Bataille médiatique entre Airtel et 2JTH pour un magot de 55 milliards de FCFA

L’affaire remonte à plusieurs années. Entre 2014 et 2015 précisément. Pour ses besoins opérationnels, Airtel Gabon, géant gabonais de la téléphonie mobile et de la fourniture d’internet confie à la société de 2JTH des prestations d’acquisition et de régularisation des sites radioélectriques sur l’étendue du territoire gabonais. Tout se passe très bien entre les deux partenaires.

Airtel totalise 200 emplois directs et près de 1.000 emplois indirects. 2JTH ne compte que 10 emplois directs.

Les choses se gâtent au moment du paiement de l’exécution de ces prestations. Les deux parties ne se sont pas entendues sur le montant à régler. Ce qui a entraîné 2JTH à ouvrir la procédure d’arbitrage telle que cela avait été prévu dans leur contrat et elle estimait à ce moment que AIRTEL lui devait la somme de 1.901.000.000 francs CFA en application des tarifs du contrat. AIRTEL GABON part pour sa part soutenait que 2JTH ne devait pas à lui appliquer les tarifs contractuels et que le montant à payer était plutôt de 473.800.000 francs CFA suivant la révision tarifaire qui était intervenue entre elles.

Le tribunal arbitral qui avait été mis en place avait jugé cette affaire en condamnant AIRTEL à payer la somme de 1.558.638.000 francs CFA. AIRTEL n’avait pas accueilli favorablement cette décision et avait mis en place les moyens de recours pour faire annuler la décision des arbitres. Malheureusement pour elle, cela n’avait pas abouti et 2JTH, pour recouvrer sa créance, avait fait le 24 août 2015 une saisie-attribution de créances contre les avoirs d’AIRTEL détenus chez des tiers en l’occurrence des banques.

Le 29 septembre 2015, un juge des urgences a ordonné aux banques de payer une certaine somme à l’entreprise 2JTH. Si les banques ne respectaient pas cette décision, elles seraient pénalisées de 50 millions de francs CFA par jour de retard. Le juge a précisé que cette pénalité, appelée astreinte, était destinée à dissuader les banques de retarder le paiement à 2JTH.

Donc la banque Ecobank, en recevant l’acte de saisie le 30 septembre 2015, s’est exécuté automatiquement le 02 octobre 2015 et a versé à l’huissier qui avait instruit la procédure, la somme de 1.850.448.170 francs CFA.

La bataille judiciaire ne s’est pas arrêtée là, AIRTEL GABON a contesté cette saisie devant la Cour Commune de Justice d’Abidjan (CCJA) à la suite du rejet de l’appel qu’elle avait fait à la Cour d’appel Judiciaire de Libreville. La CCJA premièrement avait annulé les décisions des tribunaux de Libreville et elle avait dit dans une autre décision, après que 2JTH l’avait saisi pour interpréter son premier arrêt, qu’il n’y avait pas lieu de maintenir les astreintes.

Malgré l’article 20 du traité de l’OHADA qui stipule que les décisions de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) sont exécutoires et doivent être respectées par tous les États membres, cela n’a pas arrêté 2JTH. Quatre ans après, 2JTH a de nouveau saisi le juge des urgences, affirmant que les 1.850.448.170 francs CFA concernés par la saisie n’avaient toujours pas été payés. Elle a demandé au juge de calculer le montant des pénalités accumulées (astreintes). Fait étonnant, 2JTH ne demandait pas que les pénalités soient appliquées aux banques, mais à AIRTEL GABON.

Or, lorsqu’on regarde la décision qui avait prévu cette menace-là, elle s’adressait aux banques qui avaient les avoirs d’AIRTEL GABON et donc c’était contre ces banques que normalement 2JTH devait adresser sa demande au tribunal. Ce tribunal avait quand même estimé que de 2JTH avait agi comme il se devait et avait liquidé les astreintes à 35 milliards contre AIRTEL GABON. C’est cette somme-là qui fait l’objet de toute la bataille médiatique aujourd’hui puisque selon 2JTH ce sont environ 55 milliards, intérêts et frais compris, qui sont réclamés à AIRTEL GABON.

La question qui se pose après avoir présenté cela et lorsque l’on regarde les décisions de justice l’on s’interroge comment le juge a pu décider de liquider l’astreinte contre AIRTEL GABON ? Est-ce qu’il ne devait pas liquider ses astreintes contre les tiers-saisis puisque le juge dans sa décision assortie de menace avait dit, pour pousser les tiers-saisis à payer et pour éviter qu’ils ne soient tentés de refuser de payer, qu’il y avait une menace de 50.000.000 de francs CFA par jour de retard qui pesait sur eux ?

D’un autre côté et c’est même là l’élément fondamental, la banque ECOBANK, consciente de cette menace et parce qu’elle ne voulait pas que les 50.000.000 de francs CFA par jour de retard lui soit réclamés, a été obligée de payer le 02 octobre 2015, l’argent réclamé par 2JTH au moyen de la saisie du 29 septembre 2015.

Mais face à tout cela, comment le juge a-t-il pu croire 2JTH qui disait que la somme d’argent objet de la saisie n’avait pas connu un début d’exécution alors que la banque ECOBANK avait payé la totalité du montant réclamé.

Par ailleurs, si le paiement du montant de la saisie fonde ou du moins constitue la base de l’astreinte, sur quoi alors repose-t-elle ?

Est-ce que l’astreinte a pu exister en dehors même de la créance principale, un peu comme si elle avait pris sa liberté et s’était affranchie de la créance principale ? ce qui n’est pas vrai parce que si le fondement qui soutient une chose a disparu, cette chose qui doit reposer dessus, ne repose plus désormais sur rien du tout et donc elle s’écroule avec le fondement.

Au regard de tout cela, il est à craindre que le juge ait été abusé par de 2JTH. Il aurait été trompé par 2JTH.

L’affaire n’est pas définitivement close vu qu’elle a été transmise à la CCJA par la Cour de cassation de Libreville qui avait été saisie par AIRTEL GABON et qui avait décidé qu’elle n’était pas compétente pour trancher ce dossier, mais plutôt la CCJA. Voilà pourquoi elle lui a transmis le dossier pour que celle-ci puisse dire en définitive qui de 2JTH ou d’AIRTEL GABON a raison dans cette affaire de liquidation d’astreinte dont le montant de 55 milliards est actuellement réclamé. L’épilogue de ce litige est attendu du côté d’Abidjan, siège de la CCJA.

La décision d’Abidjan est très scrutée du côté d’AIRTEL GABON qui risque de mettre la clef sous le paillasson si la CCJA confirme la décision des tribunaux du Gabon. De nombreux pères de famille risque de se retrouver du jour au lendemain au chômage. Une perte aussi pour l’Etat gabonais qui risque de perdre un grand contributeur fiscal dont la valeur est estimée à près de 40% de son chiffre d’affaires.

Affaire à suivre …

Camille Boussoughou

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