Peut-on continuer à protéger les ménages tout en fragilisant l’État ? Depuis des années, le Gabon dépense des centaines de milliards de francs CFA pour maintenir artificiellement bas les prix du carburant et du gaz. Ce choix, guidé par la volonté de soutenir le pouvoir d’achat, est devenu un fardeau qui empêche de financer les vraies priorités : éducation, santé, infrastructures.
La décision d’arrêter les subventions n’est donc pas une rupture brutale, mais une nécessité assumée. Elle doit toutefois être expliquée, appliquée avec progressivité et accompagnée de mesures sociales, afin que la réforme serve l’intérêt de tous.
Le poids d’un système à bout de souffle

C’est comme si une famille continuait à payer les repas de son voisin, jour après jour, sans avoir de quoi financer la scolarité de ses propres enfants. Voilà l’effet des subventions : l’État finance le carburant et le gaz pour tous, riches comme pauvres, au détriment des investissements collectifs.
En 2022, la stabilisation des produits pétroliers coûtait près de 193 milliards de FCFA à l’État. Trois ans plus tard, au premier trimestre 2025, le solde est devenu excédentaire de plus de 31 milliards de FCFA. Ce renversement illustre de façon éclatante la pertinence de la décision d’arrêter les subventions : ce qui pesait hier lourdement sur nos finances publiques peut désormais être réaffecté au service direct des Gabonaises et des Gabonais.
Un choix porteur d’opportunités
Mettre fin aux subventions, c’est libérer des ressources pour les réorienter vers des projets visibles et utiles à tous. C’est aussi encourager une plus grande compétitivité des acteurs du secteur énergétique, en mettant fin à une distorsion qui profitait surtout aux gros consommateurs.
Protéger les plus fragiles
Personne n’ignore que cette réforme aura un impact social. Trois principes peuvent en atténuer les effets : avancer par étapes, cibler les ménages les plus vulnérables avec des mesures adaptées, et instaurer la transparence sur la formation des prix et l’utilisation des économies réalisées.
Le défi du gaz

Le véritable nœud du problème reste le gaz domestique, qui pèse plus lourd que le carburant dans les finances publiques. Il est urgent d’adapter sa structure de prix, de mettre fin au système de compensation croisée entre produits, et de développer des alternatives durables comme le biogaz ou le solaire. Moderniser la distribution et réduire les pertes permettront également d’alléger la facture.
Une chance pour le secteur privé
Pour les acteurs économiques, la réforme doit être vue comme une opportunité : innover dans la distribution, fidéliser les consommateurs, améliorer la qualité des services et contribuer à une modernisation indispensable de la filière énergétique gabonaise.
Un avenir à saisir
L’arrêt des subventions n’est pas une punition. C’est un signal de maturité économique. Mais il doit s’accompagner de deux clarifications : une libéralisation totale des prix des carburants, avec un mécanisme de péréquation ciblé pour l’arrière-pays ; et une réforme en profondeur de la structure des prix du gaz butane, car l’État n’a pas vocation à stabiliser les marges des opérateurs privés. Si cette réforme est conduite avec courage, transparence et sens social, elle ne sera pas seulement une mesure d’austérité. Elle deviendra un levier de transformation, un acte fondateur pour replacer l’argent public au service du bien commun. Le véritable enjeu n’est pas de dépenser moins, mais de dépenser mieux, pour que chaque franc CFA libéré construise l’avenir de nos enfants.
Jérémie AYONG NKODJIE OBAME, CEO de JANO Lab Performer