Pourquoi il n’y a pas bicéphalisme au Parti démocratique gabonais (PDG) et pourquoi le ministre de l’Intérieur ne peut pas légalement suspendre le PDG. Une confusion dangereuse sur la notion de bicéphalisme
*Par Ali Akbar Onanga Y’Obégué
Certains analystes politiques évoquent aujourd’hui la possibilité pour le Ministre de l’Intérieur de suspendre le Parti Démocratique Gabonais en invoquant l’article 64 de la nouvelle loi sur les partis politiques, qui prévoit la suspension en cas de « bicéphalisme à la tête du parti ». Cette interprétation révèle une méconnaissance profonde de ce qu’est juridiquement le bicéphalisme et constitue une grave erreur d’analyse qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour la démocratie gabonaise.

Le bicéphalisme, au sens strict du droit, suppose l’existence de deux directions rivales qui peuvent chacune revendiquer une légitimité statutaire. Autrement dit, il faut que deux groupes puissent se prévaloir, de manière apparemment fondée, des règles internes du parti pour justifier leur prétention au pouvoir. Cette situation crée une ambiguïté juridique objective où il devient difficile de déterminer laquelle des deux directions est légalement fondée.
Or, ce n’est absolument pas le cas au sein du PDG. La situation actuelle oppose une direction parfaitement légitime et statutaire à un groupe d’usurpateurs qui agissent sans aucune base légale. Il ne s’agit donc pas de bicéphalisme mais d’usurpation de pouvoir, ce qui relève du droit pénal et non du droit administratif des partis politiques.
Ali Bongo Ondimba reste le président légitime du PDG
Les faits sont têtus et la chronologie est sans appel. Ali Bongo Ondimba n’a jamais démissionné de la présidence du PDG selon les procédures prévues par les statuts du parti. Sa déclaration du 18 septembre 2024, dans laquelle il annonçait son retrait de la vie politique électorale, ne constituait en aucun cas une démission de la présidence du parti. Cette distinction est fondamentale en droit : on peut parfaitement diriger un parti politique sans briguer de mandat électoral.
D’ailleurs, le prétendu « coup de force » du 7 mars 2024, par lequel certains membres du parti ont tenté de s’emparer de sa direction, est antérieur de six mois à cette déclaration. Comment les usurpateurs pourraient-ils justifier rétroactivement leur action par une déclaration qui n’existait pas encore ? Cette contradiction temporelle révèle à elle seule la vacuité de leurs arguments juridiques.
Le 14 mai 2025, il a pris des décisions conformes aux statuts du parti, notamment : la décision n°001/PDG/DCP, portant nomination du Secrétaire Général du Parti Démocratique Gabonais ; la décision n°003/PDG/DCP, modifiant la décision n° 004/PDG/DCP, portant nomination du cabinet du distingué camarade président et du secrétariat exécutif du parti démocratique gabonais du 24/12/2022 ; la décision n°004/PDG/DCP, confirmant la décision n° 001/PDG/DCP, portant nomination membres du conseil consultatif des sages, des membres du comité permanent du bureau politique et des membres du bureau politique du Parti Démocratique Gabonais du 21/06/2023 ; la décision n°005/PDG/DCP, portant confirmation des nominations issues de la communication faite par le Secrétariat exécutif en date du 30 juillet 2023 concernant les membres du conseil national, les membres du comité central et les membres de l’exécutif local.
Le « directoire autoproclamé » : des usurpateurs sans titre juridique
Face à cette légitimité statutaire incontestable, que nous oppose le groupe qui prétend diriger le PDG depuis le 7 mars 2024 ? Absolument rien de juridiquement valable. Ce « directoire autoproclamé » s’est emparé du parti par la force, sans respecter aucune procédure statutaire, avec la complicité inadmissible du palais présidentiel de transition qui s’est ingéré dans les affaires internes d’un parti politique.
Cette prise de contrôle illégale ne peut être qualifiée que d’usurpation. Les usurpateurs ont instrumentalisé le PDG à des fins personnelles, désorganisé méthodiquement ses structures légitimes et rompu les liens entre la direction statutaire et les militants. Ils ont agi en violation flagrante des statuts et du règlement intérieur du parti, sans aucun mandat légal pour ce faire.
La nullité absolue du pseudo-congrès extraordinaire du 30 janvier 2025 confirme cette usurpation
Pour tenter de légitimer leur coup de force, ces usurpateurs ont organisé le 30 janvier 2025 un prétendu « congrès extraordinaire » à l’Hôtel Radisson Blu de Libreville. Cette mascarade juridique, loin de consolider leur position, révèle au contraire l’étendue de leur mépris pour les règles statutaires et confirme définitivement leur statut d’usurpateurs.
