La déclaration a été par la présidente de la PNSC Nathalie Zemo-Efoua entourée de quelques membres de son bureau le 9 janvier à Libreville © Gabonactu.com
Libreville, 9 janvier (Gabonactu.com) – Une plateforme de la société gabonaise dite libre a pondu une déclaration puante intitulée : « Gabon : un pas de plus vers le chaos », relative au coup d’Etat avorté du 7 janvier courant, orchestré par un commando d’une dizaine des militaires de la Garde Républicaine. Voici l’intégralité de la déclaration
« GABON : UN PAS DE PLUS VERS LE CHAOS
S’il n’était question ici de la destinée de toute une nation et de pertes en vies humaines, on serait tenté de rire tant le Gabon est en passe de dépasser Hollywood et de devenir la première place cinématographique de la planète. A chaque jour, son feuilleton. Après les histoires sans paroles de Rabat, la parodie de discours à la nation du 31 décembre 2018. Et à présent, la tragicomédie du lundi 7 janvier 2019, qui, il faut le souligner, s’achève par la mort d’après le porte-parole du Gouvernement de deux militaires insurgés.
Il est important, à titre introductif de notre déclaration, de rappeler que la Plateforme Nationale de la Société Civile Libre du Gabon renferme des organisations non gouvernementales qui ont en commun la défense de la Démocratie, des Droits de l’Homme et de l’Etat de droit au Gabon. Ces préoccupations concernent tout citoyen, quel que soit son statut ou son sa tendance politique. Les ministres et autres hauts cadres de la République qui ont expérimenté au cours des deux dernières années la vie à la prison centrale de Libreville, comprennent désormais mieux que quiconque cette réalité.
Sans ambages, la Plateforme Nationale de la Société Civile s’oppose à toute prise de pouvoir par la violence, par les armes ou par quelque voie anticonstitutionnelle que ce soit. L’ensemble des organisations membres de notre plateforme a toujours prôné les voies pacifiques pour faire respecter la souveraineté du peuple, la démocratie et l’Etat de droit.
Mais à quoi avons-nous assisté le lundi 7 janvier 2019 ?
Pour mémoire, un coup d’Etat se définit comme la prise du pouvoir dans un Etat par une minorité grâce à des moyens non constitutionnels, imposée par surprise et utilisant la force… Le coup d’Etat est en principe réalisé par un petit groupe et se distingue de la révolution qui a un caractère populaire et massif.
A quoi avons-nous exactement assisté ce lundi 7 janvier 2019 ?
Au petit matin de ce lundi, les téléspectateurs de Gabon 1ère tombent sur un message lu par un militaire. Il dit être le lieutenant Ondo Obiang Kelly et se présente comme le Commandant adjoint de la Compagnie d’honneur de la Garde Républicaine. Derrière lui, il y a deux hommes armés qui l’accompagnent. Dans sa Déclaration, le Commando dit lancer « l’Opération Dignité », se déclare du « côté du peuple pour sauver le Gabon du chaos » et appelle « l’armée gabonaise, le peuple gabonais et la société civile à se joindre à eux pour sauver le Gabon du chaos ».
Le régime parle alors d’une tentative de coup d’Etat.
Le lieutenant Ondo Obiang Kelly et ses neufs alliés (chiffre tiré des déclarations du porte parole du gouvernement sur RFI) ont-ils, ainsi que le commanderait la logique d’un coup d’Etat, posé un quelconque fait d’arme : à l’encontre des autorités du pays, notamment de la Présidence de la République (d’ailleurs vide depuis bientôt trois mois) ? à l’encontre du personnel de la Radio nationale gabonaise ? A l’encontre des populations civiles ? Ont-ils organisé des actions musclées de quadrillage de la ville ou des états-majors susceptibles de stopper leur présumée tentative de coup d’Etat ? Quelle est précisément l’identité de ces jeunes officiers ? Comment ont-ils réussi à préparer un tel coup au sein de la Garde Républicaine sans que la hiérarchie militaire et les services spéciaux ne se doutent de rien, alors que nous savons que le Gabon est une puissance mondiale si on se fonde sur le seul critère de l’efficacité du système de renseignement ? Comment ont-ils réussi à 10 seulement à prendre en otage un site aussi hautement protégé que celui de la radio télévision nationale ? Quelles étaient leurs réelles intentions ? Déclencher une révolution populaire ou jouer la partition d’un scénario grotesque orchestré par des réalisateurs tapis dans l’ombre ? dans quels desseins machiavéliques ?
