« Ma vie, mes combats » : un auto-portrait du Docteur Alphonse Louma Eyougha

Pharmacien, opposant politique, leader du mouvement associatif gabonais et fondateur d’une clinique dédiée à la réhabilitation des victimes de la drogue, homme d’affaires, le docteur Alphonse Louma Eyougha, 70 ans, est un intellectuel rempli. Combattant infatigable de la lutte contre le tabac, la drogue et tous les produits illicites, ce médecin souvent incompris et complexe a décidé d’écrire son propre portrait que la rédaction de Gabonactu.com accepte de publier comme un manuscrit de la vie d’un simple pharmacien qui se mêle à l’histoire de son pays, le Gabon. Lecture !

Je suis né le 27 septembre 1953 à obiligui (actuel village Amono) dans le département de la Sébé Brikolo à Okondja.

Je suis né en brousse, sous un arbre, dans des conditions d’hygiène précaires. Je suis donc une sorte de miraculé. Beaucoup d’enfants nés dans les mêmes conditions n’ont jamais survécu aux infections diverses. Mais,  puisqu’il y a prescription, je peux aujourd’hui avouer que, pour les besoins de ma scolarité, j’avais volontairement rectifié ma date de naissance. En 1968, officiellement j’avais 15 ans et je ne pouvais pas passer mon concours d’entrée en classe de 6 ème et espérer aller au Lycée LÉON MBA .

Sans ce mensonge, je ne serais certainement jamais devenu le Dr Alphonse LOUMA EYOUGHA que vous connaissez aujourd’hui…

Je suis né le 27 septembre 1953 à obiligui (actuel village Amono) dans le département de la Sébé Brikolo à Okondja.

Je suis né en brousse, sous un arbre, dans des conditions d’hygiène précaires. Je suis donc une sorte de miraculé. Beaucoup d’enfants nés dans les mêmes conditions n’ont jamais survécu aux infections diverses. Mais,  puisqu’il y a prescription, je peux aujourd’hui avouer que, pour les besoins de ma scolarité, j’avais volontairement rectifié ma date de naissance. En 1968, officiellement j’avais 15 ans et je ne pouvais pas passer mon concours d’entrée en classe de 6 ème et espérer aller au Lycée LÉON MBA .

Sans ce mensonge, je ne serais certainement jamais devenu le Dr Alphonse LOUMA EYOUGHA que vous connaissez aujourd’hui.

Le reste de ma vie est une succession de combats, notamment,

 réussir ma scolarité au lycée Léon MBA,  entre 1968 et 1975. Après le BEPC en 1972, j’ai obtenu mon  baccalauréat série D en 1975.

C’est le 17 août de cette année-là, que j’ai consommé le dernier verre d’alcool de ma vie.

De mes études secondaires je peux dire que je n’ai jamais été un excellent élève, mais je n’ai repris aucune classe. J’aimais l’école, comme on dit. Je me battais toujours pour avoir au moins la moyenne, ce qui me donnait le droit de rester à l’internat. Enfant de famille modeste, pour ne pas dire pauvre, comment aurais-je pu survivre à l’externat à Libreville ?

Je retiens aussi ma passion pour les arts martiaux. Je fus même responsable du club de Karaté do shotokan sous la direction de feu Me Michel Mengome. J’ai pratiqué le judo et l’Aikido.

Je suis ceinture noire 2ème dan de karaté que j’ai cessé de pratiquer.

En septembre 1975,  je commence mon cursus universitaire à la faculté mixte de Médecine et de Pharmacie de l’université de Dakar qui deviendra plus tard l’Université Cheikh Anta Diop.

C’est donc dans la capitale sénégalaise que je suis contaminé par le virus de la politique.

Les débats et les affrontements politiques y étaient rudes. Le président Leopold Sédar Senghor à la tête du Parti unique, UPS (Union progressiste sénégalaise) venait d’ouvrir son pays au multipartisme limité à trois, puis quatre courants idéologiques : le courant libéral représenté par le Parti démocratique sénégalais (PDS), de Abdoulaye Wade, le courant socialiste, (UPS) et les Communistes incarnés par quelques anciens militants du PAI (Parti africain de l’indépendance) avec, comme chef de file, le pharmacien Majhmoud Diop.

Pendant ce temps, la lutte d’égos entre deux esprits lumineux, à savoir le président Léopold Sédar Senghor et son opposant Cheikh Anta Diop, battait son plein. J’ai assisté à l’arrestation de Cheikh Anta Diop par la police sénégalaise. J’ai suivi tout le débat sur le refus du gouvernement de  légaliser le RND, le parti de Cheikh Anta Diop.

Dr Louma et l’avocat Fabien Méré mort en exil © DR

Il a fallu attendre l’accession d’Abdou Diouf à la présidence de la République en 1981 et l’ouverture au multipartisme intégral pour que le RND soit reconnu.

