Grégory Laccruche Alihanga, ancien maire d’Akanda, a enfin révélé pourquoi il a été arrêté, jeté en prison et torturé durant 4 ans sans avoir été présenté même une seule fois devant un juge d’instruction.
Le récit qu’il a publié sur son compte Facebook, sous la forme d’une lettre ouverte, est glaçon, digne d’un Etat sauvage.
« En novembre 2019, j’ai été arrêté, puis incarcéré. Officiellement, dans le cadre de “l’opération Scorpion”. En réalité, une vengeance politique. Une purge ciblée », résume-t-il.

« Alors que j’étais encore maire d’Akanda, j’ai reçu un appel de Nourredin Bongo Valentin. Il me convoque à son domicile, à La Palmeraie. Devant Abdul Océni, il me demande une chose : lancer de fausses accusations contre mon frère, Brice Laccruche Alihanga. L’accuser de trahison. Fabriquer des témoignages. Prêter main forte à leur règlement de comptes », relate le frère de Brice Laccruche Alihanga, ancien Directeur de cabinet d’Ali Bongo.
Brusquement tombé en disgrâce, Brice Laccruche Alihanga était déjà aux arrêts et jeté en prison. Grégory raconte que sa réponse à la sollicitude de Nourredin Bongo Valentin « fut claire ».
« Jamais je ne trahirai mon sang. Jamais je ́ne me fourvoierai devant Dieu », aurait-il clamé devant le fils d’Ali Bongo, alias « Papa m’a dit ».
« Trois jours plus tard, j’étais arrêté. Jeté en prison. Garde à vue prolongée illégalement. Détention préventive de 4 ans, sans procès, sans audience, sans défense. Quatre ans d’oubli judiciaire au sein de l’annexe 1 de la prison centrale de Libreville. Une rengaine m’était assénée : « Nono a dit si tu veux sortir, tu n’as qu’à charger ton frère ». D’autres, libérés entre temps ont choisi cette voie. Pas moi, je sortirai tôt ou tard comme j’y suis entré, fidèle à mes valeurs », poursuit Grégory.
La suite du récit n’est pas reluisant : « Je n’étais plus un homme. J’étais un otage. Une monnaie d’échange pour faire plier mon frère. Une cible à abattre pour avoir eu l’affront de tenir tête au fils de la bête. J’ai été enfermé dans une cellule de 6 m², sans lumière, sans sortie. Isolé 24h/24. Privé de soins. Sans contact avec mes proches, ni même mon avocat. Traitements inhumains. Traitements dégradants. Pas un seul juge. Pas un seul interrogatoire. Pas un seul recours. Mes droits élémentaires ont été piétinés : droit à la défense, à la visite, à la santé. Pendant trois ans, je n’ai pas revu mon frère. Pendant quatre ans, je n’ai vu personne », rappelle-t-il.
Hypocrisie : les bourreaux pleurent aujourd’hui
Le soir du coup d’Etat du 30 août 2023, Noureddin Bongo, sa mère Sylvia Bongo Ondimba et bien d’autres hommes forts du pouvoir ont été arrêtés puis jetés à leur tour à la prison centrale où se trouvaient encore Gregory et son frère ainé Laccruche Alihanga.
Le fils et l’épouse du président Ali Bongo Ondimba ont passé prêt de 20 mois de détention. A leur sortie, ils ont évoqué un traitement inhumain et une violation massive de leurs droits.
« Ceux qui m’ont fait ça se plaignent aujourd’hui. Ils parlent de “traitement de chien”. Je leur réponds : vous nous avez traités comme des cafards », retorque Grégory Laccruche.
« Tortures psychologiques et physiques. Menaces sur mes proches. Tentatives de briser ma compagne. Rien ne nous a été épargné. Et pourtant, jamais ils n’ont dénoncé ces pratiques. Ils les ont couvertes. Ils les ont ordonnées », ajoute-t-il.
« Aujourd’hui, ils hurlent à l’injustice. Ils invoquent l’ONU, la France, les droits de l’homme. Ces mêmes institutions qu’ils méprisaient hier. Ironie ? Non. Cynisme pur », s’indigne l’ancien maire d’Akanda, une commune située dans le nord de Libreville.
Exfiltré du Gabon le 14 mai dernier, grâce à une médiation de l’Union africaine, Noureddin Bongo Valentin actuellement en Europe, n’a pas encore réagi publiquement aux affirmations de Gregory Laccruche Alihanga. L’ex maire soutient ne pas avoir soif de vengeance mais avide de vérité.
Camille Boussoughou
