Romuald Assogho Obiang : Vite, un autre Comité constitutionnel national !

« La Constituante propose 801 amendements au projet de Constitution. Voilà qui dégage le peuple de sa paternité alléguée et pourrait tirer le CTRI d’affaire. Preuve s’il en fallait que le projet constitutionnel n’est pas l’émanation du peuple gabonais, le parlement de la transition vient de désavouer ceux qui (en cocarde tricolore notamment) n’avaient eu de cesse de lui en imputer la paternité sur la seule base des contributions au Dialogue national inclusif », a asséné dans sa dernière tribune, consultée sur son compte Facebook, l’enseignant-chercheur à l’Université Omar Bongo, Romuald Assogho Obiang. Réputé pour ses analyses au vitriol sur la gouvernance de la transition, chaque fois assorties de pertinentes propositions sur la construction des passerelles ouvrant sur la nouvelle république, Romuald Assogho Obiang alerte sur l’urgence de la mise en place d’un autre Comité constitutionnel national qui aurait pour base de travail la Constitution du 26 mars 1991. Morceaux choisis !

Devant le tollé suscité par la mouture du projet de constitution soumis à l’examen de la constituante et en considération de l’avalanche des amendements et avis motivés qui en sont issus, Romuald Assogho Obiang estime que « les autorités de la Transition seraient bien inspirées de tirer les conséquences de cette tournure des choses. Au risque de paraître faire un doigt d’honneur à la démocratie, à la représentation nationale et, par ricochet, à la nation elle-même ».

L’universitaire croit savoir que « le projet de constitution présidentielle ‘’rigide’’, assorti d’un mandat de 7 ans n’émane pas des contributeurs au DNI, mais a été concocté des semaines avant son ouverture par deux universitaires connus pour en avoir fait la promotion dans les médias, probablement sous la férule d’un mentor tapi dans les arcanes du pouvoir », déplore-t-il.

« Tout citoyen capable d’entendre raison et de se projeter au-delà de son nombril conviendra facilement que ce projet de constitution indigeste dans sa forme autant qu’il est dangereux dans sa substance qui vient de se voir logiquement décerner la mention ‘’à revoir’’ par le Parlement de la transition ne peut pas valablement servir de fondement à la nouvelle République que les Gabonais appellent de leurs vœux et à laquelle les militaires se sont eux-mêmes engagés », a chahuté Romuald Assogho Obiang.

Au sujet des critères d’éligibilité à la présidence de la république, avec l’esprit didactique et incisif qu’on lui connait, l’universitaire s’est interrogé si ces conditions auraient été proposées si le Président de la Transition avait été ‘’né d’un parent non-Gabonais’’, avait été ‘’âgé de 33 ans ou de 68 ans’’, avait été ‘’célibataire ou marié à une conjointe d’origine étrangère’’, avait été sur ‘’fauteuil roulant’’, ‘’ne parlait pas le ‘’Téké’’, ou était fraîchement ‘’rentré de l’étranger’’. « Tout comme il est permis de douter que mes parents du Septentrion et du Sud-est du Gabon auraient été en première ligne dans la campagne pour le ‘’oui’’ et pour la candidature du concerné s’il avait été fils de parents Punu, Massango, Vili ou Varama », a-t-il ironisé.

Alors que faire ? Romuald Assogho Obiang pense que le président de la transition « n’est pas capable de donner sa caution à une constitution fourre-tout, sans genre ni âme, qui légalise et légitime inutilement une autocratie présidentielle en même temps qu’elle instaure la ségrégation civique et politique des Gabonais. Je le vois encore moins admettre que l’horizon politique des siens soit subitement limité par un plafond de verre créé artificiellement et de manière opportuniste », a-t-il expliqué.

Pour lui, les 801 amendements de la Constituante pourraient offrir à Brice Clotaire Oligui Nguéma une opportunité pour ordonner la rectification de la trajectoire de la réforme institutionnelle qui remettrait le CTRI au diapason du peuple souverain. Ils offrent parallèlement une porte de sortie.