L’analyse juridique de ce pseudo-congrès révèle des nullités multiples et irrémédiables. Premièrement, la convocation a été signée par des personnes n’ayant aucune qualité juridique : Angélique NGOMA en qualité de « Secrétaire Général » et Paul BIYOGHE-MBA en qualité de « 1er Vice-Président ». Cette dernière fonction est particulièrement révélatrice car elle n’existe tout simplement pas dans les statuts du PDG révisés le 12 mars 2022.
Selon l’article 89 des statuts en vigueur, le congrès extraordinaire ne peut être convoqué que par le Président du Parti, sur proposition du Secrétaire Général légitime, sur proposition du Bureau Politique, ou à la demande d’au moins un tiers des membres du Conseil National réuni en session ordinaire ou extraordinaire. Aucune de ces conditions n’a été respectée, ce qui vicie radicalement la convocation.
Plus grave encore, la résolution de convocation invoque frauduleusement « les articles 20 et 113 des Statuts du Parti Démocratique Gabonais du 21 septembre 2008 ». Cette référence constitue une fraude caractérisée car ces statuts ont été expressément et régulièrement abrogés par les statuts modificatifs successifs et notamment par l’article 155 des derniers statuts en vigueur du 12 mars 2022. L’utilisation consciente de textes périmés démontre non seulement la connaissance de l’illégalité par les organisateurs, mais aussi leur volonté délibérée de contourner les règles en vigueur.
Le pseudo-congrès souffre également de défaillances procédurales substantielles. Le délai de convocation était dérisoire (48 heures), aucune consultation préalable des structures de base n’a été organisée, et l’ordre du jour portait sur « la révision des textes juridiques » sans mentionner d’élection présidentielle, vidant ainsi de substance toute prétention à une modification légitime de la direction du parti et surtout à la désignation d’un nouveau président.
Cette accumulation de nullités confirme que les organisateurs n’avaient aucune légitimité statutaire et ne pouvaient donc créer aucune légitimité nouvelle par ce pseudo-congrès. L’usurpation n’est pas le bicéphalisme. Dans le bicéphalisme, il existe deux prétentions légitimes en apparence. Dans l’usurpation, il n’y a qu’une direction légitime face à des délinquants qui s’approprient illégalement le pouvoir. La distinction est capitale car elle détermine la nature des mesures à prendre.
Le Ministère de l’Intérieur garant de la légalité, pas complice de l’usurpation
Le Ministère de l’Intérieur a une mission constitutionnelle claire : garantir le respect de la légalité dans le fonctionnement des partis politiques. Cette mission l’oblige à reconnaître les seules autorités statutairement compétentes et à refuser de traiter avec des usurpateurs, quels que soient les rapports de force politiques du moment.
En continuant de recevoir les membres du « directoire autoproclamé » comme s’ils étaient les représentants légitimes du PDG, le Ministère de l’Intérieur commet une faute grave. Il légitime par sa reconnaissance administrative une prise de pouvoir illégale et devient complice d’une usurpation. Cette attitude constitue une violation de ses obligations légales et un déni de justice envers la direction statutaire du parti.
Le Ministre de l’Intérieur ne peut pas invoquer un bicéphalisme inexistant pour justifier une suspension qui n’aurait d’autre effet que de valider l’usurpation en cours. Une telle décision révélerait un détournement de pouvoir caractérisé : utiliser une prérogative administrative destinée à régler les conflits internes légitimes pour éliminer un parti d’opposition gênant.
L’inexistence juridique du pseudo-congrès du 30 janvier 2025 renforce cette obligation légale
La nullité absolue du pseudo-congrès extraordinaire du 30 janvier 2025 enlève aux usurpateurs leur dernier argument de façade. Ils ne peuvent plus même prétendre avoir organisé une assemblée statutaire, fût-elle irrégulière. Les multiples violations des statuts, la fraude aux textes, l’usurpation de fonction et les défaillances procédurales font de cette assemblée un acte juridiquement inexistant.
Le Ministère de l’Intérieur ne peut donc plus fermer les yeux sur cette situation. Reconnaître les « décisions » de ce pseudo-congrès reviendrait à cautionner une fraude manifeste et à violer ses propres obligations de contrôle de légalité.
