L’ambassadeur de France Dominique Renaux et le Premier ministre gabonais, Emmanuel Issoze Ngondet @ capture écran Gabonactu.com
Libreville, 7 mars (Gabonactu.com) – Les français du Gabon ont lancé une offensive tout azimut à Libreville après l’éclatement de l’affaire Veolia qui inquiète les milieux d’affaires français au Gabon où vivent environ 11 000 français.
Les français ont ouvert deux fronts. Le premier est mené par les chefs d’entreprises sous la houlette du très influent et discret Didier Lespinas, président du Conseil du commerce extérieur français. Ce vieux routard qui cumule des dizaines d’années de présence au Gabon a pris son bâton de Pellerin pour aller partager les inquiétudes et les peurs des patrons français du Gabon suite à l’affaire Veolia.
Veolia était présent au Gabon depuis plus de 20 ans. Employant plus de 1 000 gabonais, ce groupe français qui détenait le monopole de la distribution d’électricité et d’eau au Gabon a vu son contrat de concession brusquement interrompu le 16 février dernier par le gouvernement mécontent de la qualité des services rendus aux gabonais. Dès la résiliation du contrat, le gouvernement a réquisitionné l’entreprise ce qui a laissé dire au groupe français que la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG, filiale locale de Veolia) a été nationalisée et le groupe français exproprié d’une entreprise dans laquelle il a investi 399 milliards de FCFA en 20 ans de présence dans le pays.
La guerre de communiqué, entre le gouvernement et Veolia, qui a suivie est totalement inhabituelle a l’entente légendaire entre les français et les gabonais.
Quelques français, en coulisse, reniflent un brusque sentiment anti-français au Gabon, dont le statut de « pré-carré de la France en Afrique » résiste à l’usure du temps.
Le cas ADL
Veolia n’est pas l’unique entreprise française en difficulté au Gabon. ADL, une société française qui gère l’aéroport de Libreville peine également à renouveler son accord déjà expiré.
Le gouvernement gabonais a clairement indiqué qu’il ne renouvelle pas l’accord parce qu’en 30 ans de gestion par la société français, cet aéroport a été déclassifié plusieurs fois par l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) et continue d’être menacé alors que chaque jour, Air France, fleuron de l’aéronautique française y décolle avec des centaines de passagers.
Le Gabon souhaite confier son aéroport au groupe singapourien Olam qui serait prêt à investir sur le plan de la sécurité, de la sureté et de la modernisation de la plate-forme.
Bolloré aussi secoué
Le géant français du transport maritime, également présent dans plusieurs secteurs de l’économie gabonaise, a aussi été malmené. Olam a construit dans sa concession d’Owendo, un port moderne qui a soumis Bolloré à une concurrence sans précédent sur la côte ouest africaine où le français règne en maître absolu.
Une menace de procès a fait reculer le gouvernement gabonais qui a conclu nuitamment un accord de cogestion (Olam et Bolloré) du nouveau port construit par Olam.
Didier Lespinas accompagné de plusieurs patrons français est allé mercredi partager toutes ces inquiétudes au ministre de l’Economie, Régis Imongault et son collègue du Commerce, chargé des investissements, Madeleine Berre.
« La relation économique entre la France et le Gabon demeure excellente et historique. Elle ne changera pas de si tôt », a rappelé M. Lespinas. « La France est un partenaire majeur du Gabon … la France a de nombreux intérêts que vous connaissez tous au Gabon », a-t-il ajouté le visage laissant entrevoir un manque de sérénité.
« On ne peut pas dire que l’Etat gabonais était dans une logique de maltraitance des entreprises françaises », a riposté Mme Berre pour qui l’affaire Veolia est une affaire entre une société française et l’Etat gabonais et non une « affaire de la France contre le Gabon ».
Pendant que Didier Lespinas s’étripait au ministère de l’Economie, ce même mercredi l’ambassadeur de France, haut représentant des intérêts français au Gabon a attaqué sur le front diplomatique. Cheveux blancs et barbe blanche, Dominique Renaux a rencontré le Premier ministre, chef du gouvernement, Emmanuel Issoze Ngondet. L’on sait que la France est adepte de la diplomatie économique. Elle ne rate pas une occasion pour rappeler la dette de l’Etat auprès des entreprises françaises installées au Gabon. Les uns pour services rendus non payés, les autres pour non remboursement de la TVA.
Ce petit travail de déminage dont le but est d’apaiser les esprits pourrait se poursuivre devant les tribunaux français. Plusieurs entreprises hexagonales ont déjà traîné l’Etat gabonais devant la justice française.
Daniel Etienne