L’urgence passerait aux yeux de Romuald Assogho Obiang, par l’institution d’un autre Comité constitutionnel, consultatif cette fois, qui leur donnerait un autre avis circonstancié, sinon alternatif, en un laps plus court mais en partant de la Constitution du 26 mars 1991. « Un Comité consultatif comprenant des Gabonais désintéressés, familiarisés avec les questions constitutionnelles, connaissant l’histoire politique et institutionnelle du Gabon, au fait des enjeux liés à l’appartenance de ce pays à la communauté internationale et à son inscription vers le progrès, et au-dessus de tout soupçon de connivence avec le Président de la Transition », a argumenté l’universitaire.

« Je verrais ce Comité présidé par Paul Malékou, homme politique, ancien ministre et témoin politique depuis les années 1960, contributeur à la Constitution du 26 mars 1991 », a-t-il suggéré.

Alph’-Whilem Eslie

*Ci-dessous, l’intégralité de la tribune de Romuald Assogho Obiang

La Constituante propose 801 amendements au projet de Constitution. VOILÀ QUI DÉGAGE LE PEUPLE DE SA PATERNITÉ ALLÉGUÉE ET POURRAIT TIRER LE CTRI D’AFFAIRE

Preuve s’il en fallait que le projet constitutionnel n’est pas l’émanation du peuple gabonais le Parlement de la Transition vient de désavouer ceux qui (en cocarde tricolore notamment) n’avaient eu de cesse de lui en imputer la paternité sur la seule base des contributions au Dialogue « national inclusif ».

801 amendements retenus pour 194 articles, ce n’est pas rien.

À en croire le député Jean-Valentin Léyama il y en aurait eu bien plus si ses amendements additionnés à ceux de sept de ses collègues n’avaient été censurés. Sans parler des observations en forme de mises en garde soumises par le Barreau du Gabon.

En tout cas c’est bien plus qu’il n’en faudrait pour invalider un texte aussi lourd de conséquences que peut l’être la loi fondamentale d’un pays.

Je n’aurai personnellement pas la cruauté de demander à ceux des parlementaires qui s’étaient lancés sur les chapeaux de roues dans une campagne précoce pour le « oui » d’être conséquents avec eux-mêmes et envers la nation en rendant élégamment leur cocarde et, le cas échéant, les médailles reçues en témoignage d’un service prétendument rendu à la nation.

Le plus exubérant d’entre eux aurait beau jeu de me taxer d’aigri. Lui qui, du haut de sa superbe digne de Chantecler, le coq de Rostand qui croit faire se lever le soleil parce qu’il dispense des places au perchoir, ne se prive pas de condescendance à l’égard des Gabonais encore attachés aux vertus du débat contradictoire à l’ère du CTRI.

En revanche, les autorités de la Transition seraient bien inspirées de tirer les conséquences de cette tournure des choses. Au risque de paraître faire un doigt d’honneur à la démocratie, à la représentation nationale et, par ricochet, à la nation elle-même

Signe que le CTRI n’est pas commanditaire

Mais en est devenu le maître d’ouvrage (probablement à son corps défendant), le projet de Constitution a fait l’objet de tellement de retouches, d’excisions, d’adjonctions, de superpositions et de replâtrages (autant incités par les critiques du public qu’inspirés par un butinage normatif hasardeux) que la mouture qui a transité par le bloc opératoire de l’assemblée constituante fait penser au Monstre de Frankenstein, un mort-vivant créé par un jeune médecin du même nom par assemblage de morceaux de chair prélevés sur plusieurs cadavres.

De l’avis de Maître Paulette Oyane Ondo (avocate, ancienne ministre et député, connue pour son intérêt pour les libertés publiques et les processus politiques) il n’est pas possible de trouver texte juridique « aussi mauvais ».

Moi-même qui n’ai ni la qualité ni la prétention d’être constitutionnaliste ai été pris de vertige en entreprenant d’éplucher le document disséminé sur les réseaux sociaux devant tant de non-sens, de contresens, de contradictions et d’incongruités.

Je passe la coexistence au sein de l’exécutif d’un Président de la République et d’un vice-président du gouvernement responsable devant le Parlement, puis finalement d’un Premier ministre n’ayant pas la qualité de chef du gouvernement mais présidant les conseils interministériels. Le tout sous une constitution dite présidentielle.

Je passe la confusion entre les concepts de responsabilité pénale et de responsabilité politique

Je passe la définition du Gabon comme État unitaire décentralisé (censée compenser le fédéralisme dans l’esprit des rédacteurs) qui relève de la fiction pure quand on songe que même la France, pays de loin plus décentralisé que le Gabon, n’en a pas la prétention à l’inverse de l’Espagne et de l’Italie qui, elles, sont rangées à raison dans la catégorie des États décentralisés.