Ensuite, en reprenant les propos du porte-parole du gouvernement du régime qui qualifie les jeunes officiers de la Garde Républicaine de « plaisantins », la PNSC s’étonne que la GIGN ait vraisemblablement tué deux « plaisantins », au lieu de les arrêter, de les entendre et de les juger conformément à la Loi gabonaise en la matière.
Face à un groupe de jeunes « plaisantins » n’ayant de toute vraisemblance posé au final pour tout acte qu’un appel au soulèvement, comment expliquer quatre heures de tirs et l’exécution de deux personnes ? Comment se fait-il qu’il n’y ait ni images ni témoignages populaires de l’arrestation et de l’assaut, alors que de nombreux compatriotes et quelques agents de la radio nationale étaient présents sur les lieux à en croire les vidéos postées sur les réseaux sociaux dès leur déblocage, le mardi 8 janvier ?
Autant de questions qui amènent la société civile à remettre en question la thèse officielle d’un coup d’Etat. On peut d’ailleurs s’interroger sur le dispositif allégé qui a suivi pour rétablir la sécurité dans le pays, au lendemain d’une menace aussi grave. Sauf à croire que le gouvernement avait déjà identifié avant le lundi 7 janvier 2019, l’ensemble des acteurs impliqués dans la présumée tentative de coup d’Etat ?
Face à tant de questionnements et préoccupés par la réponse radicale à ce que le porte parole du gouvernement a qualifié de plaisanterie (en l’occurrence l’exécution de deux mutins), la plateforme nationale de la société civile exige la mise en place d’une enquête indépendante. En effet, quelles que soient la nature et la gravité des faits qu’auraient commis ces jeunes militaires, la PNSC insiste sur le fait que ces derniers ont droit à un procès équitable et transparent, que l’opinion nationale et les familles des deux personnes déclarées mortes ont le droit de connaître les circonstances précises de ces décès.
En outre, s’agissant de militaires, leur procès n’est-il pas du ressort du tribunal militaire ? Pourquoi les avoir dans ce cas déferrés auprès du Procureur de la République ? Le Président de la République étant à la fois Président de la Magistrature et Chef suprême des armées, ses charges seront-elles à nouveau déléguées par la Cour constitutionnelle au Vice-président de la République en totale violation des dispositions constitutionnelles ?
La plateforme nationale de la société civile relève, non sans surprise, l’intérêt soudain de la communauté internationale pour un strict respect de l’ordre constitutionnel au Gabon. Elle aurait apprécié des prises de position aussi fortes à la suite des hold-up électoraux accompagnés de tueries de 2009 et de 2016, à la suite du chapelet d’anomalies entachant les résultats de la présidentielle de 2016 relevées par les observateurs de l’union européenne et pour finir, à la suite de la modification récente par les juges constitutionnels de la loi fondamentale dans le but de contourner la mise en œuvre des dispositions relatives à la vacance du pouvoir. Quel est aujourd’hui l’apport concret de la communauté internationale, principalement de l’Union Africaine et de la France partenaires privilégiés du Gabon, devant l’ambiance chaotique du pays qui n’est en réalité que la suite de la crise postélectorale de 2016 ?
Si, enfin, comme indiqué par son gouvernement, M. Ali Bongo se porte très bien : comment expliquer son absence et son silence deux jours après un coup d’Etat manqué ?
Une fois de plus, la PNSC appelle les responsables institutionnels et politiques de la République gabonaise à un sursaut patriotique et au respect de la Constitution, en appliquant les dispositions relatives à la vacance de la Présidence de la République. Seule condition, pour éviter un nouveau feuilleton dans la marche actuelle vers un chaos inéluctable, la nature ayant ainsi que le dit l’adage populaire, horreur du vide ».