Université : le legs du palais Oyo à la jeunesse aux oubliettes ou enterré ? (Tribune libre)

Le statut de la résidence Oyo, nom de l’ancienne propriété privée d’Omar Bongo située dans le premier arrondissement de Libreville, a connu des rebondissements spectaculaires ces dernières années. Légué à la jeunesse gabonaise sur une promesse d’Ali Bongo en novembre 2015, ce palais était censé abriter un établissement d’enseignement public. Une université ou un institut. Où en est-on ?

Comme beaucoup d’autres annonces sous l’ancien régime, cette promesse reste encore lette morte. Il faudra attendre l’arrivée du CTRI pour entériner son passage dans le domaine étatique en tant que parc animalier. Un acte fort du Président de la transition en faveur de la préservation de l’environnement. Sauf que la problématique de l’insuffisance des structures d’enseignement publiques au Gabon vient remettre au goût du jour la promesse formulée par le Président déchu. Aussi bien au secondaire qu’au supérieur, les établissements publics semblent complétement débordés par les flux scolaires. Ce qui oblige l’Etat à redoubler d’ingéniosité. D’où l’idée d’ériger la résidence Oyo en cité de l’Education.

Désengorger les structures existantes

Une des rares promesses d’Ali Bongo à avoir fait l’unanimité, la conversion du palais Oyo en établissement public continue de faire parler d’elle. Et pour cause, cette résidence intégrée dans le domaine public par le CTRI représente une réelle opportunité de bâtir une cité éducative aux normes internationales. Fort de ses implantations, le site permettra de désengorger les structures publiques existantes. En effet, malgré les efforts perceptibles depuis l’arrivée au pouvoir du Général Brice Clotaire Oligui Nguema, l’Etat doit encore faire face à la problématique des effectifs pléthoriques.

Michel Ndong Esso

Au secondaire comme au supérieur, l’enseignement public accuse toujours un déficit criard en termes de capacité d’accueil. Une conséquence directe de la gouvernance calamiteuse sous Ali Bongo, marquée par l’absence d’investissements conséquents dans la construction et la réhabilitation des établissements. Ainsi, une bonne partie des 54 OOO élèves orientés en sixième en 2024 est dirigée dans les établissements privés laïcs et confessionnels. Un cran au-dessus, 6000 étudiants parmi les 22 000 bacheliers enregistrés en 2024 ont été orientés vers les structures non-étatiques, soit un taux de 30 %. Pour tenter de redresser la pente, les nouvelles autorités doivent saisir l’opportunité offerte par le palais Oyo. En plus de désengorger les universités existantes, ce site offre une architecture qui n’a rien à envier aux plus beaux campus universitaires d’Afrique. Même côté finance, il représente une bien meilleure option.

Réduire les dépenses de l’Etat

Sans nul doute, la transformation de la résidence d’Oyo en cité de l’éducation permettra au Gouvernement de réaliser des économies. Ce n’est un secret pour personne, l’orientation des élèves et des étudiants dans les structures privées coûte excessivement à un Etat qui dépensera 100 milliards de FCFA en 2024 pour les allocations d’études. Selon certaines archives consultées, la dette de l’Etat vis-à-vis des établissements privés laïcs et confessionnels aurait franchi la barre du milliard depuis 2021. Ajouté aux impayés dus aux établissements supérieurs privés, la situation représenterait à l’heure actuelle un goulot d’étranglement pour le contribuable. A telle enseigne que le Gouvernement

cumule plusieurs années d’impayés. Ce qui entache sérieusement sa crédibilité vis-à-vis des partenaires. Parallèlement, le nombre d’élèves orientés dans ces structures privées a littéralement explosé au cours des cinq dernières années. Dos au mur, l’Etat doit faire preuve d’ingéniosité et de courage pour réduire sa dépendance vis-à-vis des structures privées. Au regard de ses moyens limités, la conversion de la résidence 0yo en cité de l’éducation serait une vraie bouée de sauvetage. En temps et en moyens, le réaménagement de ce site public coûtera beaucoup moins à l’Etat. Mais ce n’est pas tout.

Un don d’Omar Bongo à titre posthume

Au-delà des aspects ci-dessus évoqués, la cession de la résidence Oyo à la jeunesse gabonaise a aussi un enjeu politique majeur. Au centre de toutes les intrigues politico-financières pendant leur long règne, les Bongo n’ont pas forcement laissé de bons souvenirs à la postérité. A tort ou à raison, une grande frange de l’opinion les tient responsables des maux qui accablent les citoyens au quotidien. Soupçonnés d’avoir spolié les générations futures, leurs propriétés privées sont généralement considérées comme des biens mal acquis. Comme il fallait s’y attendre, le renversement d’Ali Bongo a permis à l’Etat de récupérer certains de ces biens. Il en est ainsi du palais Oyo, récemment intégré dans le patrimoine public par le CTRI. Par cet acte, les nouvelles autorités ont un tant soit peu restitué au peuple ce qui lui revient de droit. Principale victime de la mal gouvernance des Bongo, la jeunesse gabonaise est donc endroit d’hériter de ce site en guise de réparation. C’est le moins qu’elle puisse exiger au regard du préjudice subi. Mieux encore, la conversion du palais Oyo en cité de l’éducation constituerait un don précieux d’Omar Bongo à titre posthume à cette jeunesse sacrée qu’il a tant scandée dans ses discours. Une manière subtile de rétablir la mémoire de l’ancien Chef de l’Etat.

Michel Ndong Esso, Enseignant de philosophie, analyste politique et citoyen engagé

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