Les risques juridiques d’une suspension abusive
Si le Ministère de l’Intérieur prenait la décision insensée de suspendre le PDG en invoquant un bicéphalisme fictif, cette décision serait juridiquement indéfendable. Elle souffrirait d’un vice de motif évident puisque les faits allégués sont matériellement inexacts. Il n’existe pas au PDG deux directions légitimes concurrentes mais une seule direction statutaire face à des usurpateurs dont les dernières manœuvres (le pseudo-congrès du 30 janvier) sont juridiquement nulles et non avenues.
Une telle décision constituerait également un détournement de pouvoir manifeste. L’article 64 de la loi sur les partis politiques a été conçu pour régler des situations de conflit interne légitime, pas pour permettre à l’administration de valider des coups de force contre l’opposition. Utiliser cet article dans le contexte actuel reviendrait à détourner la loi de son objet.
La direction légitime du PDG, comme l’a clairement indiqué Ali Bongo Ondimba dans sa lettre au Ministre de l’Intérieur du 14 mai 2025, ne laisserait pas passer une telle violation du droit. Elle contesterait cette décision par toutes les voies de droit appropriées, tant devant les juridictions nationales que devant les instances internationales compétentes.
Ce que devrait faire le Ministère de l’Intérieur
La solution est pourtant simple et conforme au droit. Le Ministère de l’Intérieur devrait cesser de reconnaître les usurpateurs et mettre à jour ses registres administratifs pour prendre acte de la reprise effective de la présidence du PDG par Ali Bongo Ondimba. Il doit reconnaître les nominations du 14 mai 2025, notamment celle d’Ali Akbar Onanga Y’Obégué comme Secrétaire Général, qui respectent scrupuleusement les statuts du parti.
Le Ministère devrait également refuser de recevoir comme interlocuteurs légitimes les membres du « directoire autoproclamé » et cesser de leur donner une quelconque reconnaissance administrative. Il devrait notamment ignorer totalement les prétendues « décisions » du pseudo-congrès du 30 janvier 2025, qui sont juridiquement inexistantes.
En agissant ainsi, il ne ferait que remplir sa mission légale de garant de la régularité des partis politiques. Cette position n’est pas politique, elle est juridique. Elle ne favorise aucun camp, elle respecte le droit. Elle ne légitime aucune ambition personnelle, elle préserve l’État de droit.
Pour conclure il faut dire que la situation au PDG est un test pour la démocratie gabonaise
Soit, nous respectons les règles de droit et nous reconnaissons que seule la direction statutaire a qualité pour parler au nom du parti, soit nous validons l’idée que la force peut primer sur le droit et que l’usurpation peut être légitimée par la complaisance administrative.
Il n’y a pas de bicéphalisme au PDG. Il y a une direction légitime incarnée par Ali Bongo Ondimba et les responsables qu’il a nommés conformément aux statuts, face à des usurpateurs qui agissent sans titre juridique et dont le pseudo-congrès du 30 janvier 2025 est entaché de nullités absolues et irrémédiables.
Le Ministère de l’Intérieur ne peut pas suspendre un parti en invoquant un motif inexistant sans s’exposer à une censure juridictionnelle certaine. La thèse de la suspension n’est donc pas une option juridiquement viable. Elle constituerait une faute grave de l’administration et un déni de justice.
Le Ministère de l’Intérieur doit se conformer au droit, reconnaître la seule direction légitime du PDG et cesser de cautionner l’usurpation en cours. C’est son devoir légal et sa responsabilité démocratique. Il n’y a pas deux PDG. Il y a un PDG, une direction légale, et des usurpateurs dont les dernières manœuvres juridiques sont nulles et non avenues.
La question n’est donc pas de savoir s’il faut suspendre le PDG. La vraie question est : jusqu’à quand le Ministère de l’Intérieur continuera-t-il à recevoir des personnes sans qualité légale au nom du PDG et à ignorer la nullité manifeste de leurs pseudo-assemblées ?
Le temps est venu de restaurer l’ordre statutaire, de faire respecter les textes, et de mettre un terme à une mascarade qui, à défaut d’être sanctionnée, finira par contaminer toute la vie politique gabonaise.
Il en va de la crédibilité des institutions. Il en va du respect du droit. Et il en va, surtout, de l’avenir du pluralisme démocratique dans notre pays.
*Docteur en Droit,
Enseignant à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de l’Université Omar Bongo de Libreville,
Secrétaire Général du Parti Démocratique Gabonais, officiellement nommé par le Président Ali BONGO ONDIMBA,
Ancien Ministre.
