Jean François Ntoutoume Emane durant sa conférence de presse le 15 septembre 2018 @ Gabonactu.com
Libreville, 16 septembre (Gabonactu.com) – L’ancien Premier ministre gabonais, Jean François Ntoutoume Emane, a, dans une conférence de presse, samedi à Libreville dans son fief de Lalala (5ème arrondissement), démenti avoir détourné de l’argent ou bénéficié de retro-commissions sur le dossier de construction du grand marché de Libreville pour lequel il a été longuement entendu au B2 le 12 septembre dernier.
« Il n’y a jamais eu de décaissements, donc il ne pouvait y avoir de détournements ni de retro commissions », a hurlé l’ancien Maire de Libreville présentant à la presse une lourde documentation sur ce projet dont il était le principal artisan.
L’ancien maire de Libreville a longuement été entendu au B2 (service de contre ingérence) durant près de 7 heures le 12 septembre dernier sur ce dossier.
« Ils m’ont bien reçu. Ils étaient courtois. Mais sur les trois personnes qui m’interrogeaient, il y a un qui jouait au bouledogue », a-t-il témoigné en précisant qu’il était entendu dans une petite pièce très climatisée et a subit une « inquisition » à la place d’un interrogatoire.
Durant la conférence de presse aux allures de meeting, Jean François Ntoutoume Emane s’est attardé à faire la genèse de ce projet qui devait révolutionner les marchés du Gabon.
En 2009, Omar Bongo Ondimba confie au maire de Libreville le projet de construction d’un grand marché à Libreville pour mettre fin à la précarité actuelle qui caractérise le marché de Mont Bouët, le plus grand de la capitale.
Selon le récit de Ntoutoume Emane, un ingénieur du Congo Kinshasa le met en relation avec le groupe suisse Webcor, spécialisé dans la construction des marchés. Le groupe dont le siège est basé à Lausanne en Suisse est constitué par des milliardaires des émirats dont un qui a fait fortune en RD Congo.
« Ce milliardaires parle lingala, une langue que je parle aussi puisqu’ayant passé une partie de mon enfance à Brazzaville », explique Ntoutoume Emane qui affirme avoir mis la main dans sa poche pour faire visiter le Gabon à ses futurs investisseurs lors de leurs nombreuses visites au Gabon pour étudier le dossier.
Après plusieurs négociations, le contrat est signé en 2010 entre la Mairie de Libreville et le groupe Webcor. Un autre avec l’Etat gabonais. Montant du projet : 27 milliards de FCFA. La partie suisse s’engage à apporter 40% du financement dès le démarrage. Le reste devait être emprunté dans les banques locales.
Le projet démarre en 2013 pour une durée de 2 ans. Le chantier devait être érigé sur le site de la Peyrie sur une superficie de 70 000 m².
« Webcor a dépensé 3 milliards de FCFA pour détruire les blocs de béton. Le chantier a bien démarré », a témoigné Ntoutoume Emane.
Selon lui, le coup d’arrêt a été donné en 2015 par une lettre « unilatérale » de l’actuel maire de Libreville, Rose Christiane Ossouka Raponda.
« Et pourtant l’accord de 2010 prévoyait des dispositions transitoires », a expliqué l’ex éminence grise du Parti démocratique gabonais (PDG, parti au pouvoir) devenu opposant aujourd’hui.
« Les pauvres gens de Webcor n’étaient plus reçus chaque fois qu’ils venaient ici et c’est pour cela qu’ils ont porté l’affaire au Tribunal arbitral de Paris, la juridiction prévue pour connaître de tout litige sur le projet », a poursuit l’ancien Premier ministre d’Omar Bongo Ondimba (1999-2006).
« Webcor avait un avocat. L’Etat gabonais en avait 3 ». L’Etat gabonais a finalement perdu au Tribunal arbitral de Paris qui a infligé au Gabon une lourde sentence : payer 67 milliards de FCFA à Webcor pour dommages et intérêts sur ce dossier qui aurait pourtant permis au pays de disposer du plus grand marché d’Afrique centrale.
Le Grand marché de Libreville devait avoir entre autres 6 671 étals dont 2 000 attribués gratuitement à des gabonaises économiquement faibles. 60 poissonneries. 355 magasins. 144 boutiques pour la friperie. Un bureau de Poste. Un bureau de transfert d’argent. Deux jardins d’enfants. Une salle de projection cinématographique. Un broyeur d’ordures. 2000 points de stationnement de véhicules…
« Ce marché devait devenir le cœur battant de Libreville, un model en Afrique centrale », a vanté Ntoutoume Emane qui a affirmé que la mairie de Libreville devait récolter chaque mois 80 millions de recettes municipales.
Agé de 79 ans, Jean François Ntoutoume Emane a quasiment versé des larmes en décrivant l’échec de ce projet pour lequel en plus le Gabon est condamné à verser 67 milliards de FCFA à Webcor. « Les décisions du Tribunal arbitral de Paris sont sans appel », a-t-il rappelé.
Carl Nsitou