Gabonactu.com diffuse, avec l’autorisation de l’agence Ecofin, l’intégralité de l’interview que lui a accordée Noureddin Bongo Valentin, l’une des très rares prises de parole du Coordonnateur général des affaires présidentielles au Gabon.
Noureddin Bongo Valentin : « Les Gabonais me jugeront sur les résultats et non sur un délit de patronyme » (Interview)
(Agence Ecofin) – Ces derniers mois, au Gabon, la gouvernance a pris un sérieux coup de jeune. Nommé à moins de 30 ans, coordinateur général des affaires présidentielles, Noureddin Bongo Valentin revendique une culture du résultat et n’hésite pas à appliquer à la gestion publique certaines méthodes du management privé : reporting, audit, retour sur investissement : « Je fais partie d’une génération où la recherche de l’efficacité est importante », assure-t-il. Entretien exclusif avec le CGAP .
Agence Ecofin : En quoi consiste, de manière concrète, le rôle de Coordonnateur général des affaires présidentielles au Gabon ? D’aucuns estiment qu’il s’agirait d’une vice-présidence qui ne dirait pas son nom…
Noureddin Bongo Valentin : La fonction nourrit beaucoup de fantasmes (sourire). A tort. Car la réalité est beaucoup plus prosaïque. Le coordinateur général des affaires présidentielles est un exécutant au service du chef de l’Etat. Selon l’intitulé officiel, celui-ci a « vocation à se saisir de tout dossier qui concerne le président de la République ».
Concrètement, le « CGAP » assiste le Président dans la conduite de ses missions, veille à ce que ses directives soient bien exécutées et en assure le suivi. Il s’agit donc d’une fonction très technique, et non politique. J’ajoute que celle-ci n’est en rien une nouveauté au Gabon. Elle a déjà existé par le passé.
AE : Vous assumez cette lourde responsabilité alors que vous n’avez pas 30 ans. En quoi cette jeunesse influe-t-elle sur votre mode de gouvernance et sur votre conception de la politique?
NBV: L’expérience est un atout précieux dans la conduite des affaires publiques. Mais la jeunesse en est un aussi. A fortiori dans un monde en pleine mutation où les évolutions technologiques s’accélèrent. En matière de gouvernance, je fais partie d’une génération où la recherche de l’efficacité est importante. Il ne s’agit pas de « faire pour faire » mais de faire pour réellement, positivement et rapidement changer les choses. C’est à cela que doit servir le pouvoir. En termes de conception politique, ma génération est particulièrement sensible à certains sujets. L’environnement bien sûr, mais aussi la formation, déterminante dans le monde à venir, l’innovation, la lutte contre les inégalités qui passe par le développement de l’emploi ou encore l’endettement qui n’est pas mauvais en soi mais qui ne doit pas obérer le futur.
AE : Selon le FMI, à la fin septembre 2020, le Gabon avait déjà engagé 300 millions$ pour lutter contre la Covid-19. L’efficacité a-t-elle été au rendez-vous ?
NBV: Quand on a de l’ambition pour son pays, pour son peuple, on veut toujours faire mieux. Mais force est de constater que le Gabon s’est favorablement illustré lors de cette pandémie. En Afrique, il est l’un des pays qui teste le plus sa population et où le taux de létalité, c’est-à-dire de mortalité causée par le virus, est le plus faible.
« Force est de constater que le Gabon s’est favorablement illustré lors de cette pandémie. En Afrique, il est l’un des pays qui teste le plus sa population et où le taux de létalité, c’est-à-dire de mortalité causée par le virus, est le plus faible.»
Les institutions internationales, membres de la task force mise en place par le Président de la République et que j’ai eu l’honneur de diriger, sont unanimes à ce sujet, à commencer par l’OMS et les Nations Unies. A la demande du président de la République, Ali Bongo Ondimba, un effort budgétaire conséquent a été consenti pour apporter une réponse forte en matière sanitaire et sociale. Mais la clé – et cela, nous le devons au chef de l’Etat – a été l’anticipation. Nous nous sommes toujours efforcés d’avoir un coup d’avance sur l’épidémie.
