Le soleil venait à peine de décliner, vendredi 3 octobre dernier, quand une odeur âcre s’est faufilée dans les couloirs silencieux du dispensaire de Mangougou, dans le 3ᵉ arrondissement de Franceville. À cet instant, personne ne savait encore que le pire était en train de se jouer, à quelques mètres seulement des chambres de soins et de la salle de pansement.
Dans sa modeste maison accolée au dispensaire, Gildas Moutou Okanabere, l’infirmier en poste, savourait un rare moment de répit auprès de sa famille. Une courte pause, après plusieurs jours sans véritable sommeil. Puis soudain, une fumée épaisse, suffocante, a envahi la pièce. En quelques secondes, la peur a remplacé le calme. Il s’est levé en sursaut, le cœur battant, avant de courir vers la cuisine du dispensaire. Là, le spectacle était terrifiant : des flammes grimpaient le long du mur, léchant déjà le plafond, prêtes à dévorer le bâtiment tout entier. L’air brûlait, les enfants pleuraient, et les cris ont alerté les voisins. Armés de seaux d’eau, de serviettes humides, les soignants ont lutté à mains nues contre le feu.
Quand enfin les flammes se sont éteintes, un silence pesant a envahi les lieux. Au sol, un récipient contenant des traces d’essence. La preuve d’un geste volontaire. Quelqu’un, quelque part, avait voulu anéantir ce petit centre de soins, ce refuge pour les malades et les blessés de Mangougou.

« On a frôlé la catastrophe », murmure Gildas, encore sous le choc. Ses yeux sont rougis, fatigués, comme ceux d’un homme qui a vu la mort frôler son lieu de travail, son foyer, son engagement.
« Ici, nous n’avons ni clôture, ni éclairage, ni gardien. La nuit, nous vivons dans la peur. Il nous arrive de retrouver des détritus, parfois même des excréments devant nos portes. Nous avons tout signalé, mais personne ne nous écoute », a-t-il souligné.
Les mots sont simples, mais lourds. Derrière eux, un cri d’impuissance. Car ce dispensaire, malgré sa vétusté, représente la seule chance de soins pour des centaines d’habitants. C’est là qu’on soigne les enfants malades, les femmes enceintes, les blessés des quartiers voisins. Si ce centre venait à disparaître, c’est tout un pan de la communauté qui s’effondrerait.
« Quand j’ai vu la fumée, j’ai cru que tout était fini », raconte une mère du quartier, tenant son bébé dans les bras. « Ce dispensaire, c’est notre seul espoir. S’il brûle, c’est comme si on nous abandonnait», ajoute une autre.
Une enquête a été ouverte, mais pour les habitants de Mangougou, les mots ne suffisent plus. Ils veulent des actes, une protection, un peu de lumière dans la nuit qui entoure désormais leur dispensaire. Car depuis ce soir-là, chaque bruit suspect, chaque odeur de fumée fait sursauter ceux qui y vivent et y travaillent.
Et quand la nuit tombe, Gildas regarde longuement le plafond noirci par les flammes. Dans ses yeux, une peur muette. Celle que, la prochaine fois, personne ne soit là pour éteindre le feu.
Jean-Jacques Rovaria Djodji