Jeux en ligne : Exclusivité et soupçons d’opacité

En décidant d’accorder l’exclusivité à la société eTech SAS, le gouvernement, via le ministère de l’Intérieur, a donc fait un choix fort pour encadrer les jeux de hasard en ligne : centraliser tous les flux financiers via un agrégateur unique, eTech SAS. Cette décision actée par un arrêté ministériel pris le mois dernier, censée apporter plus de transparence et permettre à l’État de mieux suivre les recettes issues d’un secteur en pleine expansion, suscite des interrogations sur l’équité, la justice et la transparence. Quid du respect de la liberté d’entreprendre, des principes de concurrence (règles de l’OHADA et les critères de convergences dans l’espace CEMAC), ainsi que divers autres engagements pris en matière de souveraineté économique ?

Un article publié le 21 mai en cours dans la revue ‘’Finance numérique’’, sous la plume de Gwenaël Nzé de Souza, alerte en effet sur les conséquences économiques et juridiques de l’exclusivité accordée à eTech SAS. Cette société, créée seulement quelques semaines avant sa désignation officielle, a informé certains opérateurs de sa mission exclusive dès le 14 avril écoulé, soit dix jours avant la signature de l’arrêté ministériel. Un calendrier qui alimente les soupçons de collusion et de favoritisme.

L’article pointe aussi une possible violation des textes de l’OHADA sur la liberté de concurrence, ainsi que des principes constitutionnels gabonais relatifs à la liberté d’entreprendre. « L’initiative gouvernementale serait donc non seulement économiquement problématique, mais également juridiquement contestable », apprend-on.

Le ministre de l'Intérieur et de la sécurité, Hermann Immongault, ce 28 décembre à Libreville / Gabonactu.com
Le ministre de l’Intérieur et de la sécurité et de la décentralisation est interpelé © Gabonactu.com

Selon nos confrères de ’Finance numérique’’, plusieurs entreprises locales légalement installées, techniquement compétentes et entièrement financées sur fonds propres, risquent aujourd’hui de disparaître. Ces structures, qui emploient des gabonais, se retrouvent brutalement exclues du marché sans appel d’offres ni processus de sélection transparent.

Une décision qui semble aller à l’encontre des engagements du Président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguéma, qui affirmait en septembre 2023 vouloir promouvoir les compétences locales et renforcer la souveraineté économique. « Une circulaire présidentielle en date du 5 mai 2025 rappelle d’ailleurs la nécessité de soutenir les entreprises nationales dans les secteurs stratégiques », déplorent nos confrères.

S’appuyant sur l’exemple du Cameroun, le journal rappelle qu’en 2023, une tentative similaire d’instaurer un agrégateur unique dans les jeux en ligne avait été suspendue par la présidence après les protestations d’acteurs économiques et de la société civile. « Ce précédent montre qu’une intervention politique est possible pour éviter une concentration excessive du pouvoir économique », suggère-t-il.

Dans un communiqué officiel, en date du 20 mai 2025, le ministre de l’Intérieur, Hermann Immongault, a pourtant défendu la décision. « Le partenariat public-privé avec eTech SAS est légal, transparent et il vise à mieux encadrer un secteur jusqu’ici jugé opaque. Cette entreprise deviendra à terme entièrement gabonaise et emploie déjà à 95 % du personnel local », avait-il expliqué..

Mais ces explications n’apaisent pas les critiques. Pour nombre d’observateurs, ce modèle centralisé fragilise le tissu économique national et crée une distorsion manifeste de concurrence. Ils estiment qu’un système fondé sur la certification et la supervision de plusieurs agrégateurs aurait permis de concilier transparence des flux et développement d’un écosystème entrepreneurial gabonais.

M.-O. Mignonne, proposé par Luan Martinez et Nkili Akieme

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