AE : Comme partout dans le monde, on a noté la survenance d’une deuxième vague de cas déclarés, mais pour le Gabon, on reste encore en deçà des pics de la période juin-juillet 2020. Aujourd’hui, alors que vous avez davantage de recul, à quelle stratégie de riposte doit-on s’attendre ? Une réaction forte comme en 2020 ou bien des mesures plus proportionnées ?
NBV: La stratégie retenue d’emblée par le Président de la République n’a pas varié depuis le début de la crise. Un, nous anticipons. Mieux vaut prévenir que guérir. Deux, nous adaptons la proportionnalité de notre réponse à la gravité de la situation épidémique. Trois, nous affectons l’ensemble des moyens nécessaires, que ce soit sur le plan budgétaire ou sanitaire. Cette stratégie, qui a montré son efficacité durant la première vague en mars dernier, est utilisée actuellement pour faire face à la deuxième. Pour répondre à votre question, la riposte lors de cette seconde vague sera aussi forte que nécessaire mais toujours proportionnée à la gravité de la situation.
AE : Cette deuxième vague survient, alors que le président Ali Bongo Ondimba a annoncé un vaste plan de relance de l’économie nationale. À quoi les Gabonais doivent-ils concrètement s’attendre dans les jours à venir, surtout ceux pour qui la survenue de la Covid-19 est allée de pair avec une baisse, et parfois même une interruption totale, de leurs activités ?
NBV: Le Plan d’Accélération de la Transformation 2021-2023 est un point d’inflexion dans la mise en œuvre du Plan Stratégique Gabon Emergent, lancé en 2009 par le Président de la République Ali Bongo Ondimba au début de son premier mandat. Si les filières devant constituer les nouveaux piliers de notre économie, au premier rang desquelles le secteur forêt-bois et l’agro-industrie, ont connu une croissance constante et à deux chiffres ces dix dernières années, elles n’occupent pas encore un poids suffisamment significatif dans notre PIB, ce qui nous rend toujours vulnérables aux aléas des cours des matières premières, pétrolières et minières, à l’international.
Nous allons donc lancer des réformes radicales de consolidation de notre amont forestier, pour avoir moins d’opérateurs, mais des opérateurs mieux capitalisés, qui respectent les règles nationales et les certifications internationales, et augmentent significativement le volume annuel de bois exploitable par notre tissu industriel de deuxième et troisième transformations. Nous comptons également démarrer des plantations de forêts sur des essences de bois à croissance rapide, dans des zones peu ou pas boisées naturellement, toujours dans cette optique d’augmenter significativement notre production annuelle de bois, sans nuire à l’équilibre de la biodiversité de notre forêt naturelle. Le Président de la République prend aujourd’hui les décisions qui impacteront nos compatriotes dans le futur. Il agit en homme d’Etat.
Pour ce qui est des mesures d’atténuation des impacts socio-économiques du ralentissement économique lié à la deuxième vague de la COVID-19, nous nous tenons prêts à réactiver différents leviers utilisés lors de la première vague, comme un moratoire sur certains impôts, un moratoire sur les loyers des ménages à plus faibles revenus, la gratuité temporaire de l’eau et de l’électricité pour les ménages modestes, ou encore la gratuité des transports publics urbains.
AE : Vous avez récemment mené un audit de la dette intérieure du Gabon, une initiative qui a fait école dans des pays voisins comme au Cameroun. Quel est le bilan de cette opération? Et au-delà de l’argent économisé, quel impact cela a-t-il eu sur la manière dont est désormais gérée la commande publique dans le pays ?
