Libreville, Gabon (Gabonactu.com) – La mort de l’opposant André Mba Obame, l’homme qui incarnait les chances d’une réelle alternance démocratique au pouvoir, est sans conteste l’une des nouvelles les plus tristes au Gabon durant l’année 2015.
Tous les gabonais le savaient très malade et lui-même ne s’en cachait pas. Et pourtant l’annonce de son décès le 12 avril 2015, à Yaoundé au Cameroun, a plongé ses partisans et probablement ses détracteurs dans l’émoi. L’onde de choc de la chute de ce baobab qui avait réussi avec brio son basculement du pouvoir à l’opposition s’est propagée dans tout le pays.
Les échauffourées enregistrées dans la capitale étaient quasiment à la dimension de la déception de ses partisans qui ont vu leur rêve se briser et leurs espoirs fondre comme un château de cartes.
Opposant au régime d’Omar Bongo Ondimba durant ses chères études à Paris en France, le jeune natif de Medouneu deviendra quelques années plus tard l’une des icones du pouvoir qu’il pourfendait depuis Paris.
Adopté par Omar Bongo, André Mba Obame forme un tandem étonnamment solide avec Ali Bongo Ondimba, fils d’Omar Bongo. Les deux jeunes loups cumulent les fonctions dans les différents gouvernements et sont les acteurs de la modernisation du Parti démocratique gabonais (PDG). L’ancien parti unique est à leurs yeux vieillissant à cause de l’omniprésence et la superpuissance des anciens qui ne veulent rien lâcher. Mba Obame et Ali Bongo Ondimba créent le courant des rénovateurs, un gros grain de sable qui emmerde de nombreux caciques.
Tout se gâte après la mort du vieux président. Mba Obame qui refuse le poste de coordonnateur de l’action gouvernement au détriment de son fauteuil de ministre de l’Intérieur rentre quasiment en « rébellion ».
« Vous entendrez parler de moi », lance-t-il lors de la cérémonie de passation de pouvoir au siège du ministère de l’Intérieur sur l’avenue de Coïnté.
Dans la foulée de la préparation de l’élection présidentielle anticipée d’août 2009, il se rend à Barcelone en Espagne et lance « l’appel de Barcelone » après s’être incliné devant le lit où Omar Bongo a tiré sa révérence.
Sa campagne pour la succession à Omar Bongo est lancée. TV +, sa puissante télévision qui arrose tout le pays et l’unique chaîne gabonaise sur satellite vend correctement son image. Il est quasiment idolâtré dans certains milieux des frustrés des années Omar Bongo.
Son désormais frère ennemi, Ali Bongo Ondimba est proclamé vainqueur du scrutin. Il conteste les résultats et tente un an plus tard de former un gouvernement parallèle après s’être autoproclamé président de la République. Ses ennuis politiques commencent. Il « s’exile » au siège des Nations unies à Libreville. Les convocations à la contre ingérence pleuvent et dans ce contexte orageux, s’invite une maladie qui l’éloignera de son « peuple » et de son pays.
Son retour triomphal au pays le 11 août 2012 après un an de convalescence lui permettra de lancer ses dernières forces contre le pouvoir qu’il conteste. Mais la maladie est plus forte que sa détermination. Il se rend discrètement à l’étranger vers une destination gardée secrète par son entourage qui filtre toutes les informations sur son bulletin de santé.
C’est quasiment à la surprise générale que le peuple apprend le décès de cet animal politique au Cameroun voisin. AMO, comme aimait l’appeler ses fanatiques est allé « jusqu’au bout » laissant dernier une opposition quelque peu décapitée.
Martin Safou