En 1981, quelque chose d’inédit se passe à Libreville, la création du Mouvement de Redressement national (MORENA), parti de l’opposition qui vient défier la toute puissance du PDG de Albert Bernard Bongo.

De nombreuses arrestations arbitraires et des atteintes graves aux droits humains sont perpétrés dans notre pays par le pouvoir en place. Je suis choqué par toutes ces brutalités, mais également par le refus de Bongo d’instaurer le débat démocratique, alors  que dans mon pays d’accueil, nous vivons une embellie démocratique. Je suis jaloux de voir les intellectuels sénégalais s’affronter démocratiquement sur le campus universitaire et dans tout le pays. Le Sénégal, pays pauvre à l’époque avec le phosphate et l’arachide comme seules ressources, se développait sous mes yeux. L’université de Dakar à l’époque déjà n’avait pas de commune mesure avec la « porcherie » de l’université de Libreville. La sortie du brûlot de Pierre Péan, « Affaires Africaines », en en 1983 a achevé de me convaincre qu’il fallait faire quelque chose pour chasser Omar Bongo du pouvoir.

En 1985, je crée un parti politique d’obédience marxiste léniniste dénommé Union pour la démocratie et le travail (UDT). Parti clandestin, bien entendu.

Un jeune étudiant d’origine altogovéenne a le culot de s’opposer à l’Altogovéen Omar Bongo ? C’était considéré comme un acte de folie.

En août 1985, je profite des vacances pour venir implanter les cellules clandestines de mon parti à Libreville. Et je crois que c’est durant ce mois d’août 1985 que le capitaine Alexandre Mandza Ngokouta est exécuté sur la place publique d’Hollando pour « tentative de coup d’Etat ».

En implantant mon parti, je fus trahi par un proche à qui j’avais fait confiance en lui remettant des documents pour m’aider à la création des cellules.

L’intéressé est allé me trahir chez Jean Boniface Assélé à l’époque tout puissant chef de la Sécurité du pays.

Je n’ai eu la vie sauve qu’en quittant rapidement la capitale gabonaise quand j’ai été informé de la trahison que je venais de subir.

De retour au Sénégal j’ai continué à implanter mon parti et préparer en même temps ma thèse de doctorat d’Etat en pharmacie que j’ai soutenue le 16 juin 1986.

Entre temps, au mois de mars 1986, le colonel Conan, l’homme fort du Cedoc (la police politique du régime gabonais) avait dépêché un groupe de policiers pour m’arrêter au Sénégal et me ramener de force au Gabon, tout simplement parce que j’avais osé créer un parti d’opposition, de surcroît communiste. Crime de lèse-majesté s’il en fut. N’oubliez pas que nous étions en pleine période de Guerre froide. Deux blocs idéologiques diamétralement opposés, le courant communiste et le monde capitaliste s’affrontaient. Les Bongo, Houphouet Boigny et autres Ahidjo étaient allergiques au mot Communisme.

À Dakar, mes compatriotes ne me prenaient pas au sérieux quand je les invitais au combat contre le système Bongo PDG. Beaucoup me prenaient pour une taupe au service du pouvoir et pensaient que je les attirais dans mon parti pour ensuite les dénoncer au pouvoir. Ce n’est que quand la nouvelle de la présence de policiers venus du Gabon pour tenter d’obtenir mon expulsion demande vers Libreville s’est propagée dans la communauté gabonaise, que les sceptiques ont commencé à me prendre au sérieux et beaucoup ont adhéré à l’UDT.

Je n’ai eu la vie sauve qu’au refus opposé par le Président Abdou Diouf de m’expédier au Gabon.

Après ma soutenance de thèse je fus reconnu comme réfugié politique par le HCR (Haut commissariat aux réfugiés) et j’ai dû m’exiler en Mauritanie où j’ai travaillé de 1987 à 1989 comme Pharmacien dans la ville frontalière de kaédi.

Je rentre au Gabon en juillet 1989. Deux mois plus tard je suis convoqué par le tristement célèbre colonel Conan pour y subir un interrogatoire sur mes « activités subversives au Sénégal » durant mes années d’exil. Ces interrogatoires ont duré jusqu’au mois de décembre 1989. J’étais interrogé dans les locaux du Cedoc par Conan lui-même accompagné de son assistant, un jeune lieutenant qui prenait des notes pour le procès-verbal que je devais signer à la fin.

Je n’ai d’ailleurs jamais signé ce PV parce qu’en fin décembre 1989, Conan tombe gravement malade et est évacué en France. Je crois savoir qu’il n’a plus jamais remis les pieds au Gabon.

