Dans un climat de réformes et de restructuration politique intense, la question de savoir qui pourrait être un maillon essentiel au Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI, au pouvoir), suscite un vif intérêt parmi les populations. Dans cette perspective, le média TV+ Afrique, largement reconnu pour sa couverture de l’actualité nationale, a récemment pris l’initiative d’interroger directement la population pour cerner leurs attentes.
Entre le 4 et le 6 novembre, un sondage d’une durée de 72 heures a été mené auprès de 4 836 personnes, soit près de 5 000 Gabonais. La question posée était simple mais cruciale : « selon vous, quelle serait la personnalité politique la plus à même d’aider la Transition à répondre aux défis actuels du pays ? » Les résultats de ce sondage ont permis de mettre en avant trois figures politiques qui, aux yeux des sondés, seraient les plus aptes à épauler le CTRI dans ses missions.
D’abord, Albert Ondo Ossa, avec un score de 36,2 %, arrive en tête, suivi de Brice Laccruche Alihanga à 29,6 %, et de Jean Rémy Yama, qui recueille 17,3 % des suffrages. Il faut reconnaître qu’Albert Ondo Ossa est un opposant ferme et un économiste chevronné. Professeur émérite d’Économie des universités et ancien candidat à la présidentielle de 2023, il jouit d’une reconnaissance indiscutable auprès des Gabonais. Bien que sa relation avec le CTRI soit marquée par une opposition farouche, ses compétences techniques et sa vision économique du pays le placent comme une alternative crédible pour une partie de la population.
Engagé dans une critique constante des actions du CTRI, il s’est fermement opposé au récent référendum constitutionnel, et a appelé les Gabonais à voter “Non” pour exprimer leur désaccord avec l’orientation prise par les institutions transitoires. Ce positionnement, à la fois radical et cohérent, semble trouver écho auprès des citoyens, qui voient en lui un acteur apte à proposer des solutions concrètes, bien qu’alternatives, aux défis de la Transition. Puis, il y a Brice Laccruche Alihanga dont on reconnaît un pragmatisme et une proximité avec le peuple.
Arrivé en seconde position avec 29,6 % des suffrages, il est évident que Brice Laccruche Alihanga (BLA) se distingue par son parcours atypique et son influence marquée sur la jeunesse. Son engagement auprès de la population gabonaise est d’abord passé par l’Association des Jeunes Émergents Volontaires (AJEV), une plateforme qui lui a permis de mobiliser et de fédérer les jeunes autour de projets sociaux. Au-delà de cette proximité avec le peuple, il a su développer une stratégie politique pragmatique, tout en valorisant et en promouvant de nombreux jeunes cadres lors de son passage au sein du cabinet de l’ex-président Ali Bongo Ondimba, en qualité de directeur de cabinet.
BLA jouit également d’une réputation de philanthrope, due aux nombreuses actions sociales entreprises au cours de sa carrière. Cette dimension humanitaire, combinée à ses compétences stratégiques et à sa capacité de rassemblement, lui confère de facto une position particulière aux yeux des Gabonais. Beaucoup le considèrent comme un homme d’action, doté d’une réelle compréhension des réalités locales et d’une approche pragmatique des problèmes, qualités qui, selon ses soutiens, pourraient véritablement servir le CTRI. Et l’on se souvient également de son bouquin : « L’Or jeune », ouvrage entièrement dédié à la jeunesse, et les perspectives à entrevoir.
Enfin, Jean Rémy Yama, syndicaliste engagé dont l’intégrité ne se dispute pas. En effet, Jean Rémy Yama a récolté 17,3 % des voix au cours du sondage de TV+ Afrique. Reconnu comme l’un des plus grands syndicalistes gabonais, il incarne pour beaucoup une figure d’intégrité et de détermination. Ses positions tranchées vis-à-vis de l’ancien régime d’Ali Bongo Ondimba lui ont valu une incarcération, faisant de lui un exemple de la lutte pour la justice sociale. Président de la principale plateforme syndicale des agents publics du pays, il s’est distingué par son franc-parler et son inébranlable attachement aux valeurs d’éthique et de probité morale.
Libéré grâce à l’intervention du président de la Transition, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, Jean Rémy Yama n’a cependant pas hésité à exprimer ses réserves à l’égard de la Transition en cours, et encouragé les Gabonais à voter “Non” lors du référendum. Cette indépendance d’esprit et cette capacité à assumer ses convictions en font un candidat apprécié pour sa rigueur et son courage, bien qu’il soit parfois en contradiction avec les orientations du pouvoir actuel. Il est évident que le professeur Jean Rémy Yama est un homme sur qui les autorités de la Transition peuvent compter.
Parmi les autres personnalités proposées lors du sondage, Guy Nzouba Ndama a recueilli 6,3 % des voix. Ancien président de l’Assemblée nationale et ex-membre influent du régime Bongo-PDG, il jouit aujourd’hui d’un capital de confiance grâce à sa transition vers l’opposition et la création de son propre parti politique, Les Démocrates. Son expérience institutionnelle et sa connaissance des rouages politiques pourraient constituer un atout pour certains Gabonais, qui voient en lui une figure de stabilité et d’expérience.
Derrière lui, Marcel Libama, avec 3,1 % des suffrages, se démarque par son passé de syndicaliste et son franc-parler. Aujourd’hui député de la Transition, il a conservé un esprit combatif qui pourrait, selon certains, être bénéfique pour le CTRI s’il obtenait davantage de responsabilités. Anges Kevin Nzigou, avocat et membre du Parti pour le changement (PLC), jouit quant à lui d’une crédibilité notable auprès des jeunes. Avec 2,4 % des voix, ce jeune leader est perçu comme une figure montante, et possède le dynamisme et la rigueur nécessaires pour impulser un renouveau dans le cadre de la Transition.
Enfin, Angélique Ngoma, actuelle secrétaire générale du Parti Démocratique Gabonais (PDG), avec 1,5 % des suffrages ferme la marche du podium. Discrète sur la scène publique, Angélique Ngoma ne bénéficie pas d’une importante visibilité. Ce qui pourrait expliquer son faible score auprès des sondés. Grosso modo, ce sondage réalisé par TV+ Afrique exprime fortement les attentes des Gabonais envers le CTRI et leur souhait de voir des personnalités engagées, proches du peuple, et dotées d’une forte expérience au service de la Transition.
Si les noms d’Albert Ondo Ossa, Brice Laccruche Alihanga, et Jean Rémy Yama se détachent, chacun incarne tout de même un parcours et des valeurs spécifiques susceptibles de répondre aux défis multiples auxquels le pays fait face. Alors que le Gabon continue de traverser une période de profonde transformation, ces résultats illustrent aussi (s’il en était encore besoin) les espoirs et les priorités d’une population en quête de stabilité, de justice, et de redressement institutionnel.
Camille Boussoughou