Tout citoyen capable d’entendre raison et de se projeter au-delà de son nombril conviendra facilement que ce projet de constitution indigeste dans sa forme autant qu’il est dangereux dans sa substance qui vient de se voir logiquement décerner la mention « à revoir » par le Parlement ne peut pas valablement servir de fondement à la nouvelle République que les Gabonais appellent de leurs vœux et à laquelle les militaires se sont eux-mêmes engagés.

Diantre, comment et pourquoi en arriverait-on à affirmer crânement que 38000 personnes individuellement douées de raison (en réalité 1300 pour les Institutions politiques) ont toutes prôné les mêmes valeurs, les mêmes principes, les mêmes modalités et les mêmes dispositions ?

Par quelle élasticité intellectuelle et éthique jugerait-on 1300 contributeurs représentatifs d’un peuple de près de 3 millions d’âmes, pour autant que tous auraient pu faire un choix identique ?

Trêve de duperie !

Il est temps d’avouer que le projet de Constitution a été machiné par des marionnettistes aux desseins divers, mais convergents, avant d’être ouvré par de petites mains plus ou moins expertes, puis d’être vendu au public à grand renfort de francs-tireurs.

Apparemment ignorants des tenants et aboutissants du projet de régime « présidentiel rigide » proposé, et souvent peu versés sur les questions de droit constitutionnel et de systèmes politiques, ces derniers ont été préposés à régurgiter un argumentaire prêt-à-porter fait de formules du genre « avec 38000 contributions c’est le peuple lui-même qui a décidé », « il faut arrêter l’hypocrisie institutionnelle », « il faut supprimer le Premier ministre qui n’a jamais gouverné et n’a été qu’un fusible », « le modèle français a montré ses limites », « le régime semi-présidentiel n’a cours nulle part ailleurs qu’en France et en Françafrique », « chaque peuple a le droit de choisir la forme, les principes de gouvernement et les conditions de citoyenneté qui lui correspondent », « le pays a besoin d’institutions fortes », « les militaires ont fait en quelques mois ce que le régime déchu a été incapable de faire en 14 ans », «imaginez ce dont les militaires seraient capables avec un mandat de 7 ans X 2 », etc.

Quiconque a suivi de près le déroulement des travaux du DNI se rappellera que la sous-commission « Régime et institutions politiques » a siégé dans le huis-clos et l’opacité.

Pour cause le projet de constitution présidentielle « rigide » assorti d’un mandat de 7 ans n’émane pas des contributeurs au DNI, mais a été concocté des semaines avant son ouverture par deux universitaires connus pour en avoir fait la promotion dans les médias, probablement sous la férule d’un mentor tapi dans les arcanes du pouvoir.

Un des deux « constituants » dont je tais le nom par pudeur courtoise avait même prôné la réduction autoritaire du nombre des partis politiques et le regroupement de ceux-ci en blocs idéologiques plusieurs mois avant la prise du pouvoir par les militaires.

D’ailleurs lui et moi avions eu sur un forum virtuel des échanges parfois vifs devant des dizaines de témoins au sujet de ce dernier aspect comme au sujet de son présidentialisme « façon-façon ».

Les conditions d’éligibilité à la présidence

Si elles ont bien été amplement débattues au DNI, résultent d’un cocktail dont les ingrédients sont : 1) un esprit revanchard contre les Alistes de la dernière heure; 2) le souhait (sincère mais empreint de naïveté et de méconnaissance du droit gabonais et comparé en la matière) de réserver la magistrature suprême aux Gabonais authentiquement patriotes; 3) un subterfuge pour assurer au PT une victoire sans coup férir à la présidentielle; 4) la volonté des uns à (continuer de) s’arroger les meilleurs morceaux du sanglier que Paul Mba Abessole, Pierre Mamboundou, Mba Obame, Jean Ping et Albert Ondo Ossa avaient manqué de terrasser ; et 5) un réflexe purement ethnocentrique.

