Consommation des Kobolos au Gabon : l’inquiétant dossier de France 24

Libreville, 20 mars (Gabonactu.com) – La chaîne de télévision française, France 24 a consacré un lourd et inquiétant dossier sur la consommation des Kobolos, ces anti-douleurs utilisés comme drogue par les jeunes gabonais qui « se tuent ».
 
Connaissez-vous les buveurs de « kobolos » ou les « goudronniers » de Libreville ? Il s’agit d’une nouvelle génération de jeunes délinquants gabonais accros au Tramadol, un antidouleur puissant proche de la morphine. Un lycéen a alerté France 24, inquiet de voir ses amis déscolarisés, reconvertis en voleurs et/ou trafiquants et ses camarades avoir des crises d’épilepsie en classe.
À 250 francs CFA la dose, soit 0,40 euro, elle s’échange dans les cours de récréation ou au fond des salles de classe gabonaises depuis plus de deux ans. Surnommée « kobolo », la nouvelle drogue à la mode de Libreville est un usage détourné de comprimés de Tramadol, un antidouleur puissant à base d’opioïdes utilisé en cas de douleurs extrêmes ou après une opération chirurgicale. Les comprimés sont avalés seuls, ou mélangés à des jus ou de l’alcool.
Le comprimé n’est disponible dans les pharmacies gabonaises que sur ordonnance, et à des dosages plus faibles, 50 mg, contre 220-250 mg au marché noir. Ces fortes doses, ingérées régulièrement, sont très addictives et perturbent le système nerveux. Leurs effets sont par ailleurs décuplés quand elles sont mélangés à de l’alcool.
Cette année, le phénomène a pris une telle ampleur que le gouvernement a décidé d’organiser des campagnes de sensibilisation dans les lycées des grandes villes. L’une des dernières en date s’est tenue au lycée Bessieux, à Libreville.
« Un élève a fait une crise d’épilepsie en plein devoir de maths »
Notre Observateur Lubin Martial, 17 ans, est en première dans cet établissement. Il a alerté la rédaction des Observateurs de France 24 sur un phénomène qu’il juge inquiétant.
Je vois souvent des élèves tomber d’un coup en classe ou dans la cour, faire des crises d’épilepsie. Ils convulsent, tremblent et bavent. C’est assez impressionnant. Dans ces cas-là il faut vite leur mettre un bâton dans la bouche, pour les empêcher de se mordre la langue. Dernièrement c’est arrivé à un élève en plein devoir de mathématiques.
 
« Ce phénomène existe depuis deux ou trois ans, mais cette année c’est particulièrement grave. On en trouve très facilement dans le lycée. Un élève m’a dit qu’il en obtenait par son grand frère qui travaille dans un hôpital psychiatrique ».
 
« J’ai essayé d’en acheter pour filmer la scène en caméra cachée, mais c’est risqué. Les vendeurs peuvent être violents. La seule fois où j’ai réussi à filmer le trafic dans la cour du lycée, le vendeur avait déjà écoulé tous ses stocks. Il était 11h du matin ».
J’ai vu beaucoup de mes amis, du jour au lendemain, se déscolariser, passer leurs journées dans la rue à traficoter. Je n’ai pas voulu rester sans rien faire. Je veux alerter les autorités, qu’elles comprennent qu’il est temps d’agir.
 
« Les enfants pauvres en vendent pour gagner de l’argent »
Jean-François, un ami de notre Observateur en terminale au lycée Paul Indjendjet Gondjout, constate le même phénomène dans son établissement public, plus populaire.
C’est comme une épidémie, certains commencent et tout le monde veut essayer. Ceux qui en prennent changent de comportement, certains se grattent, d’autres deviennent très agressifs ou au contraire très timides.
Pour moi ce phénomène est dû à la pauvreté, les enfants des bas quartiers comme moi n’ont pas d’argent, ils essayent d’en gagner par tous les moyens, parmi lesquels se trouve la vente de drogues. Je suis dans un lycée public, où il y a plus d’enfants pauvres, et je dirais que 40 % des élèves consomment cette drogue. L’autre problème c’est que certains musiciens chantent les louanges de ce comprimé, ce qui incite les enfants à en prendre.
C’est le cas du rappeur Donzer avec sa chanson « Goudronier » : « Je prends des kobolos pour m’amuser et me motiver ». Suivre le lien :
 

 
Notre Observateur Lubin a grandi à Avea, un quartier populaire de Libreville où les « kobolos » sont omniprésents. Plusieurs de ses amis sont aujourd’hui revendeurs. L’un d’eux a accepté d’expliquer, sous couvert d’anonymat, ses motivations.
Comme le rappeur Donz’er le dit en tolibangando [langage urbain gabonais, NDLR] dans sa chanson, nous sommes des goudronniers [bandits]. Cette vidéo c’est nous, elle nous a inspirés, moi et mes amis, à monter un groupe de kobolos pour vendre dans la rue et les lycées. Dans sa chanson, il nous encourage, on forme une sorte de communauté. Et comme ça on peut gagner de l’argent.
Personnellement je prends des kobolos deux à trois fois par semaine, pour m’amuser avec les autres, me motiver, être chaud… On se fournit auprès de grands du quartier et on part ensuite les vendre aux plus faibles, dans les lycées ou les quartiers. On ne sait pas où ils se procurent ces stupéfiants.
Un autre consommateur interrogé par France 24 a indiqué se fournir au marché de Kembo. « Quand j’en ai pris ça m’a donné de la force, je me sentais bien. Je sais que d’autres en prennent pour travailler ou se donner de la force pour aller jouer au foot. Certains disent que les filles en prennent pour avoir des rapports sexuels … »

Proviseurs et autorités s’inquiètent

 
Ce phénomène, où pauvreté, délinquance et toxicomanie forment un cocktail dangereux, inquiète beaucoup les directeurs de lycées, explique Nguema Oyame Celestin, proviseur du lycée Bessieux.
Depuis le mois de janvier, nous avons exclu six élèves pour détention de Tramadol. Nous avons eu entre 10 et 20 élèves qui ont fait des crises d’épilepsie depuis octobre. Ces derniers sont emmenés à l’infirmerie, on prévient leurs parents qu’ils ont consommé de la drogue.
 

Source : France 24

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