NBV: En période de crise, l’exigence de bonne gestion de l’argent public doit être maximale. C’est pourquoi le Président Ali Bongo Ondimba a ordonné la mise en place d’une task force en juin dernier afin de conduire un audit sur l’ensemble de la dette intérieure du pays. Son résultat est sans appel. Sur les 1030 milliards de francs CFA de dette intérieure audités, 623 milliards se sont révélés fictifs, soit un ratio de 62 %. Autant d’argent qui n’aurait pas servi à financer nos dépenses d’investissement ou nos dépenses sociales.
« Sur les 1030 milliards de francs CFA de dette intérieure audités, 623 milliards se sont révélés fictifs, soit un ratio de 62 %. Autant d’argent qui n’aurait pas servi à financer nos dépenses d’investissement ou nos dépenses sociales.»
Bien entendu, à la demande du chef de l’Etat, les conséquences ont été tirées sur le plan institutionnel puisqu’une nouvelle architecture a été mise en place pour garantir le bon usage des fonds publics avec le renforcement de la Direction générale des marchés publics ou encore la création de l’Autorité Nationale de Vérification et d’Audit. Les procédures en matière de commande publique ont, elles, été durcies et la transparence renforcée à toutes les étapes.
AE : Au-delà de garantir la transparence et la régularité sur les marchés publics, il y a la volonté exprimée par le président de la République de réduire la dette extérieure du pays en la ramenant en deçà de 70 % du produit intérieur brut. Quelle stratégie sera mise en place pour y parvenir ?
NBV: En réalité, c’est l’ensemble de la dette publique, c’est à dire à la fois la dette intérieure et extérieure, qui s’élève aujourd’hui à 70 % de notre PIB. Avant toute chose, je voudrais déplorer l’instrumentalisation politique – je dirais même politicienne – qui est faite en ce domaine. C’est un sujet trop grave, trop engageant pour donner lieu à d’aussi viles polémiques. La dette n’est pas mauvaise en soi, surtout quand elle sert à investir ; et la question de sa soutenabilité est plus complexe que la présentation simpliste que certains pseudos-experts en font.
Ceci posé, l’objectif fixé par le Président Ali Bongo Ondimba est clair: nous devons revenir à un niveau soutenable de notre dette publique. Aujourd’hui, le remboursement de notre dette absorbe quasiment 45 % de nos ressources propres annuelles. C’est beaucoup trop ! Pour rétablir la situation, nous devons d’abord corriger le déséquilibre de nos finances publiques. Il s’agit du premier levier à actionner. Le cycle d’endettement est alimenté principalement par le fait que nos dépenses courantes sont supérieures à nos ressources propres. Conséquence: nous devons emprunter pour financer ce déficit, ce qui crée un cercle vicieux. Le Plan d’Accélération de la Transformation 2021-2023, adopté en début d’année, prévoit des mesures rigoureuses d’amélioration de la collecte des recettes publiques, de maîtrise de certaines dépenses comme la masse salariale des agents de l’Etat, le service de la dette avec des rééchelonnements de paiement ou encore la réduction ou la suppression de subventions accordées à certaines agences publiques qui n’ont pas prouvé leur efficacité ou qui doivent apprendre à fonctionner de manière autonome.
Deuxième levier, l’accélération de notre croissance. Si nous réussissons les réformes de nos filières à fort potentiel qui peuvent puissamment contribuer à la diversification de notre économie, mécaniquement, notre taux d’endettement sur PIB se réduira. Le meilleur moyen de réduire la dette, c’est d’avoir une croissance solide qui génère plus de rentrées fiscales. D’où la nécessité d’intensifier la politique de diversification économique, de promotion du secteur privé et d’attraction des investissements.
