Tué par balle lors d’une attaque par une bande armée au nord du Mali, le journaliste Abdoul Aziz Djibrilla incarnait le combat des journalistes locaux pour informer dans une zone de conflits. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités maliennes de ne pas passer sous silence l’assassinat du journaliste de la radio communautaire, canal majeur d’information au Sahel, et de tout mettre en œuvre pour retrouver les responsables, qui ont aussi pris en otage deux de ses confrères.
Titulaire d’un diplôme en littérature anglaise, Abdoul Aziz Djibrilla a été piqué par le virus du journalisme. À la fin de ses études, cette année, il a rejoint la radio communautaire Naata (“espoir” en songhaï) – l’une des plus anciennes stations de radios communautaires de la région – dans le village de Labbezanga, à près de 200 kilomètres au nord de Gao, non loin de la frontière entre le Mali et le Niger. Il y présentait le journal d’information en songhaï, l’une des langues parlées dans la zone et réalisait également des reportages très populaires auprès des auditeurs. Abdoul Aziz Djibrilla souhaitait plus que tout continuer à se former au journalisme. Il s’était inscrit à un atelier destiné aux professionnels des médias de la région à Gao. Il n’y parvint jamais. La vie du jeune journaliste s’est brutalement arrêtée le 7 novembre 2023. Il avait 28 ans.
Le véhicule avec lequel il se rendait à Gao a été attaqué par une bande armée, qui n’a pas été identifiée à ce jour. Lui a été tué sur le coup. Deux de ses confrères, le directeur et l’animateur de Radio Coton Ansongo – Saleck Ag Jiddou, dit Zeidane et Moustapha Koné – ont été enlevés.
“La mort de ce jeune journaliste de la radio communautaire Nataa, déterminé à poursuivre une carrière au service du droit à l’information, illustre tristement les dramatiques conditions d’exercice des professionnels des médias au Nord-Mali et dans toute la vaste région du Sahel. RSF salue le travail d’Abdoul Aziz Djibrilla et rappelle que son assassinat ne saurait être passé sous silence. Nous demandons aux autorités maliennes de le dénoncer publiquement, d’ouvrir une enquête, de trouver les responsables et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les deux journalistes enlevés soient retrouvés.” a déclaré Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
“Un journaliste très apprécié”
À Labbezanga, ce n’est pas seulement le personnel de la radio communautaire qui pleure son collègue. Ses confrères de Gao et des localités voisines qui le connaissaient se rappellent du professionnalisme d’un “soldat de l’information de proximité’’, selon le journaliste reporter d’images Bakary Sidibé, basé à Gao, qui précise : “Abdoul Aziz était un journaliste très apprécié”. Il se fait également l’écho de l’inquiétude de ses confrères sur le sort des deux autres reporters toujours entre les mains de leurs ravisseurs.
Le journaliste Birama Konaré, basé dans la capitale malienne Bamako, salue, quant à lui, le courage de ses confrères des régions du nord, où sévissent des groupes armés, et s’inquiète pour eux : “Très peu de personnes se soucient de leur sécurité. Ils vivent dans un environnement hostile.” Le journaliste et secrétaire général de l’Union nationale des journalistes du Mali (UNAJOM) Daouda Konaté, poursuit : “Ils sont le plus souvent pris à partie par les groupes armés pour n’avoir pas relayé leur message ou tout simplement parce qu’ils font leur travail de journaliste. Ce fut le cas de cette attaque lâche.” Dans ce contexte, les radios communautaires, comme Nataa où travaillait Abdoul Aziz Djibrilla, sont d’une utilité majeure, produisant des programmes d’information de proximité accessibles aux populations locales.
“Il faut saluer, ajoute Daouda Konaté, le courage et la détermination de ces hommes et femmes des médias qui travaillent dans les zones reculées et abattent d’ailleurs un travail formidable d’information et de sensibilisation des populations pour le retour de la paix et de la cohésion sociale au sein de leurs communautés.” Abdoul Aziz Djibrilla en était un soldat infatigable.
Le Mali occupe la 113e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.
Source : RSF