Les effets des sanctions antirusses sur l’économie mondiale, selon Moscou

L’économie mondiale continue de subir des pertes considérables en raison de la réduction totale par l’Occident collectif des liens commerciaux, économiques et d’investissement avec la Russie et de la coercition exercée sur d’autres États pour qu’ils agissent dans la même voie. Presque tous les pays connaissent un ralentissement de la croissance économique. Plusieurs grandes économies occidentales sont essentiellement au seuil de la récession. Les revenus des populations sont en baisse. Les entrepreneurs sont confrontés à des pertes tangibles. Un problème socio-économique aigu est l’inflation élevée sans précédent, en particulier en Europe.

Le Centre des recherches stratégiques (ONG russe) estime que les entreprises étrangères ont perdu environ 240 milliards de dollars à cause des sanctions contre la Russie. Les sociétés américaines ont été les plus durement touchées, subissant des pertes de plus de 100 milliards de dollars. En Europe, en termes de PIB, le départ des entreprises de Russie a eu le plus grand impact sur les économies de la Finlande (-2% du PIB), de la Suède (-1,5%), du Royaume-Uni (-1,3%) et du Danemark (-1%).

Par exemple, la décision de quitter le marché russe a coûté 1,3 milliard de dollars à la chaîne de restauration rapide américaine « McDonald’s » depuis le début de l’année 2022. La société américaine de services pétroliers « Halliburton » a vendu les actifs russes, initialement estimés à 340 millions de dollars. Les coûts supportés par l’un des plus grands conglomérats financiers, l’entreprise américaine « CityGroup », sont estimés à environ 170 millions de dollars, et quelque 2 300 employés vont être licenciés, 15 entreprises affiliée seront supprimés. « Microsoft » a estimé le coût de la liquidation de ses activités en Russie à 126 millions de dollars.

Parmi les entreprises allemandes, « Siemens » a subi une perte de 1,1 milliard d’euros en raison du démantèlement de sa présence en Russie. « Linde AG » a perdu 901 millions d’euros. Encore deux milliards d’euros investis dans des projets bloqués par les sanctions de l’UE sont remis en question. « RWE » a passé en perte 748 millions d’euros à la suite de l’embargo sur le charbon, « Daimler » – 710 millions d’euros, et les groupes d’assurance « Munich Re » et « Allianz » – 715 millions et 600 millions d’euros respectivement. L’investissement de 1,15 milliard d’euros dans « Nord Stream 2 » a été amorti par le géant de la chimie « BASF » qui détient 72 % des actions de « Wintershall AG ». Entre-temps l’entreprise dépend de manière critique du gaz russe dont le prix augmente et dont le sort des approvisionnements est inconnu. Les coûts de sauvetage du géant gazier « Uniper » par l’Allemagne sont estimés à 29 milliards d’euros.

Le développeur finlandais de navigation navale « Wartsila » a vendu ses divisions « Transas Navigator » et « Värtsilä Vostok » à la direction russe. La société a passé en pertes 200 millions d’euros en raison de la cessation des activités. La brasserie danoise « Carlsberg » subira des pertes d’environ 1,18 milliard de dollars en raison de son départ de Russie, le transitaire maritime « Maersk » perdra 654 millions de dollars et les fabricants d’équipements de pompage « Grundfos » et d’automatismes thermiques « Danfoss » – 111 millions et 78,5 millions de dollars respectivement. La société suédoise « H&M » devra supporter des coûts d’environ 2 milliards de couronnes suédoises pour mettre fin à ses activités en Russie.

Les entreprises françaises sont également confrontées aux dommages : « Renault » a estimé à 2,3 milliards d’euros le préjudice net lié à son départ de Russie, tandis que « Danone » subira une perte d’environ 1 milliard d’euros à la suite de sa décision d’abandonner ses activités en Russie.

Le de facto gel d’une grande partie des réserves internationales d’or de la Russie a incité de nombreux pays à réévaluer leurs stratégies dans ce domaine.  En particulier, les pays qui cherchent à mener la politique indépendante de l’Occident reviennent activement à la conservation de leur épargne en lingots d’or : au cours du premier semestre 2022 le montant global des bilans des banques centrales en or a augmenté de 300 tonnes, notamment en Turquie (+63,5 tonnes), en Égypte (+44,1 tonnes), en Ouzbékistan (+26,4 tonnes), en Inde (+14,7 tonnes) et en Argentine (+7 tonnes). En avril 2022 la Banque d’Israël a dévoilé une nouvelle stratégie de gestion de ses réserves, prévoyant une réduction de la part du dollar et de l’euro. En juin 2022 la Banque populaire de Chine en coopération avec la Banque des règlements internationaux, a annoncé la création d’un système de réserve en yuans impliquant l’Indonésie, Singapour, la Malaisie, Hong Kong et le Chili qui investiront chacun 15 milliards de yuans dans un fonds commun. La création d’une monnaie de réserve internationale basée sur les devises nationales des pays du BRICS est à l’étude.

Les ventes d’obligations de la dette publique américaine se sont intensifiées. Du 28 février au 31 août le volume total des investissements étrangers en obligations d’État américaines a diminué de 201 milliards de dollars, y compris à cause de la Chine qui a réduit ses investissements de 8,5 %, soit de 90 milliards de dollars. Le Brésil, l’Irlande, Hong Kong, Israël, la Pologne et l’Indonésie « se débarrassent » activement de leurs titres – leur part dans les portefeuilles nationaux est tombée à son plus bas niveau depuis plusieurs années. La Türkiye a effectivement « réduit à zéro » ses investissements respectifs.

