Gabon : L’ARTF en mode ‘’déraillement’’

Accumulant près de deux mois d’arriérés de salaires, les agents de l’Autorité de régulation des transports ferroviaires (ARTF) soutiennent qu’ils pleurent Justin Ndoudangoye, sous la supervision de qui les salaires étaient payés via le compte TVA collectée sur le fret marchandise. Pourtant, ce compte n’est pas destiné au payement des salaires. Mieux, le contrat de l’ARTF a été résilié depuis août dernier et sa restructuration est envisagée du fait de l’inadéquation entre les profils des employés et les missions de la structure.

Le ministère de l’Economie et de la Relance explique que le problème de l’ARTF (logo en médaillon) n’est pas le déficit de moyens mais la pléthore de ressources humaines avec plus de la moitié n’ayant pas de profil en adéquation avec les missions de la structure. © Gabonreview

Depuis deux mois, font savoir des agents de l’Autorité de régulation des transports ferroviaires (ARTF), les états de salaires ont été envoyés au président du Comité de suivi pour qu’il ordonne à la Société d’exploitation du Transgabonais (Setrag) – qui gère le compte – de payer les salaires. Mais, assurent-ils, rien n’a été fait du fait que l’ARTF attend la décision du directeur de cabinet du ministre de l’Économie et de la Relance. Or, assurent-ils, un arrêté dispose que les ministres de l’Économie et des Transports «délèguent les pouvoirs au président du comité de suivi pour valider toutes les dépenses effectuées sur le compte TVA fret marchandise, tout en s’assurant de rendre compte au deux ministres».

À l’époque de Justin Ndoundangoye, ancien Secrétaire exécutif de l’ARTF et ancien ministre des Transports, révèlent les mêmes agents, un mécanisme faisait en sorte que les salaires des agents de l’ARTF soient payés via ce compte et, sur cette base, un arrêté avait été co-signé par les ministres Ndoundangoye et Ogandaga. Ce texte aurait été remplacé par autre signé de l’actuel ministre des Transports et celui de l’Économie délégant quelques pouvoirs au président du Comité de suivi PRN.

Le compte TVA SETRAG sur fret marchandise n’est pas destiné aux salaires

Pour plus d’éclaircissements sur cette affaire qui concerne plusieurs familles, la rédaction de Gabonreview s’est rapprochée du cabinet du ministre de l’Économie.  Il a ainsi été expliqué, à la lecture de l’article 3 de l’arrêté n°00012/MTL/MEPPD du 17 décembre 2018 fixant les modalités de fonctionnement du compte TVA SETRAG sur Fret Marchandise, que ledit compte est prioritairement destiné «au financement de la réhabilitation des 24 zones instables du Transgabonais».

En clair, les ressources de ce compte ne sont pas destinées à payer les salaires des agents l’ARTF, autorité administrative indépendante qui, jouissant de l’autonomie de gestion administrative et financière, disposerait de ressources propres pour fonctionner. Au cabinet du ministre où l’on rappelle la rigueur de gestion, on assure que «l’utilisation de cette ressource n’a servi qu’à honorer des dépenses qui n’étaient pas liées à son objet au détriment de la voie ferrée». Gestion contraire aux prescriptions de gestion rigoureuse des deniers publics imposée par «le Président de la République qui commande la sanctuarisation de la reddition des comptes».

Sur le nouvel arrêté signé par les ministres Balonzi et Ogandaga, l’on apprend que la loi de finances 2020 prévoit une collecte de 30 milliards sur 4 ans de la TVA collectée sur le fret marchandise de Setrag. Pour se conformer aux règles de la comptabilité publique en matière de déclaration et de versement de la TVA, il a donc fallu modifier l’arrêté n°00012/MTL/MEPPD du 17 décembre 2018. «Du fait de la mauvaise gestion de ces fonds, qui ont servi à d’autres fins qu’à la réhabilitation des zones instables de la voie ferrée, nous avons constaté pour le déplorer, la multiplication des déraillements dans lesdites zones et le paiement des entreprises qui n’ont pas effectué les travaux pour lesquels elles ont été rémunérées sur l’objet de ce compte», explique-t-on au ministère de  l’Économie, justifiant le nouvel arrêté avec des mesures coercitives adoptées.

Le contrat de l’ARTF résilié depuis le 12 août 2020

De même, des contrats des intervenants taxés de «fantaisistes» en tant qu’entreprise devant réhabiliter la voie ont été résiliés. «En réalité, ils n’apportaient aucune valeur ajoutée et ne réalisaient aucune prestation, si ce n’est que de participer à des sorties anormales des fonds», soutient-on informant que cette mauvaise gestion a amené les ministres des Transports et de l’Économie à supprimer certains contrats dont celui de l’ARTF depuis le 12 août 2020. Si au cabinet du ministre l’on affirme que cette résiliation a été formellement notifiée à l’ARTF par les autorités de tutelle avec règlement des dernières factures, l’on s’étonne tout aussi de constater que depuis cette notification, l’ARTF a encore présenté des factures demandant des paiements au Comité de suivi chargé de s’assurer de la véracité et de la conformité des demandes avant tout décaissement.

«Cette requête, au demeurant contraire aux décisions ministérielles, était de facto irrecevable», fait-on savoir indiquant que le Secrétaire exécutif a évoqué le caractère social de sa demande. Ce qui aurait amené le président du comité de suivi à solliciter l’avis de non-objection des cabinets ministériels dont le préalable reposait sur la présentation de certains éléments justificatifs. Notamment, le plan d’utilisation des recettes propres fournies par la redevance de concession de 640 millions de francs CFA/an et l’utilisation des fonds décaissés en septembre 2020 d’un montant de 240 millions de francs CFA. «A ce jour, aucun de ces éléments n’a été fourni aux cabinets des ministres, d’où le blocage du dossier», affirme notre source.

Des agents au mauvais profil

Selon les mêmes sources du ministère de l’Économie, la décision N°2020-04/ARTF fixant les modalités de décaissement des fonds alloués à l’ARTF implique le remise dans l’ordre de la gestion de cette entité avant de solliciter des fonds destinés à la réhabilitation prioritaire de la voie ferrée du Transgabonais. A en croire leurs propos, le problème de l’ARTF n’est pas le déficit de moyens mais la pléthore de ressources humaines (108 agents) dont plus de la moitié n’a pas de profils en adéquation avec les missions de cette autorité. Sa restructuration est envisagée afin que les profils soient en phase avec ses missions afin de rationaliser les ressources qui lui sont affectées.

Source : Gabonreview

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