« Le meilleur moyen de réduire la dette, c’est d’avoir une croissance solide qui génère plus de rentrées fiscales »
Enfin, troisième levier à actionner, nous n’excluons pas totalement la cession de certains actifs pour rembourser notre dette. Le Gabon possède certains actifs dormants insuffisamment valorisés. Je pense notamment aux crédits carbones que nous pourrions émettre et vendre à des entreprises ou Etats qui polluent et souhaitent compenser leur impact environnemental. Le Gabon a déjà signé un accord financier avant-gardiste en ce sens avec la Norvège. Nous étudions par ailleurs d’autres possibilités de partenariats et de valorisation de ces crédits carbones, qui pourraient être une manière intelligente pour nous de mobiliser des ressources financières tout en restant engagés dans une trajectoire durable de valorisation de nos écosystèmes et de préservation de notre biodiversité. En ce domaine, des avancées importantes devraient être réalisées par le Gabon dès 2021.
AE : Vous travaillez au quotidien à assainir la dépense publique. Mais au sein de l’opinion, et malgré le classement sans suite par la justice gabonaise d’une plainte de la société civile qui vous accusait de corruption et de blanchiment d’argent, certains continuent de penser que vous profitez de votre position pour vous enrichir et enrichir vos proches…
NBV: Si la Justice a classé sans suite la plainte dont vous parlez, c’est pour une raison importante qu’il convient de rappeler: aucun des plaignants, tous militants de l’aile la plus radicale de l’opposition, n’a été capable de produire la moindre preuve à l’appui de ces allégations. C’était de la pure diffamation. C’est d’ailleurs le but de ce genre de procédé : salir la réputation d’une personne pour la déstabiliser. Comme disait Francis Bacon, « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose».
Mais je ne suis pas homme à vaciller. Les rumeurs m’importent peu. Je me concentre sur mon travail au service du Gabon aux côtés du Président de la République. Je n’ai pas de temps à perdre avec ce type d’enfantillages.
AE : Comprenez-vous le questionnement de ceux qui voient s’approcher du sommet de l’Etat une troisième génération de Bongo?
NBV: Je suis fier du nom que je porte et je sais que les Gabonaises et les Gabonais me jugeront sur les résultats, sur les améliorations significatives apportées à leur quotidien et non sur un délit de patronyme que certains, en manque d’arguments, agitent de manière pavlovienne.
« L’écrasante majorité des Gabonais se lèvent le matin en pensant emploi, pouvoir d’achat, eau, électricité, éducation, santé, transport, logement… Ce sont ces questions qui me préoccupent. Le reste m’importe peu. C’est du bavardage sans intérêt.»
Pour vous dire le fond de ma pensée, « ceux » dont vous parlez sont en réalité des responsables politiques, des commentateurs dans les médias ou des activistes sur les réseaux sociaux. Ils représentent une infime minorité. L’écrasante majorité des Gabonais se lèvent le matin en pensant emploi, pouvoir d’achat, eau, électricité, éducation, santé, transport, logement… Ce sont ces questions qui me préoccupent. Le reste m’importe peu. C’est du bavardage sans intérêt.
AE : Compte tenu des ambitions que l’on vous prête, vous êtes la cible d’attaques redoublées. Après vous avoir accusé d’enrichissement illicite, vous avez été mis en cause récemment en raison de votre nationalité. Certains soutiennent que vous ne seriez pas Gabonais.
NBV: La multiplication des « fakes news » est un fléau qui touche tous les pays du monde et qui n’épargne hélas personne. Ce phénomène est exacerbé par les réseaux sociaux qui sont, loin de leur ambition originelle, en partie devenus un déversoir de haine et de mensonges. La répétition de contre-vérités amène aujourd’hui les internautes à croire quasi-religieusement ce qui s’y dit. Or, ces fausses nouvelles distillées dans le monde virtuel ont parfois des impacts dramatiques dans la vie réelle. En janvier 2020, deux de nos compatriotes sont morts, lynchés par la foule, à cause de rumeurs sur une vague d’enlèvements d’enfants, imaginaire.
Il faut savoir dire stop à ces dérives. C’est pourquoi, en ce qui me concerne, je mets un point d’honneur à porter plainte contre les auteurs d’accusations fantaisistes et mensongères. Tout comme la justice m’a donné raison dans l’affaire des fausses accusations d’enrichissement illicite, elle me donnera raison sur les mensonges colportés sur ma nationalité. Ce procédé ne leurre d’ailleurs personne. Il est très fréquemment employé par ceux qui sont vos opposants politiques, en Afrique comme ailleurs dans le monde. Même Barack Obama en a été victime.
