Etrange campagne électorale (Tribune libre)

Jamais élections locales et législatives n’auront été aussi présidentielles. C’est sans doute le paradoxe le plus frappant de cette campagne. La quasi-totalité de l’échiquier politique se réclame du Président de la République, comme si chacun cherchait à profiter d’un « couloir d’aspiration présidentielle ».

En plusieurs décennies de vie politique, rarement avons-nous vu des scrutins censés parler du quotidien des citoyens être autant absorbés par une logique nationale.

Campagne étrange à plus d’un titre

D’abord, par la confusion administrative : listes provisoires, rectificatives, additives, définitives… puis définitives finales. La multiplication des candidatures a transformé le ministère de l’Intérieur en Sisyphe moderne, contraint de gravir une montagne sans cesse recommencée. Plus surprenant encore, il faut désormais attendre parfois jusqu’à 72 heures avant le scrutin pour voir certaines candidatures validées. Une situation inédite qui fragilise la lisibilité du processus et ajoute à la fébrilité générale.

Étrange aussi par les alliances mouvantes : ici des partis s’affrontent, là ils s’allient, ailleurs ils se désistent mutuellement. Une géométrie variable qui brouille la lecture citoyenne et fragilise encore la confiance dans la cohérence du jeu politique. Et que dire de ce parti scindé en deux, dont une des directions querellées appelle à soutenir les candidats de la faction qu’elle-même considère comme illégale et illégitime ? Voilà qui achève de désorienter les électeurs.

Il y a aussi ces figures flamboyantes, ces hérauts pleins de panache dont on aimerait qu’ils réussissent, mais qui oublient sans doute que la politique est souvent cruelle. À côté d’eux, des candidatures originales, atypiques, aux répliques déjà promises à une seconde vie sur les réseaux sociaux. Une profusion colorée, mais qui masque mal une autre réalité.

Car derrière les postures, les tentatives d’incarnation et les saillies spectaculaires, le vide programmatique demeure. Peu de projets solides, peu de mesures concrètes. Après tant d’années de politiques politiciennes, on en est réduit à rappeler les rôles véritables : celui du député, qui ne se limite pas à incarner une étiquette mais consiste à légiférer, contrôler l’action gouvernementale et représenter les citoyens dans leur diversité ; celui du maire, qui n’est pas une simple figure protocolaire mais le premier responsable de la proximité, chargé d’organiser la vie locale, de gérer les services essentiels, et de porter une vision de développement territorial.

Voilà donc une campagne vivante mais brouillonne, animée mais confuse, spectaculaire mais appauvrie.

Une campagne qui nous interroge, non pas seulement sur les élections en cours, mais sur ce que nous voulons vraiment attendre de la politique. Car au bout du compte, la démocratie ne peut se nourrir indéfiniment de symboles : elle a besoin de clarté, de responsabilité et de projets concrets.

Par Ike NGOUONI AILA OYOUOMI, Président du parti Les engagés

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