Lambert Noël Matha, ministre de l’Intérieur @ Gabonactu.com
Libreville, Gabon (Gabonactu.com) – Le ministre de l’Intérieur Lambert Noël Matha a annoncé ce samedi à Libreville le report au 29 juillet 2017 des élections législatives prévues pour ce mois de décembre, prorogeant de facto le mandat des députés qui prend fin en principe en février 2017. Motif : pas suffisamment d’argent pour organiser ces élections.
Le report de ces élections était plus ou moins attendu. Dans sa déclaration le ministre de l’Intérieur affirme que ce report est partie d’une saisine du gouvernement par la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP). Celle-ci a fait constater au gouvernement une insuffisance de budget pour organiser le scrutin.
Le Premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet a pour sa part saisi la Cour constitutionnelle. L’institution a ainsi reconnu le cas de force majeur et décidé donc de reporter le scrutin au 29 juillet 2017. La Cour a aussi décidé de proroger la durée du mandat des députés qui prendra finalement fin après la proclamation des résultats des prochaines élections.
Le gouvernement s’est engagé à respecter cette nouvelle date.
Etat pétrolier du golfe de Guinée, le Gabon fait, en effet, face à une grave crise économique du fait de la chute des cours du pétrole et d’autres matières premières dont le manganèse.
L’opposition, estime cependant que la raison financière n’est pas valable pour reporter ce scrutin car le budget était voté depuis décembre 2015 par l’Assemblée nationale. Elle dénonce une décision qui prolonge illégalement le mandat de député. « C’est anti démocratique. Les dirigeants doivent être votés par le peuple et non nommés par les institutions », a déploré Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, porte parole de Jean Ping, contacté par Gabonactu.com.
Selon une autre source contactée par Gabonactu.com, ce report est aussi un calcul politique pour le pouvoir. D’abord, il permettra de tenir le dialogue politique voulu par le chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba au lendemain de sa réélection contestée. Le gouvernement aura ainsi une marge de manœuvre pour légiférer sur les actes issus du dialogue afin d’en faire des textes de lois applicables. Au final, le dialogue permettrait d’organiser des élections apaisées sachant que les défaillants à l’origine de la violente contestation des résultats de la dernière élection présidentielle seraient extirpées des nouvelles lois.
Le second calcul serait politicien. Le report permettrait au pouvoir de se donner du temps pour disloquer le bloc uni autour de Jean Ping. Divisés, Jean Ping et ses alliés actuels ne pourront plus gagner les législatives. Le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) garderait une haute main dans la gestion du pays.
Un haut cadre de l’opposition fait une lecture contraire. Pour lui, ce report est du pain béni pour l’opposition qui remettra sur la table et dans la rue le débat sur les comptes non soldés de la dernière élection présidentielle. Elle profiterait, à cet effet, des conclusions attendues du rapport final de la Mission d’observation de l’Union européenne comme motif de réouverture des hostilités. L’objectif, selon la source, est de maintenir la pression sur le pouvoir afin de resserrer davantage les rangs autour de Jean Ping.
Dans les deux camps, les scénarios s’élaborent sans relâche pour accéder ou conserver le pouvoir.
Daniel Etienne