Le Gabon est à l’orée d’une République nouvelle. Depuis le 3 mai 2025, la Ve République est entrée en vigueur, portée par une promesse : celle d’un pays plus juste, plus sobre dans l’exercice de sa puissance publique, plus rigoureux dans sa gouvernance, et plus respectueux des libertés fondamentales. Parmi les chantiers emblématiques de cette refondation figure la réforme des partis politiques. Et il faut le dire d’emblée : c’est une réforme nécessaire.
Oui, notre pays avait besoin d’un cadre renouvelé.
Oui, la vitalité démocratique ne saurait s’accommoder de formations de façade, de partis de circonstance ou de coalitions sans doctrine.
Oui, la responsabilité politique commence par l’organisation, la transparence et l’ancrage.
Mais une réforme n’est aboutie que si elle conjugue exigence et équité. Elle ne peut produire de confiance durable si elle est perçue comme un filtre trop serré ou un verrou déguisé.
Un nouveau cadre aux multiples implications
La réforme adoptée par l’Assemblée nationale redéfinit profondément les conditions d’existence des partis politiques au Gabon. Elle impose désormais :
– Un seuil d’adhésion de 12 000 membres dûment identifiés (avec NIP),
– Une répartition territoriale équilibrée, garantissant la présence dans toutes les provinces,
– Une tenue rigoureuse de la comptabilité, contrôlée par la Cour des comptes,
– Une obligation de participer à deux scrutins consécutifs, sous peine de radiation,
– Des obligations statutaires claires : siège social, congrès réguliers, structures internes,
– Et la possibilité de suspension d’un parti en cas de trouble à l’ordre public.
À bien des égards, cette réforme vise à responsabiliser, assainir, structurer. Et sur le fond, personne ne peut y être foncièrement opposé. Le pluralisme ne saurait se construire sur des fondations fragiles.
Mais c’est dans les modalités d’application que se joue l’équilibre républicain.

Une exigence légitime ne doit pas devenir une barrière invisible
Exiger des partis une base militante réelle ? C’est légitime.
Veiller à leur ancrage territorial ? C’est souhaitable.
Contrôler les comptes et exiger une présence électorale continue ? C’est cohérent.
Mais tout est dans la mesure. Car une exigence mal calibrée peut, sans le dire, devenir un moyen d’écarter discrètement ceux qui n’ont ni réseau établi, ni appui institutionnel, ni capital politique hérité. Ce serait là la fin silencieuse du renouvellement, la fermeture feutrée de l’espace public.
Et ce n’est pas ce que les Gabonais attendent de cette Ve République.
Le défi n’est pas de faire difficile. Il est de faire juste.
Nous ne contestons pas le principe. Et nous n’avons nul besoin de faveur.
Nous avons déjà dit — publiquement — que quel que soit le seuil fixé, nous nous y astreindrons. Parce que les règles, quand elles sont claires, s’assument. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut se taire lorsque l’édifice peut vaciller sur ses fondations.
Notre inquiétude n’est pas personnelle. Elle est institutionnelle.
Ce que nous disons ici, c’est que cette réforme, aussi légitime soit-elle, doit être proportionnée, progressive, et applicable à tous sans distorsion.
Une République se juge à sa capacité d’accueillir la pluralité, pas de la restreindre
Ceux qui construisent demain ne sont pas toujours ceux qui disposent déjà d’un micro.
La démocratie gabonaise ne gagnera en force qu’en offrant à chacun la possibilité d’entrer dans le jeu politique par le travail, l’ancrage, l’idée — et non uniquement par le privilège ou l’héritage.
Monsieur le Président de la République, garant des libertés politiques
Monsieur le Président de la Republique
Vous avez déclaré, avec un sourire teinté de franchise, préférer la ruse à l’intelligence. Nous vous le disons avec esprit républicain: aujourd’hui, l’intelligence consiste peut-être à ne pas verrouiller, et la ruse véritable serait de garantir à chacun sa juste place — y compris à ceux qui, demain, seront vos contradicteurs.
Vous êtes, selon la Constitution, le garant de la forme républicaine de l’État et des libertés fondamentales. C’est à ce titre, et sans fracas, que nous vous appelons à veiller à ce que cette réforme, déjà engagée, demeure conforme à l’esprit de la République que vous avez promis de rebâtir.
Pour une démocratie vivante, forte de sa diversité
Nous proposons très simplement que la mise en œuvre de cette réforme :
– soit progressive dans ses exigences (notamment sur le seuil et sa répartition),
– encadrée par des garanties de transparence et de recours,
– accompagnée par la création d’un registre numérique public et accessible des partis,
– et qu’elle distingue clairement les partis constitués, les mouvements en formation, et les bénéficiaires de financement public.
Ce sont là des ajustements, non des renoncements.
Des clarifications, non des protestations.
Des appels à l’équilibre, non des soupirs de découragement.
Parce que la démocratie n’est pas un luxe. C’est une discipline partagée. Et son avenir se joue dans les règles qu’on écrit aujourd’hui.
Ike NGOUONI AILA OYOUOMI, Président du parti politique Les engagés !