AE : Vous avez fait partie de l’équipe dirigeante d’Olam qui est devenue une entreprise stratégique pour le développement du Gabon. Quelle relation avez-vous gardé avec votre ancien employeur ? Comment faites-vous la part des choses dans vos nouveaux rapports? En particulier, comment évitez-vous les potentiels conflits d’intérêt ?
NBV: Olam est un acteur important au Gabon. Il s’agit du premier employeur privé du pays et sa contribution à la diversification de l’économie n’est plus à démontrer. J’ai conservé d’excellentes relations avec le management de l’entreprise. En particulier avec Gagan Gupta qui est un grand dirigeant de classe internationale et pour lequel j’ai beaucoup d’estime.
Cela dit, cette période de ma vie est derrière moi. Il n’y a donc aucun conflit d’intérêt possible pour répondre à votre question. Désormais, je suis tout entier dédié au service de l’Etat. Les seuls intérêts que je défends, ce sont ceux du Gabon et des Gabonais. J’ai eu l’occasion de le démontrer à de nombreuses reprises durant l’année écoulée.
L’expérience acquise dans le secteur privé m’est aujourd’hui très utile pour rendre plus efficace la conduite de l’action publique. Je veille à promouvoir certaines pratiques propres à l’entreprise dans mes nouvelles fonctions, qu’il s’agisse de l’audit, du retour sur investissement, du reporting, de l’évaluation etc.
AE : Le Gabon souhaite s’appuyer sur la Zone de libre-échange continentale africaine pour booster ses exportations à destination de l’Afrique et soigner sa balance commerciale. Dans quels secteurs, selon vous, le Gabon peut-il être compétitif en matière d’exportation ?
NBV: Nous misons beaucoup sur notre industrie du bois. Le Gabon est déjà le premier exportateur de contreplaqués d’Afrique. Aujourd’hui, 80 % des usines de la filière bois implantées au Gabon font de la première transformation, c’est-à-dire du découpage des grumes, à faible valeur ajoutée. Notre ambition est d’avoir une masse critique d’usines de deuxième et de troisième transformations, pour devenir à terme le premier producteur de meubles en bois tropicaux d’Afrique. Or, notre marché national ne sera pas capable d’absorber une telle offre ; c’est pour cela que la ZlecaF est aussi stratégique pour nous, en nous donnant accès à plus d’un milliard de consommateurs sans barrières tarifaires. Pour y parvenir, il est nécessaire d’améliorer notre plateforme logistique et ainsi tirer pleinement profit de ce potentiel.
Nous avons également des ambitions en matière d’agro-industrie, en particulier dans les produits dérivés de l’huile de palme comme l’huile alimentaire ou les biocarburants, ainsi que dans la filière café-cacao pour laquelle nous espérons vendre des produits finis à l’international, et dans les produits dérivés du manioc.
AE: La CEDEAO a entamé un processus de création d’une monnaie commune, affranchie du franc CFA. L’Afrique centrale devra-t-elle, selon vous, suivre le même chemin?
NBV: Les Chefs de l’Etat de la zone CEMAC ont mandaté la Commission de la CEMAC ainsi que la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) pour mener une réflexion sur les axes de réforme de la gestion de notre monnaie commune. Les premières conclusions intermédiaires ont été rendues, qui doivent faire l’objet de discussions supplémentaires.
Parmi les éléments supplémentaires à considérer, figure le processus de rapprochement institutionnel entre la CEMAC et la CEEAC, enclenché par le chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba quand il était président en exercice de la CEEAC.
« La réflexion que nous devons mener en Afrique centrale dépasse largement le lien avec la France. Nous devons bâtir une monnaie du XXIème siècle. Nous focaliser sur des combats du XXème siècle risque de nous faire perdre de vue les vrais enjeux auxquels nous faisons face.»