Malgré les intimidations et les interrogatoires par les barbouzes du régime, j’ai continué à militer dans la clandestinité. Nous étions de petits groupes de deux ou trois personnes qui écrivions et distribuions les tracts qui ont préparé les événements de l’université de janvier 1990 à Libreville, puis la conférence nationale de mars avril de la même année.

Avec mon épouse de l’époque, Pélagie LOUMA et quelques autres camarades, nous  avons créé l’ADHF (l’association de défense de droit de l’homme et de la femme). C’est sous la bannière de cette association que nous avons pris part à la conférence nationale gabonaise. Et nous étions parmi les rares ressortissants de la province du Haut-Ogooué à nous inscrire ouvertement dans le groupe des compatriotes qui revendiquaient l’instauration du multipartisme immédiat dans notre pays.

Après la Conférence nationale nous avons adhéré au PGP et, dans ce parti, certains compatriotes, du fait de mes origines altogovéennes, me prenaient pour un agent infiltré du PDG.

En tant que ressortissant du Haut-Ogooué, il n’a jamais été facile d’être opposant au Gabon quels que soient vos états de service. Dans un parti comme le PGP, après l’assassinat de Joseph Rendjambè, certains de nos camarades nous regardaient avec suspicion.

Même si je n’ai jamais adhéré au PDG, ni porté l’effigie d’un Bongo sur moi. Je suis fier de le dire . Mon intransigeance à défendre mes principes démocratiques est toujours restée intacte.

J’ai pris une part active aux Accords de Paris en novembre 1994. J’étais membre du Directoire du PGP.

Après le décès du Président Omar Bongo Ondimba en juin 2009, j’ai activement battu campagne pour André MBA OBAME à l’élection présidentielle du 30 août 2009.

En 2010 j’ai participé à la création du parti Union nationale, parti de l’opposition radicale.

En 2014 j’étais membre des Souverainistes Écologistes, parti avec lequel mes amis et moi avons aidé Jean Ping à sortir de sa retraite et à se porter candidat à l’élection présidentielle du 26 août 2016.

En 2018 alors que je séjournais dans la capitale française pour une formation post universitaire où je préparais un Diplôme universitaire d’addictologie, je ne manquais pas un samedi pour me joindre aux compatriotes résistants du Trocadéro qui manifestaient contre la dictature du pouvoir Bongo PDG.

Je ne sais pas si la prise du pouvoir, le 30 août 2023, par des militaires qui avaient à leur tête un Altogovéen, en l’occurrence le général Brice Oligui Nguema, parviendra à gommer l’opprobre et la suspicion que les Bongo ont réussi à jeter sur toute la province du Haut-Ogooué. Mais je ne perds pas de vue le fait que, pendant des décennies, les Bongo Ondimba ont jeté en pâture les Altogoveens à la vindicte des autres Gabonais. C’est à se demander si les membres de cette famille-là ont eu la moindre affection pour cette province.

Les Altogovéens vivent dans la plus grande précarité. Les Gabonais qui ont visité des villes de Leconi, Onga, Boumango, Aboumi, ou même Bongoville peuvent témoigner que le Haut-Ogooué n’était qu’un tremplin pour la conservation du pouvoir par les Bongo.

Lesquels ont toujours utilisé les votes des Altogovéens comme variable d’ajustement de la fraude électorale en leur faveur.

Si, pendant longtemps, la Garde républicaine était perçue par beaucoup de Gabonais comme une milice tribale au service des Bongo, le coup de force libérateur de nos forces de défense et de sécurité avec comme locomotive ce corps d’armée, est venu sceller la réconciliation entre les Gabonais  et leurs compatriotes en uniformes. En a t-on, pour autant, fini avec les préjugés anti-altogovéens ? L’avenir nous dira…

En attendant, je voudrais évoquer ici, l’autre combat de ma vie : la lutte contre l’alcoolisme, le tabagisme, la drogue et toutes formes d’addictions.

Dr Alphonse Louma Eyougha, la lutte continue © DR

Parce que j’ai perdu des parents, des amis, des proches et des compatriotes anonymes à cause de leurs addictions, j’ai décidé de me battre depuis 1995 pour limiter les dégâts que ces pathologies font dans toutes les couches de notre société.

C’est le combat que j’entends mener jusqu’à ma mort. C’est mon ultime combat.

La consommation d’alcool et des drogues, surtout par les jeunes, hypothèque sérieusement notre chance de développer le Gabon et de vaincre à la fois notre sous-développement et notre sous-population.

Quand notre maison brûle, ne regardons pas ailleurs. Après, il sera trop tard…

Bien à vous !

Dr Alphonse LOUMA EYOUGHA, Président de l’ONG Agir pour le Gabon, Fondateur du Centre de Réhabilitation et de Traitement des addictions, P.D.G de la pharmacie NOUO Cécile, Trésorier Général de l’Union Nationale.

Gabonactu.com

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