Traoré, un petit boutiquier malien exerçant à Mindoubé dans le 5ème arrondissement de Libreville a catégoriquement refusé de vendre des préservatifs à son client sous le prétexte qu’il ne faut pas commettre les pêchés vendredi un jour saint selon la religion musulmane.
Dieudonné, un jeune électricien est encore bouleversé. Vendredi dernier, il va rendre visite à une « tchiza » au quartier Mindoubé vers la grande poubelle. Après un petit repas, le jeune amoureux voulait partager un moment de rêve avec sa dulcinée. Il se rend alors compte qu’il n’a pas de préservatif à portée de mains. Sa petite amie non plus. Il court vite chez le boutiquier du coin avec 200 FCFA dans la poche.
Arrivé devant la boutique, Dieudonné trouve Traoré en train de faire ses ablutions. Il patiente un moment. Traoré se pointe devant le comptoir. « Deux préservatifs, s’il te plait », lance-t-il en déposant les 200 FCFA sur le comptoir.
Le « premier métier du monde » attire de plus en plus et les pratiquants sont de plus en plus jeunes, conséquence de la précarité dans laquelle on s’enfonce. Même des pasteurs, des imams et des prêtres tombent. C’est donc appréciable de voir un jeune qui fait de sa protection un préalable. Mais c’est sans compter avec le prosélytisme du boutiquer, de confession musulmane.
Traoré fusille le jeune homme d’un regard assassin. Dieudonné est heurté. Il demande ce qui ne va pas. Le boutiquier répond : « on ne fait pas les pêchés vendredi ».
« Ce n’est pas ton problème. Donne-moi les préservatifs, c’est tout », tonne le client.
« Jamais. Sinon moi aussi j’aurai participé à ton pêché », renchérit le boutiquier qui se presse de fermer sa boutique pour se rendre à la mosquée.
Dieudonné hausse la voix. Des jeunes du quartier captent le sujet de la dispute entre les deux hommes qui se froissent devant la porte de la boutique. Les uns éclatent de rire, les autres supplient le boutiquier de sauver la vie du frère. Mais le boutiquier est intransigeant. Il ferme sa boutique et fonce à la mosquée laissant son client en chaleur sans solution puisque les autres boutiquiers du coin avaient déjà fermé pour la grande prière du vendredi.
Même si le gouvernement a baissé les bras en ce qui concerne les sensibilisations en matière de VIH/Sida sur toute l’étendue du territoire, il existe encore des gabonais qui ont gardé les leçons des premiers enseignements, vu que chaque jour, la pandémie dont le professeur Mavoungou, décédé il y a seulement quelques jours à Libreville, voulait venir à bout avec son Immunorex DM28, fait des victimes en quantité.
En 2005, le PNLS avait obligé tous les boutiquiers à revendre les préservatifs pour participer à leur façon, à la lutte contre la propagation du VIH/Sida. Les campagnes d’informations sont entrées dans les lieux de culte. Alors, d’où vient-il qu’un boutiquer, dont le travail est de vendre à la population ce dont elle a besoin pour sa survie, se cabre en face d’un client « en chaleur » et qui voulait juste protéger deux vies, pour une raison farfelue comme la sainteté du jour auquel Dieudonné a sollicité sa marchandise ? La laïcité de la République s’en est trouvée bafouée au nom de la religion.
Pourtant les mêmes commerçants ont tous, dans leur arrière-boutique, des chambres qu’on qualifierait de repères où ils « opèrent » contre un « demi pain au beure-chocolat + un petit Fanta » lorsque la victime est très jeune ou « un sachet de riz + une boite maquerelle » pour les mères de famille.
Daniel Etienne