Le renforcement de l’intégration économique avec des pays comme la République Démocratique du Congo, l’Angola ou le Rwanda, doit fixer comme point d’ancrage futur une intégration monétaire. Il importe de préciser toutefois les préalables à une telle intégration, et surtout la logique économique du nouvel ensemble, mais aussi les relations économiques, monétaires et géopolitiques de cet espace économique avec le reste du monde, ainsi que les mesures de solidarité que nous sommes prêts à prendre entre nous. Tout cela pour dire que la réflexion que nous devons mener en Afrique centrale dépasse largement le lien avec la France. Nous devons bâtir une monnaie du XXIème siècle. Nous focaliser sur des combats du XXème siècle risque de nous faire perdre de vue les vrais enjeux auxquels nous faisons face.
AE : La diversification de l’économie et l’industrialisation du pays sont des thèmes très présents dans le discours public. Quels sont vos objectifs en la matière ?
NBV: Le Président Ali Bongo Ondimba a une formule pour illustrer cette ambition. « D’ici 2030, l’or vert devra remplacer l’or noir ». Pour avoir une croissance plus soutenue, plus inclusive et plus durable, le Gabon doit davantage développer certains pans de son économie. Son industrie, afin de créer plus de valeur ajoutée localement. Son agriculture, afin que le Gabon produise davantage ce qu’il consomme. Mais aussi ses services, que ce soit en matière financière, de télécommunication ou de tourisme.
En dépit des efforts méritoires réalisés ces dix dernières années, la bonne santé économique de notre pays dépend encore beaucoup trop des fluctuations du cours international des matières premières. Nous avons besoin d’une croissance plus endogène. C’est sur cette trajectoire que nous sommes engagés, comme le montre le développement de notre secteur du bois. Incontestablement, nous sommes en bonne voie. Il nous faut simplement aller plus loin et plus vite.
AE : Le Gabon est considéré comme un fer de lance sur le plan continental, en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Concrètement, comment le pays entend-t-il s’y prendre pour faire de l’économie verte un relais de croissance et, peut-être, à terme un substitut à l’extraction de matières premières ? Je rappelle que le pétrole continue de représenter près de 80 % des recettes budgétaires du pays.
Certes, le pétrole continue de représenter près de 80 % des recettes budgétaires du Gabon, mais je vous ferais observer que le poids du secteur pétrolier est passé de 42,2% du PIB en 2010 à 32,7 % en 2019.
Cela dit, vous avez raison de rappeler que le Gabon est, en Afrique, le fer de lance de la lutte contre le réchauffement climatique. Cela n’est d’ailleurs pas un hasard si notre pays a été choisi pour piloter le groupe des négociateurs africains en vue de la prochaine COP 26 de Glasgow en novembre prochain, ou si le président de cette COP, M. Alok Sharma, était à Libreville fin janvier.
« En ce XXIème siècle, la conciliation de l’économie et de l’environnement n’est pas une option. C’est une obligation.»
Le Gabon est résolu à transformer son modèle économique pour le rendre plus durable et plus profitable. Le bois en est le parfait exemple. Cette industrie, qui ne cesse de monter en puissance et en valeur ajoutée, opère suivant les normes environnementales les plus strictes au niveau international. Ainsi, la ressource prélevée aujourd’hui, pourra l’être à nouveau dans les années à venir, et ainsi de suite.
Quant aux autres industries, notamment pétrolière ou minière, elles doivent se conformer à une réglementation de plus en plus protectrice de la nature.
C’est une tendance mondiale à laquelle le Gabon adhère pleinement. En ce XXIème siècle, la conciliation de l’économie et de l’environnement n’est pas une option. C’est une obligation. Il en va non seulement de l’avenir de notre pays, mais également de notre continent et de notre planète toute entière.
Propos recueillis par Idriss Linge