Mahamat Idriss Déby Itno (dit MIDI) qui prête serment ce jeudi 23 mai, rempile donc pour un nouveau bail de cinq (5) ans à la tête du Tchad. Le Conseil constitutionnel a confirmé jeudi dernier, les résultats le donnant vainqueur (61%) de la présidentielle du 6 mai, devant l’opposant Succès Masra (18%), au terme d’un processus électoral contesté et chahuté de toutes parts. C’est peu dire. Après trois (3) ans de transition, ‘’Kaka’’ ainsi qu’aiment à l’appeler ses proches et supporteurs, prolonge ainsi bail à la tête de la république du Tchad que son prédécesseur et père, presque homonyme, Idriss Déby Itno, a dirigé d’une main de fer 21 ans durant, de 1990 à 2021.
Les conditions d’organisation de la dernière élection présidentielle au Tchad, surtout la rapidité avec laquelle les résultats provisoires ont été annoncés, seulement trois (3) jours après le vote, le 9 mai dernier, par l’Agence nationale de gestion des élections (L’ANGE), a surpris et pris de cours les acteurs et protagonistes dans ce scrutin, ainsi que de nombreux éditorialistes sur le continent.
Alors qu’elle disposait de 15 jours au moins, l’ANGE (l’acronyme ne s’invente pas) a plutôt fait les choses à la vitesse de l’éclair, dans un immense pays d’une superficie de 1 284 000 Km2, près de 6 fois plus grand que le Gabon. Un pays qui n’est pas toujours réputé pour la qualité de son réseau routier et où les équipements de technologies de l’information et de la communication sont loin d’être les plus à jour et les plus performants sur le continent.
A la fin d’un faux suspense, le Conseil constitutionnel, également nommé par le pouvoir, a fini par confirmer jeudi 16 mai écoulé, ces résultats avec un Mahamat Idriss Déby Itno qui est apparu dans la foulée triomphaliste et satisfait lors d’une soirée de réjouissance.
L’ancien et nouveau président a, en compagnie des responsables de la coalition pour un Tchad uni qui l’a soutenu lors du scrutin présidentiel, annoncé sans détour et fausse modestie, l’exclusion de la gestion de la chose publique de tous ceux qui ne font pas partie de sa galaxie politique pour les cinq (5) prochaines années, « pas de gouvernement d’union nationale », a martelé le fils Déby.
Ceux qui connaissent les réalités et les clivages socio-ethniques dans ce pays d’Afrique Centrale, ont des raisons objectives pour craindre que ce soit reparti pour un nouveau cycle de traversée du désert, d’une gouvernance brutale et non inclusive, au détriment des populations du sud du Tchad (chrétiens et animistes en majorité), laissées à la lisière du pouvoir et du partage d’immenses richesses de ce pays, tenus par les ressortissants du nord du Tchad, d’obédiences musulmanes.
Il y a fort à craindre que le supplice se prolonge au-delà du quinquennat à venir, d’autant qu’au Tchad le Président est ‘’en principe’’ élu pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois et que l’actuel locataire du ‘’Palais rose’’ a encore la possibilité de se porter candidat en 2029.
Selon de nombreux éditorialistes qui ont opiné sur les velléités de la famille Déby de faire du pouvoir ‘’une affaire clanique et familiale’’, il n’est pas exclu qu’un ‘’tripatouillage de la constitution’’ n’intervienne d’ici avant la fin du second mandat ‘’déjà acté’’ croient ils savoir, pour assurer une présidence à vie aux Déby. Tout se passera sans que ni la CEEAC ni l’Union Africaine, réduites en spectatrices, ne donnent de la voix. Le modèle togolais servant désormais de cas d’école sur le continent.
Quid de l’avenir de Succès Masra ?
Au Tchad comme à l’extérieur de nombreuses investigations, chroniques et éditoriaux abondent pour affirmer que Succès Masra, le candidat du parti Les Transformateurs et auteur d’une campagne électorale particulièrement séduisante, a fort probablement été le véritable vainqueur de la présidentielle du 6 mai dernier.
Vraisemblablement résigné ou peut-être aussi par stratégie, l’opposant dit avoir épuisé ses recours juridiques, après avoir rejeté et contesté les résultats de l’ANGE, a regretté que le Conseil constitutionnel ait refusé de statuer sur le fond de sa requête. Le premier ministre sortant (démissionnaire) a appelé ses concitoyens à « rester pacifiques et à ne pas céder à la provocation de ceux qui veulent une nouvelle fois endeuiller les familles ».
Cette posture de Masra interroge plus d’un sur l’avenir politique de ce charismatique leader et tête de file de l’opposition tchadienne, dont de nombreux observateurs se demandent si le président des Transformateurs doit à nouveau choisir la route de l’exile pour se mettre à l’abri de l’inévitable brutalité et agressivité des tenants du pouvoir de N’Djaména ou s’il doit collaborer ?
D’autres encore avec un peu de recul, se posent la question de savoir si le retour négocié de Succès Masra, au terme des accords de Kinshasa, et le poste de premier ministre, n’étaient pas qu’un stratagème servant à crédibiliser la présidentielle que le pays allait alors organiser ? Même si l’opposant l’a toujours démenti.
Féeodora Madiba