Le souvenir semble aujourd’hui lointain, il date pourtant de quatre mois seulement. Aussitôt annoncé le renversement du régime d’Ali Bongo Ondimba au petit matin du 30 août 2023 par les forces de défense et de sécurité réunies au sein d’un Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), que des condamnations diplomatiques tombèrent comme des sauterelles, notamment de la part de nos principaux partenaires bilatéraux et multilatéraux.
Il reste que, dans cette avalanche, qui va de la simple expression de la préoccupation (Chine, Russie, Maroc) à l’appel pressant au rétablissement de l’ordre constitutionnel (Royaume-Uni, France, Etats-Unis), très peu de voix s’étaient inscrites dans la logique ruineuse de la coercition diplomatique.
Si la France avait un temps annoncé la suspension des activités de coopération militaire, les Etats-Unis décidaient à leur tour de suspendre « certains programmes d’aide », tout en laissant à leurs émissaires et diplomates le soin de rassurer les nouvelles autorités quant à la volonté de leurs pays respectifs d’accompagner le Gabon pendant la période de transition souhaitée relativement courte.
Du coté des partenaires multilatéraux, on peut relever trois attitudes diplomatiques essentielles. La première concerne les condamnations de principe, en particulier par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et l’Union Européenne (UE); la deuxième renvoie à la brève suspension des relations de coopération par des partenaires financiers comme la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale, vite levée au regard du respect des engagements financiers et des gages donnés par le Gabon quant à sa volonté d’assainir la gestion.
La troisième attitude est relative à la suspension pour une durée indéterminée des instances de l’Union Africaine, du Commonwealth et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) ; les deux premières en application des textes y relatifs, tandis que la dernière par la seule volonté des chefs d’Etat et de Gouvernement réunis lors du Sommet extraordinaire du 4 septembre à Djibloho (Guinée Equatoriale), les mesures de coercition arrêtées ne reposant sur aucune disposition juridique pertinente.
En effet ; l’imposition des sanctions prévues à l’article 99 du Traité révisé ne concerne que les manquements d’un Etat membre à ses obligations vis-à-vis de la Communauté. Et il n’est nulle part fait mention de la rupture de l’ordre constitutionnelle comme faisant partie des manquements à ces obligations.
Par ailleurs, la décision de délocalisation temporaire du siège de l’organisation à Malabo, bien que suspendue lors du dernier Sommet extraordinaire du 15 décembre, ne se justifiait pas, le Gabon n’ayant manqué à aucune des obligations prévues par l’Accord de siège, notamment celle de garantir la sécurité des personnels et des locaux.
Aussi le constat que tout observateur objectif peut-il faire aujourd’hui est que, malgré un contexte qui aurait pu conduire à l’ébranlement, tout au moins à la fragilisation de ses positions diplomatiques sur la scène internationale, le Gabon a plutôt bien résisté et escompte même les renforcer tout au long de l’année diplomatique qui s’ouvre, et au-delà.
C’est que, fort d’un large soutien dans l’opinion, le Général Brice Clotaire Oligui Nguéma, investi dans le rôle de président de la République, chef de l’Etat, à la suite de sa prestation de serment le 4 septembre 2023, a, pendant les premiers mois de la Transition, hissé l’action extérieure du Gabon sur une ligne de crête qui épouse tendanciellement les fondamentaux de la diplomatie gabonaise depuis plusieurs décennies. Il s’agit de l’intérêt accordé sans exclusive à la pluralité des axes (paix, sécurité, économie et environnement), à la diversification des partenariats (traditionnels et nouveaux) et au style diplomatique privilégiant les négociations aux polémiques publiques, la diplomatie secrète à celle du mégaphone, en un mot le chant du rossignol au vol de l’épervier.
Les visites rendues à la quasi-totalité de ses homologues de la sous-région et au Secrétaire général de l’ONU, la participation remarquée aux Sommets multilatéraux sur l’environnement (Brazzaville et Dubaï) et sur la coopération économique(Afrique – Arabie Saoudite), tout comme les rencontres avec certains de ses homologues en marge desdits Sommets (Alassane Ouattara, Macky Sall et Emmanuel Macron), ou le ballet diplomatique de plusieurs hautes personnalités à Libreville, participent incontestablement de cette dynamique diplomatique, qui est logiquement appelée à se renforcer pendant toute la durée de la Transition.
Pr Flavien ENONGOUÉ, ancien Ambassadeur, Maître de Conférences de philosophie politique Université Omar Bongo (UOB).