C’est parce-que chanter c’est prier plusieurs fois, c’est plus que parler, c’est consoler, c’est bercer et c’est empêcher d’être consumé par la douleur et la peine, que le collectif des artistes de Port-Gentil réunis autour de Laure Rekoula, Bello Ndogoula, Émane le guitariste, Patrick S, Curtis Ossounda Ossavou alias Ma Nkoma et bien d’autres, est allé se recueillir au front du bord de mer de la cité pétrolière, dimanche 19 mars 2023 de 17 heures à 21 heures.
Vêtus tous de blanc avec une bougie allumée en main, ces artistes de Port-Gentil le cœur meurtri, chagrinés par la mort de plusieurs passagers au large des côtes gabonaises, sont venus apporter leur soutien aux familles des victimes du naufrage du bateau Esther Miracle appartenant la compagnie Royal Coast Marine, qui a occasionné la mort de 26 passagers et 11 disparus.
En un point finir, ils chantaient à voix basse « comme un enfant, qui marche sur la route, le nez en l’air et les cheveux au vent…me voici Seigneur, me voici comme un enfant, comme un enfant, me voici, Seigneur, me voici comme un enfant », « Emêno k’ayéno, Emêno k’ayéno, k’ayéno, k’ayéno, k’ayéno, k’ayéno. La vie c’est comme ça là, la vie c’est comme ça là, la vie comme ça, la vie c’est comme ça ».
« On reste franchement sans mots ! On nous a, à chaque fois, montré qu’il y’a des équipements qu’il faut, je me demande bien à quoi servent ces équipements quand il s’agit des cas pareils. En fait ça ne devrait pas arriver », a estimé l’artiste Ma Nkoma.
Ils ont décoré la scène de lumière, de fleurs, de lampions et bien plus encore estimant qu’il faudrait plus que de l’amour, pour le Gabon qui sombre dans un océan de désespoir et de lamentations, de pleurs. Mais surtout, plus d’humanité les uns pour les autres.
« Je pense que le fait de se déplacer, de venir déjà ici comme certains l’ont fait, c’est ce qu’il faut. La présence vaut mieux que mille choses à des moments. Nous sommes présents avec ses personnes-là », a estimé le célèbre artiste humoriste gabonais Ma Nkoma, de son vrai nom Richard Curtis Ossounda Ossavou.
Au cours de ce moment de recueillement très intense riche en émotions et en spiritualité, il était également question de prouver aux familles endeuillées qu’ils sont de tout cœur avec qu’elles. Et qu’ils représentent surtout une famille sur qui elles peuvent désormais compter. En Acappella, sur les coups des flots, sous un vent froid et humide, à la tombée de la nuit comme un seul homme, ils chantaient avec l’amertume au font de la gorge regrettant ce drame.
« Je suis partagé entre un sentiment de tristesse, de désolation et surtout de colère. Moi j’ai raté ce naufrage pour avoir annulé mon voyage à 14 heures. J’imagine un peu ce que ces personnes ont vécu, ce qu’elles ont subi », déplore-t-il, en espérant tout de même que l’État gabonais redoublera d’efforts afin de remonter ce navire. Mais surtout, qu’il retrouve tous les corps pour que les familles puissent faire le deuil convenablement, comme il est de coutume au Gabon en particulier.
« C’est un sentiment de tristesse plein de colère, parce-que ça aurait pu être évité. Beaucoup de peur, parce qu’ on emprunte ces embarcations tout le temps. Nous les artistes de Port-Gentil qui bougeons, nous avions pris ces embarcations à plusieurs reprises. Et ça aurait pu être nous un jour », a regretté la slameuse Nanda.
En union de prières avec les familles, ces artistes ont décidé d’annuler pour la plupart leurs prestations artistiques afin de se consacrer au recueillement pour la mémoire des personnes disparues.
Vincent Ranozinault