Raymond Ndong Sima lache un nouveau pamphlet contre le pouvoir

 

 

Libreville, Gabon (Gabonactu.com) – Raymond Ndong Sima, ancien Premier ministre d’Ali Bongo Ondimba, passé à l’opposition, a publié vendredi sur sa page facebook un nouveau pamphlet  contre le pouvoir qu’il accuse d’avoir fait des mauvais choix face à la crise du pétrole qui menace la stabilité économique du Gabon.

 

Voici le texte intégral :

 

Le prix de l’incrédulité

Il y a quelques mois, je tirais la sonnette d’alarme à la suite du retournement du marché pétrolier. Je faisais remarquer que l’évolution de ce marché préfigurait une crise qui pouvait être d’une grande ampleur. J’invitais en conséquence à ne pas promulguer la loi de finances 2015 en l’état puisque frappée de caducité en raison du décalage flagrant entre les hypothèses sur lesquelles elle avait été bâtie et la réalité du marché. Ce fut peine perdue. La loi de finances fut promulguée en l’état. La suite toutes les administrations et toutes les entreprises la connaissent avec une exécution fictive du budget et une accumulation d’arriérés c’est à dire de « bons pour » auprès de tous les opérateurs économiques, des salariés de l’Etat etc.

Cet appel à la raison n’était pourtant pas partisan. Il mettait en évidence une situation qui n’était imputable à personne, dans le pays ; une situation que le Gabon, comme les autres producteurs de pétrole, commençait à subir.

Hélas, rendu ivre par les cours euphoriques des années précédentes et tel un joueur au casino qui a souvent eu la baraka et veut continuer à y croire, le gouvernement s’est voulu rassurant au delà du raisonnable et s’est refusé à tirer les conclusions d’une conjoncture qui partait en vrille. Il a soutenu contre vents et marées, et donc, contre le bon sens que le Gabon était prêt et avait diversifié son économie. Il a choisi de confondre la propagande politique avec la réalité économique.

Il s’est même offert le luxe d’une erreur assimilable à une faute professionnelle en matière de finances publiques d’une part en instituant une prime d’incitation à la performance (PIP) dont le financement, dès la première année, a été couvert par un prélèvement sur le budget d’investissement ; d’autre part, en faisant aboutir une réforme du système de rémunérations porteuse d’une forte augmentation de la masse salariale à contrecourant de l’évolution prévisible des revenus de l’Etat.

Mais le marché pétrolier a ses propres règles, ses propres enjeux tels qu’un conflit non armé entre les supers grands par exemple en réponse aux évolutions des frontières en Europe ou au Moyen-Orient qui exposent les petits producteurs dont notre pays fait partie aux dégâts collatéraux.

Et nous voilà au cœur de la tourmente, au milieu de la tempête, sans possibilité de l’esquiver, exposés aux vents dont nous ne soupçonnons même pas l’intensité, accablés de dettes sous toutes les formes et réduits à accumuler des arriérés. Pour revenir sur ces derniers qui ont fait l’objet de ma dernière publication que certains lecteurs ont trouvé compliquée, un exemple peut résumer la situation.

Un père de famille qui travaille en journée continue prévoit de manger un petit repas à midi sur son lieu de travail. Il prend sur le budget de la famille les deux mille francs prévus à cet effet et se rend au travail. Sur place à midi, il va au « dos tourné » du coin et commande un plat. Quelques minutes plus tard, il se fait servir son repas qu’il mange copieusement. Lorsqu’on lui présente la facture, il répond qu’il ne peut pas payer immédiatement et demande d’inscrire le montant correspondant dans son « cahier de bons », sachant que ce n’est pas le seul cahier qu’il a ouvert dans le quartier, dans l’arrondissement, dans la ville.

Son refus de payer pose directement deux questions. Avait-il, en prenant place à ce comptoir de l’argent pour payer et dans l’affirmative qu’est devenu cet argent. S’il n’avait pas d’argent, pourquoi s’est-il assis et a-t-il passé commande pour un repas ?

On peut penser que pendant que le cuisinier apprêtait son repas, il a vu passer un ami, une amie qui lui a demandé le taxi et, oubliant sa propre facture, il a voulu être généreux. L’autre possibilité est qu’il a délibérément agi comme un escroc, animé d’une intention frauduleuse, et passé commande sachant parfaitement qu’il n’avait pas les moyens de payer immédiatement.

Plus tard, quand vient la date à laquelle il s’est engagé à payer, il conteste la facture, demande qu’on l’audite, exige un abattement de plusieurs pourcents (..%) pour payer sinon menace de trainer en longueur le paiement promis. Telle est l’histoire des « bons pour » de l’Etat imposés aux opérateurs économiques et élégamment appelés les arriérés.

La conséquence la plus désastreuse de ce refus de payer est que ce père de famille ruine sa réputation auprès de tous les opérateurs économiques qui lui retirent leur confiance, demandent à voir l’argent avant de le servir, augmentent les prix des factures qu’ils lui font pour se protéger de ses défauts de paiement etc.

La suite des questions que soulève cette situation est interminable et dramatique. Mais à ce stade, on peut s’arrêter à ce grave constat que nous sommes au début d’un choc économique qui s’annonce clairement maintenant d’une très grande magnitude. L’onde de ce choc va secouer tout le pays et ses conséquences risquent d’être particulièrement désastreuses.

La diversification vantée de l’économie n’est pas au rendez-vous. Son embryon dans l’agriculture et la transformation du bois ne sera pas en mesure d’amortir le contrechoc pétrolier. Il faut se préparer à des sacrifices plus importants. D’une façon plus générale, il faut d’extrême urgence remettre le budget à plat dans l’ensemble de ses composantes pour le mettre en conformité avec les revenus possibles des prochaines années. Dans cet exercice qu’on aurait pu éviter si l’incrédulité n’avait pris le pas sur le bon sens, l’Etat ne pourra pas maintenir la masse salariale au niveau où elle est montée. Hélas il faudra, plus que des mesures symboliques, des coupes sombres conséquentes dans les différentes composantes du budget en fonctionnement comme en investissement pour retrouver les équilibres sinon demain, nous devrons revenir sous les fourches caudines du FMI.

C’est ainsi qu’a commencé 1986. Certains se souviennent comment ça s’est terminé une nuit de 1994.

Ce ne sont plus les mois mais les semaines et peut-être même les jours qui sont comptés avant que le choc qu’annoncent les marchés ne soit perceptible de tous avais-je écrit dans « Péril en la demeure » à la fin de l’année 2014. Hélas nous y voilà.

 

Raymond Ndong Sima

 

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