aux moments critiques.
    Les medias nationaux agissent comme un filtre et mettent surtout en avant des personnalités dont le régime n’a rien à craindre. Les leaders crédibles sont systématiquement éclipsés par des opposants sans envergure que le système se plait à médiatiser « pour occuper l’espace ».

    Toutefois l’opposition sera forcément représentée lors de la campagne à venir, avec plusieurs scenarii possibles et des incertitudes :
    1. Une opération d’ « AgitProp » qui mettrait en avant la grande nébuleuse de dernière minute, qui va drainer les opposants sincères pour les garder sous contrôle ;
    2. Incertitudes quant aux rôles de soutien que vont jouer les acteurs étrangers ;
    3. L’incertitude quant aux principales stratégies qui seront préconisées par les leaders : formation de coalitions ou boycottage des élections
    4. Incertitudes quant au rôle qui serait joué par la Société Civile. La perte de confiance envers les partis traditionnels pourrait renforcer leur influence et transférer vers elle les attentes populaires de transformation systémique, sachant que la Société Civile a déjà quelques leaders transformationnels bien outillés.
    5. Incertitude quant aux futures stratégies pour lutter contre l’abstentionnisme croissant dans cette situation de perte de confiance.

    Pour ma part je pense que comme partout ailleurs une forte contestation s’exprimera dans les réseaux sociaux. Néanmoins l’opposition ne reposant actuellement sur aucunes bases idéologiques ni sur de fortes structures organisationnelles, sera-t-elle capable d’avoir sur le terrain une influence de masse décisive et efficiente ? Il faudrait des financements énormes pour une mise à niveau et pour pouvoir répondre a la complexification des enjeux.

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