Le matin du 30 août 2023, une grande majorité de Gabonais s’est réveillée d’une longue nuit pour passer vers la lumière. En effet, après 56 ans d’un règne ininterrompu, notre pays pouvait enfin entrevoir, dans la douceur, une alternance politique. Cette période exceptionnelle a ouvert un champ infini de possibles, une vaste espérance pour tout un peuple qui avait cessé de rêver pour Ré-inventer le réel. En ce petit matin du 30 août 2023, l’ensemble des compatriotes a adhéré à ce mouvement unique qui allait devenir celui de la Restauration des Institutions, la Restauration de la dignité de notre patrie et de nos valeurs profondes.
La Transition, débuté le 04 septembre 2023 par la Prestation de serment du Président de la Transition, le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema a tenu toutes ses promesses et nous voici aujourd’hui à l’étape cruciale du chronogramme établi par le CTRI et remis à la Communauté Internationale. Etape après étape, évaluation après évaluation, le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions est en train d’administrer une leçon de realpolitik sous nos yeux. Faire ce qu’on dit et dire ce qu’on fait et cela en 14 mois seulement, faut-il le rappeler.
La Libération, saluée par une frange importante de la population se poursuit et arrive à l’étape éponyme de son cheminement avec le double événement de l’adoption de la nouvelle Constitution par le peuple, ce qu’il faut bien appeler le premier vote démocratique de notre pays. La nouvelle République que nous avons tous appelée, de nos voeux, est sur le point de naître. Et tous nous devons être comme des parturientes et des sages femmes, pour faire accoucher, sans douleur et dans de très bonnes conditions, le nouveau Gabon. C’est la raison et l’objectif primordiaux du Référendum du 16 Novembre 2024 dont la campagne débute le 6 du même mois.
La nouvelle République et le nouveau Gabon doivent être notre émanation profonde. Nous devons de la sorte les porter en nous pour mieux les traduire en actes. Cela ne peut plus être ce que le Politiste Camerounais, Luc SINDJOUN désigne sous l’appellation ironique par L’Etat Ailleurs, un Etat importé, conçu par et pour une autre société, un autre peuple, d’autres héritages et imposé naguère à notre pays aux premières heures de notre indépendance de 1960. Nous sommes donc appelés à trancher sur le choix d’un nouvel avenir commun, choisi et non pas subi, construit à l’intérieur et jamais plus à l’extérieur
Depuis 64 ans (1960-2024), des institutions émanant d’un autre temps, d’un autre contexte historique et politique, c’est-à-dire celui de la Ve République française ont largement inspiré notre vivre ensemble, nos choix institutionnels , politiques et culturels. Le Dialogue National Inclusif (DNI) a permis, par des propositions audacieuses, autonomes et inclusives de repartir vers nos propres sources “parce que la possibilité pour toute société de se renouveler, d’accéder à une nouvelle étape créatrice dépend de deux choses. Premièrement, de sa capacité d’assimiler des influences étrangères et, deuxièmement, de sa possibilité de revenir à ses sources et de s’en instruire” (Edgar Morin).
Quand le père de la Ve République française, le Général Charles De Gaulle, prononce le 16 Juin 1946, son Discours de Bayeux, texte fondateur de la Constitution de 1958, ces mots qui allaient originer une nouvelle société: “Des Grecs, jadis, demandaient au Sage Solon: quelle est la meilleure Constitution? Il répondait: Dites-moi pour quel peuple et à quelle époque?”; évidemment c’est du peuple français dont il était question.
Aujourd’hui notre pays est à une période décisive de son histoire. Nos institutions, calquées sur cette Ve République française n’arrivaient plus à inventer notre avenir ni à gérer nos réalités sociales du présent. Elles ne sont pas seulement défaillantes, mais elles ne cadrent plus avec l’organisation de nos sociétés de plus en plus émancipées et inventives de leur propre modèle d’organisation sociale et de leurs propres aspirations profondes.
L’histoire nous a montré que chaque République fait naître, à des périodes spéciales, des Hommes exceptionnels, animés d’une volonté réelle de débloquer le pays et de le mettre sur la voie du progrès. C’est ainsi qu’en 1929, la société américaine était affaiblie par les conséquences désastreuses de la grande crise économique de la même année. Face au désastre, le Président Hoover déclara: “On a tout essayé…Nous sommes au bout du rouleau”.
