Recours excessif aux ordonnances : une porte ouverte aux abus donnés par cette liberté ? (Tribune libre)

AU TITRE DES PROJETS DE TEXTES LÉGISLATIFS ET RÈGLEMENTAIRE, le conseil des ministres a délibéré sur le projet de loi autorisant le président de la transition, Président de la République, chef de l’Etat à légiférer par ordonnance pendant l’intersession Parlementaire.

Cela habilite donc le Président de la République à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine du Parlement.

Fort de ce constat, on est tenté de se poser la question de savoir si le Président de la transition, Président de la République, chef de l’Etat doit – il prendre par ordonnance des mesures relevant du parlement dans tous les domaines de la loi ?

 Les ordonnances et les lois d’habilitation doivent faire l’objet de contrôle juridictionnel.

La demande d’habilitation doit être justifiée. La loi d’habilitation doit limiter le délai d’habilitation et les compétences du Président de la République.

Une ordonnance est un acte pris par le Président de la République, dans un domaine qui relève normalement du parlement.

Le Président de la République doit-il prendre par ordonnance des mesures relevant dans tous les domaines de la loi ?

Conformément à l’article  52 de la loi n: 03/91 du 26 Mars 1991 portant Constitution de la République Gabonais, ce dernier peut en effet prendre par ordonnance des mesures relevant normalement du domaine de la loi afin de faire face aux besoins d’ordre économique, budgétaire, sécuritaire et sanitaire.

Les ordonnances et les lois d’habilitation doivent faire l’objet de contrôle juridictionnel. Tout acte juridique, en principe , peut faire l’objet de contrôle juridictionnel dans les conditions prévues par la loi.

Les ordonnances ayant un caractère réglementaire, c’est-à dire n’ayant pas encore été ratifiées par le parlement sont contrôlées par le Juge Administratif. C’est ainsi que toute personne ayant un intérêt à agir peut saisir le juge administratif.

Les ordonnances ayant un caractère législatif, c’est-à dire ayant fait l’objet de ratification par le parlement et les lois d’habilitation sont contrôlées par le juge constitutionnel. Il vérifie leur conformité à la Constitution soit par voie d’action (Président ou parlementaire) soit par voie d’exception (tout citoyen à l’occasion d’un litige).

La demande d’habilitation doit non seulement être justifiée mais doit également limiter le délai d’habilitation et les compétences du Président de la République.

Cependant, la loi d’habilitation doit fixer les limites de temps et de compétence. Les limites de temps concernent : le délai pendant lequel le Président est autorisé à prendre, par ordonnance, des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi.

Aussi le délai au cours duquel, les ordonnances ayant été publiées, le Gouvernement doit déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification afin d’éviter que celles-ci ne deviennent caduques.

Les limites de compétence doivent se faire comme suit : la loi d’habilitation doit définir les compétences dévolues au Président de la République. Cette définition implique que ce dernier n’exerce lesdites compétences que dans les limites de l’habilitation.

Le domaine de la Loi comporte plusieurs matières, la loi d’habilitation doit préciser les matières sur lesquelles le Président a compétence de légiférer.

Mais en République Gabonaise, la LOI D’HABILITATION AU LIEU DE DÉFINIR LES COMPÉTENCES du PRÉSIDENT, se borne à dégager uniquement l’objet de l’habilitation. En France par contre, la loi organique, la loi de Finances y compris la loi de financement de sécurité sociale sont exclues du domaine d’habilitation.

A cet effet, cette loi est une porte ouverte au Président de la République. Il n’y a aucune raison légitime de bouleverser la séparation des pouvoirs, qui est le fondement de notre démocratie en octroyant la possibilité au Président de la République de légiférer sur tous ces domaines. Le recours aux ordonnances ne méconnait pas cette assertion car étant bien encadré par la Constitution.

La Cour constitutionnelle française l’a rappelé dans la décision du 22 juillet 2005 en affirmant que le domaine dans lequel l’ordonnance pourra intervenir doit être défini « avec une précision suffisante pour satisfaire aux exigences » de l’Etat de droit.

Toutefois, si la Constitution fait obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention, « il n’impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu’il prendra en vertu de cette habilitation.

A Ondo Edou, Juriste en droit public

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