La part des monnaies alternatives au dollar et à l’euro augmente dans les règlements internationaux. L’affaiblissement de la monnaie européenne et de son poids dans le système SWIFT (qui est tombé de 38% à 33% depuis février) a été particulièrement sensible. La Türkiye, l’Inde, l’Indonésie, les Émirats Arabes Unis et un certain nombre d’autres pays ont également intensifié leurs efforts pour passer aux échanges en monnaie nationale. En mars des rapports ont révélé que l’Arabie Saoudite et la Chine négociaient la fourniture de pétrole saoudien avec paiement en yuans. En juillet 2022 la Banque centrale indienne a autorisé l’utilisation de la roupie dans les paiements transfrontaliers. La Banque des règlements internationaux prévoit que la part du chiffre d’affaires mondial des opérations de change réalisées en yuans dépassera 7 % à partir de 2022 (contre 4 % en 2019). Parallèlement des projets d’utilisation et de conversion transfrontalières des monnaies numériques des banques centrales (appelées « multi-CBDC ») sont encouragés, notamment « mBridge », conjointement développés par Hong Kong, la Chine, les EAU et la Thaïlande, qui permettrait d’accroître la confidentialité du commerce extérieur et d’éliminer les risques de blocage des transactions pertinentes par l’Occident.

Le marché de l’énergie traverse une période d’incertitude. Entre juillet et octobre de cette année les prix du pétrole sont passés de 109 à 94,5 dollars par baril de Brent. Entre-temps les décisions des États Unis et de l’UE d’imposer un embargo sur les achats de pétrole russe à partir du 5 décembre 2022 et de produits pétroliers à partir du 5 février 2023 restent en vigueur.

L’examen de l’introduction d’un prix plafond pour le gaz naturel a jusqu’à présent été reporté en raison d’une certaine pénurie de ce combustible sur les marchés mondiaux. La direction de « Gazprom » estime que les installations de stockage souterrain de gaz en Europe ont actuellement un taux d’occupation relativement élevé (plus de 90 %), ce qui est suffisant pour couvrir la consommation moyenne en hiver. Toutefois, en cas de conditions météorologiques défavorables et de pic de consommation, la pénurie quotidienne de combustible bleu peut atteindre 800 millions de mètres cubes.

Dans le même temps la crise énergétique pourrait se pérenniser en raison des difficultés à remplir les installations de stockage souterrain de gaz en 2023 en raison d’une forte diminution des importations de combustible bleu en provenance de Russie. Au total, d’après les estimations des experts, le coût pour les pays européens de payer les consommateurs touchés par les sanctions s’élèvera à plusieurs centaines de milliards d’euros. Selon les données disponibles, les dépenses budgétaires des pays de l’UE pour compenser les prix élevés de l’énergie pourraient atteindre 300 milliards d’euros (selon Igor Sechin, PDG de « Rosneft », les coûts des pays de l’UE pour compenser les consommateurs des coûts des sanctions ont dépassé 500 milliards d’euros et atteindront 1 trillion d’euros d’ici la fin 2022).

Dans ce contexte les analystes de « Bloomberg » notent une tendance à de sérieux changements structurels sur le marché de l’énergie. Par exemple, selon les analystes de l’agence, les mesures prises par les pays de l’UE pour assurer leur propre sécurité énergétique provoquent une augmentation de la pauvreté énergétique dans les pays en voie de développement.

En particulier de nombreux fournisseurs de gaz naturel liquéfié (GNL) à destination de l’Asie du Sud ont tout simplement annulé les livraisons prévues par les contrats à long terme en raison de la forte hausse des prix. Les prix élevés qu’ils peuvent obtenir sur les marchés au comptant de l’UE font plus que compenser les pénalités liées à l’évitement des contrats. Cela entraîne des arrêts de production, des coupures de courant de plus en plus fréquentes et prolongées et des tensions sociales accrues.

Et la position du monde en développement dans ce domaine ne fera que s’aggraver. Selon les estimations de « Bloomberg », la consommation de GNL dans l’UE augmentera de près de 60 % d’ici 2026 par rapport à 2021, pour atteindre 120,3 millions de tonnes par an (mtpa). Et cette croissance proviendra en grande partie des approvisionnements des marchés émergents. Ainsi, les prévisions d’approvisionnement en GNL de l’Inde en 2025 sont réduites de 6,4 mtpa, à 24,4 mtpa, et celles du Pakistan de 6,7 mtpa, à 10,8 mtpa.

La situation des pays en développement s’aggrave également en raison du renforcement du dollar américain, ce qui les oblige à choisir entre l’achat de matières premières énergétiques et le remboursement de leurs dettes. À leur tour les fournisseurs sont contraints de prendre en compte les risques liés à la fourniture de carburant à des pays susceptibles de faire défaut. En conséquence le Bangladesh et la Thaïlande ont effectivement abandonné leurs tentatives de signer des contrats d’approvisionnement à partir des nouveaux grands terminaux GNL du Qatar et des États Unis. En octobre 2022 le Pakistan n’a pas réussi à conclure un accord de 6 ans qui devait commencer en 2023 ; les tentatives du pays pour négocier des achats à court terme ont également échoué. Les Philippines ont à nouveau reporté la date de lancement de leur premier terminal de regazéification. Le Vietnam envisage de réduire la capacité de production de ses centrales électriques au gaz en projet.

En d’autres termes un certain nombre d’experts estiment que les États Unis, en entraînant une spirale des sanctions antirusses, dérobent carrément leurs alliés européens qui, à leur tour, s’appuient sur les concepts de « développement vert » pour transférer le poids de la charge sur les économies en développement.

Source : Internet

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