Nul besoin de se demander si ces conditions auraient été proposées si le Président de la Transition avait été né d’un parent non-Gabonais, avait été âgé de 33 ans ou de 68 ans, avait été célibataire ou marié à une conjointe d’origine étrangère, avait été sur fauteuil roulant, ne parlait pas le Téké, ou était fraîchement rentré de l’étranger.

Tout comme il est permis de douter que mes parents du Septentrion et du Sud-est du Gabon auraient été en première ligne dans la campagne pour le « oui » et pour la candidature du concerné s’il avait été fils de parents Punu, Massango, Vili ou Varama.

Le cas échéant nous serions bel et bien en présence d’une contravention au Communiqué N° 062 du CTRI relatif à ce que Gabonreview nomme « l’hydre identitaire ».

Alors, que faire ?

Je sais reconnaître un homme qui aime les gens, aime sa famille et, surtout, aime ses enfants. Et je sais pour sûr que le Président de la Transition est de cette race d’hommes, comme je crois l’être moi-même.

Je ne le pense pas capable de donner sa caution à une constitution fourre-tout, sans genre ni âme, qui légalise et légitime inutilement une autocratie présidentielle en même temps qu’elle instaure la ségrégation civique et politique des Gabonais.

Je le vois encore moins admettre que l’horizon politique des siens soit subitement limité par un plafond de verre créé artificiellement et de manière opportuniste.

Les 801 amendements de la Constituante pourraient lui offrir une opportunité pour ordonner la rectification de la trajectoire de la réforme institutionnelle qui remettrait le CTRI au diapason du peuple souverain. Ils offrent parallèlement une porte de sortie :

– premièrement, à lui-même qui est certainement partagé entre obtempérer à la voix de la raison qui, d’une part, lui commande de faire machine arrière et, d’autre part, écouter les musiciens du Titanic en perdition continuant de jouer du violon afin de bercer les passagers de l’illusion d’une survie qui n’arrivera pas ;

– deuxièmement, aux nombreux institutionnels de la Transition qui se retrouvent devant le dilemme cornélien d’avoir à choisir entre servir la Transition, témoigner leur loyauté envers son chef, et de ce fait sacrifier les valeurs auxquelles ils adhérent ainsi que l’ambition à laquelle eux-mêmes et leur progéniture ont droit.

Rien ne s’oppose à ce que les autorités de la Transition mettent à l’ouvrage un autre Comité constitutionnel, consultatif cette fois, qui leur donnerait un autre avis circonstancié, sinon alternatif, en un laps plus court mais en partant de la Constitution du 26 mars 1991.

UN COMITÉ CONSULTATIF comprenant des Gabonais désintéressés, familiarisés avec les questions constitutionnelles, connaissant l’histoire politique et institutionnelle du Gabon, au fait des enjeux liés à l’appartenance de ce pays à la communauté internationale et à son inscription vers le progrès, et au-dessus de tout soupçon de connivence avec le Président de la Transition.

Je verrais ce comité présidé par Paul Malékou, homme politique, ancien ministre et témoin politique depuis les années 1960, contributeur à la Constitution du 26 mars 1991.

Avec comme membres des compatriotes tels que Pierre-Claver Maganga Moussavou (homme politique, chef de parti, longtemps ministre, ancien Vice-Président de la République, témoin de l’élaboration de la Constitution du 26 mars 1991 et acteur de tous les dialogues politiques depuis les Accords de Paris), Maître Paulette Oyane Ondo, Alexis Essono (publiciste, Doyen de la Faculté de droit et de sciences économiques), Kévin Djimba (publiciste, administratif, longtemps membre du bureau de la Commission de l’Union africaine pour le droit international), Alfred Nguia Banda (juriste, haut commis de l’État, membre de la diaspora gabonaise de France), Geoffroy Foumboula (parlementaire de la Transition et membre de la société civile qui s’illustre par son sens républicain élevé), Jean-Christophe Nze Bitéghé (Constitutionnaliste, Directeur de la bibliothèque de la Cour constitutionnelle et dépositaire de la mémoire constitutionnelle nationale de ces vingt derniers années), Raphaël Bandega-Lendoye (juriste, universitaire, parlementaire de la Transition), un juge de la Cour constitutionnelle parmi les plus anciens, entre autres personnes ressources.

Le Gabon le vaut bien.

Romuald ASSOGHO OBIANG

Enseignant-Chercheur à l’Université Omar Bongo

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