Samedi peu ordinaire à Libreville. Des silhouettes vêtues de blanc ont entamé un lent pèlerinage entre la chefferie Mpongwé d’Acaé, à Ozoungué, et les rives maritimes bordant la résidence de l’ambassadeur de France. Ce n’était pas une marche ordinaire. C’était Evandaganye.
Procession sacrée, prière collective en mouvement, Evandaganye est un acte spirituel majeur dans la tradition du peuple Mpongwè. Elle ne se tient qu’à de rares occasions, convoquée par l’Oga, autorité traditionnelle suprême, après consultation des oracles. 25 ans après sa dernière édition, la cérémonie a ressurgi dans le paysage urbain et spirituel de Libreville, avec une gravité qui a transcendé les frontières culturelles.
Une démarche de repentance devant les forces invisibles

Dans la cosmogonie Mpongwé, Evandaganye est un rituel de réconciliation avec le monde spirituel. Elle exprime la volonté du peuple de demander pardon aux entités supérieures, forces naturelles, et ancêtres pour les déséquilibres causés par les hommes, individuellement et collectivement.
Vêtus de blanc, couleur de pureté et de lien aux ancêtres, pieds nus, les marcheurs ont avancé en silence, la main gauche posée sur la joue. Un geste qui n’est pas anodin. Comme l’expliquent les gardiens de la tradition, « la main gauche est celle du cœur, et dans le chagrin, c’est vers le sein maternel que l’on se tourne ». Ce geste est une langue sacrée, une supplique adressée à la divinité mère.
La marche n’est que la partie visible du rituel. Elle est précédée d’une période de purification, de prière et d’introspection. Ce n’est pas un événement public, c’est un acte de foi. Un moment où le peuple se place sous le regard des forces invisibles.
Un cadre sacré respecté et protégé
Afin de préserver la solennité de la procession, les autorités traditionnelles ont travaillé de concert avec les forces de sécurité pour assurer un encadrement discret mais rigoureux. La circulation a été régulée pour permettre aux fidèles de parcourir les 11 kilomètres du trajet sans perturbation extérieure.

L’appel à la marche ne s’adressait pas uniquement aux Mpongwé de souche. Les sociétés alliées, ainsi que les personnes intégrées par mariage ou cohabitation prolongée, ont été invitées à y prendre part, dans le respect absolu des codes spirituels.
Un message vivant de transmission et d’humilité
En ravivant Evandaganye, la communauté Mpongwé ne célèbre pas son passé. Elle affirme au contraire que sa tradition est vivante, active, actuelle. Dans un monde en perte de repères, cette procession est un rappel puissant : l’humain ne règne pas seul.

Comme le souligne Laure Igoho, porte-parole de la chefferie, Evandaganye est une parole adressée au ciel, mais aussi un miroir tendu à la société. Une invitation à l’introspection, à la repentance, à la cohésion. Et surtout, un rappel que la terre, les ancêtres et les lois invisibles doivent être respectés.
Un acte sacré, un peuple debout
Évandaganye, dans son essence, n’est ni un spectacle ni un événement culturel. C’est une démarche sacrée de réparation, un contrat renouvelé entre un peuple, son histoire spirituelle et les forces qui l’entourent. En marchant ensemble, dans le silence, les Mpongwé ont rappelé que la foi ancestrale est toujours debout, et que la tradition n’est pas un souvenir, mais une force vivante, guidant le présent et éclairant l’avenir.
Par Gabon 24, télévision publique
