Un arrêt total de 30 jours d’importation de carburant pourrait paralyser l’économie et la vie quotidienne sur tout le continent africain, averti l’Association africaine des raffineurs et distributeurs (ARDA) qui déplore la très forte dépendance de l’Afrique des importations de produits pétroliers raffinés.
Dans une nouvelle série de réflexions, l’ARDA a déclaré qu’un tel scénario clouerait au sol les avions, immobiliserait les camions et arrêterait des services essentiels de Lagos à Johannesburg, de Kinshasa au Caire et à Nairobi. L’association a souligné qu’il ne s’agit pas d’une hypothèse lointaine, mais d’un risque réel et immédiat.
Bien que l’Afrique produise plus de cinq millions de barils de pétrole brut par jour, elle importe encore plus de 70 % de ses produits pétroliers raffinés. Le secrétaire exécutif de l’ARDA, Anibor Kragha, a averti que cette dépendance pourrait provoquer un effondrement systémique en cas d’interruption des importations.

« Si les importations s’arrêtaient, l’effondrement ne serait pas seulement technique, il serait systémique », a-t-il déclaré.
Les conséquences seraient rapides. L’aviation, le transport routier et le secteur de la construction s’arrêteraient, tandis que la pénurie de kérosène isolerait certains pays. Des millions de tonnes de marchandises, de médicaments et de denrées alimentaires resteraient bloquées dans les entrepôts et les ports. Les hôpitaux, les antennes de télécommunication, les réseaux d’eau et les banques, souvent alimentés par des générateurs diesel, seraient contraints de fermer.
Dans les zones rurales, les cliniques perdraient l’électricité ; dans les grandes villes, la pression de l’eau pourrait s’effondrer.

Avec la rupture des chaînes d’approvisionnement et la défaillance des services, les pénuries de carburant entraîneraient une flambée des prix alimentaires, des coupures de courant et une paralysie économique, augmentant le risque d’instabilité politique.
Des secteurs comme les mines en Afrique du Sud, au Nigeria, au Ghana, en République démocratique du Congo et en Zambie s’arrêteraient, bloquant les exportations vitales de cuivre, de cobalt et d’or.
Kragha a souligné que cette vulnérabilité extrême découle du paradoxe africain : riche en ressources mais pauvre en capacités de raffinage.
Le continent compte plus de 40 raffineries, mais beaucoup sont obsolètes ou à l’arrêt. Le Nigeria, premier producteur de pétrole d’Afrique, dispose d’une capacité nominale de raffinage de 1,1 million de barils par jour, y compris la raffinerie Dangote (650 000 barils/jour), mais importe encore plus de la moitié de ses besoins en carburant.
En République du Congo, la production de brut pourrait bientôt doubler pour atteindre 500 000 barils/jour, mais la raffinerie CORAF ne traite que 24 000 barils/jour, avec un projet d’augmentation à 40 000, encore bien en deçà de la demande.
Faire de la sécurité énergétique une priorité continentale
Avec une population africaine qui devrait atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050 et une demande énergétique appelée à doubler, l’ARDA a averti que cette dépendance fragilise la souveraineté économique, creuse les déficits commerciaux, affaiblit les monnaies et freine l’industrialisation.
Elle compromet également les objectifs de la Zone de libre-échange continentale africaine en renforçant la dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs au lieu de bâtir une résilience interne.
Kragha a appelé les gouvernements et les investisseurs à faire de la sécurité énergétique une priorité continentale, en modernisant et développant les capacités de raffinage, en construisant des infrastructures telles que pipelines et dépôts, en harmonisant les normes de carburant, et en investissant dans les compétences et la régulation.
Il a exhorté à mobiliser les capitaux locaux, y compris les fonds de pension, les assurances et les fonds souverains estimés à plus de 4 000 milliards USD – tout en supprimant les obstacles administratifs et logistiques qui freinent le raffinage local.
Il a également insisté sur la nécessité de constituer des réserves stratégiques, soulignant que de nombreux pays africains ne disposent que de quelques jours de stocks. Des réserves nationales ou régionales, appuyées par des systèmes de suivi et de modestes redevances, pourraient renforcer la résilience sans pénaliser les consommateurs.
« Rien de tout cela ne réussira sans une forte volonté politique et une voix unie des dirigeants africains », a averti Kragha.
« La souveraineté énergétique doit devenir une priorité continentale, non seulement pour la croissance, mais pour la résilience et la prospérité à long terme », a-t-il conclu.
Marie Dorothée