Ce fut le moment choisi pour autoriser, 3 ans plus tard (1932), l’avènement d’un homme d’exception, en l’occurrence, le Président Francklin Delano Roosevelt. Avec son New Deal Il a redonné l’espoir et la foi à tout un peuple et au monde entier. On notera au demeurant qu’il sera précisément d’ailleurs le rare président américain à avoir été élu 3 fois. Ce fut aussi le cas, en France, en 1958, avec les instabilités gouvernementales de la IVe République et la Guerre d’Algérie pour l’avènement au pouvoir du Général de Gaulle.
Et dans le même ordre d’idée chez nous, le coup de Libération du Général Brice Clotaire Oligui Nguema a suscité et suscite encore un immense espoir qui ouvre des attentes et des nouvelles perspectives à la vérité, pour l’ensemble des Gabonais.
A chaque période particulière de la vie des grands Hommes, nous sommes instantanément et de façon lucide, portés par le jaillissement de nos réflexes et de cette forte propension à rompre avec l’ordre social ancien, pour déterminer notre avenir commun. Dans un article “Pour la Laïque”, extrait “De l’esprit du Socialisme”, Jean Jaurès exprime cette idée quand il fait l’apologie du socialisme, dans un discours qu’il prononce le 24 janvier 1910. Il dit en effet : “Ce n’est pas en vain que tous les foyers des générations humaines ont rayonné, mais c’est nous, parce nous marchons, parce que nous luttons pour un idéal nouveau, nous en avons pris la flamme”.
Oui, avec l’acte héroïque du 30 août 2023, nous avons allumé la flamme qui éclaire notre destin commun.
Après avoir massivement dit OUI au coup de Libération, il nous incombe de le confirmer, avec le OUI logique, le 16 novembre prochain. OUI pour un Gabon nouveau, OUI pour un Gabon Juste, OUI pour un Gabon Prospère. Nous disons OUI pour le Gabon que nous devons asseoir, découvrir et façonner. Mais d’abord à travers une réponse historique: le OUI au vote du projet de Constitution au Référendum.
La politique, nous dit l’académicien André Siegfried “est l’art de choisir entre les inconvénients”. Parfois, c’est Charybde et Scylla: d’un côté le risque d’un retour à l’ordre ancien, de l’autre, l’incertitude d’un mouvement improvisé, imprévisible et aux conséquences néfastes. C’est pourquoi le OUI est l’unique rempart pour le sauvetage de notre Démocratie et de notre nation libérées.
Il est vrai que la démocratie est universelle et la liberté de conviction autant que le libre arbitre de chaque républicain raisonnable sont respectés, tout comme chacun doit se déterminer pour ou contre la nouvelle Constitution. Les raisons avancées par les uns et les autres sont diverses. Je ne reviendrai pas sur celles-ci au risque de soumettre un pensum impertinent aux lecteurs. Mais je suis certain d’une chose, de 1960 jusqu’à aujourd’hui, les limites de l’ancienne gouvernance sont ostentatoires et l’état de dénuement de la société gabonaise parle comme entéléchie. On peut au demeurant, à ce sujet, en dire bien plus.
C’est pourquoi Notre OUI doit être massif, sans équivoque basé sur un nouveau contrat de confiance entre le peuple Gabonais et les nouvelles autorités militaires qui gouvernent depuis le 30 août 2023, avec 90% de civils et une grande détermination à construire et à rebâtir le tissu infrastructurel et économique du Gabon. Car comme le disait Sa Majesté Hassan II, dans l’ouvrage “La Mémoire d’un Roi”( Entretiens avec le Journaliste Eric Laurent), “la seule chose qui compte dans un référendum, c’est la volonté populaire et l’ampleur avec laquelle elle s’exprime”.
Nous avons d’abord su saluer, l’avènement de nos indépendances parce que c’était le premier chapitre de notre histoire contemporaine en temps qu’Etat, en tant que République. Nous avons ensuite salué l’avènement de la Démocratie en 1990 comme le deuxième chapitre de notre belle histoire, une histoire riche de compatriotes émérites qu’on ne saurait citer tous, mémorables, qui, dans la responsabilité et l’unité ont fait accroire l’idée démocratique dans notre habitus (Pierre Bourdieu). Et maintenant que les conditions historiques sont réunies pour entamer le troisième chapitre de notre histoire, celui d’une société réconciliée avec elle-même, retrouvant la signification profonde de la fierté d’être Gabonais, avec des hommes et des femmes confiants en leur avenir, nous devons le manifester avec vigueur, pour notre histoire, pour bâtir le futur de nos enfants et pour le rayonnement national et international du Gabon.
Entrons donc dans le train de l’histoire et de la nouvelle République pour que le OUI au Référendum annonce notre essor vers la Félicité.
Max-Olivier OBAME NDONG
Enseignant-Chercheur Université Omar Bongo