Le climat social s’est tendu depuis le 3 novembre dernier au Centre hospitalier régional (CHR) de N’tchengué, où le personnel, affilié au Syndicat national du personnel de santé (SYNAPS) et soutenu par le Syndicat des médecins et fonctionnaires du Gabon (SYMEFOGA), observe une grève générale illimitée. En cause : le non-paiement des primes CNAMGS, des primes de garde et de quotes-parts
Les revendications du personnel
Selon les partenaires sociaux, plusieurs irrégularités persistent au sein de cette structure sanitaire de la capitale économique. Lors d’une Assemblée générale, les agents ont dénoncé le manque de matériel de première nécessité, l’absence de tenues de travail adaptées, et la faiblesse des primes de garde, notamment dans les services les plus sollicités comme la néonatalité, la maternité et la réanimation.

« Nous demandons une revalorisation des primes de garde et la création d’une prime spécifique pour les services d’urgence, car tous ne fournissent pas le même effort », a plaidé Gildas Akame, secrétaire général provincial du SYNAPS.
Les grévistes réclament également le paiement de huit mois d’arriérés de quotes-parts tout venant et treize mois de primes CNAMGS.
« Chaque fin de mois, un retour financier est attendu de la direction. Or, depuis treize mois, rien n’a été versé. Le personnel a donc décidé d’agir pour sortir de cette précarité », déplore M. Akame.
Un préavis de grève avait été déposé le 14 septembre et arrivait à échéance le 26. Des discussions ont ensuite eu lieu entre le SYNAPS, le SYMEFOGA et la direction du CHR, sans issue concrète selon les syndicats.
« Le directeur général nous a répondu qu’il n’appliquait que les textes existants, or les textes ne doivent pas rester figés », a ajouté le syndicat.
Une médiation provinciale pour apaiser les tensions
Face à la montée des tensions, la gouverneure de l’Ogooué-Maritime a réuni les deux parties afin de favoriser le dialogue. À l’issue des échanges, une information rassurante avait été communiquée : les primes CNAMGS seraient en cours de traitement dans le circuit de paiement. Sur la base de cet engagement, le SYNAPS et le SYMEFOGA avaient suspendu leur mouvement pour deux semaines, du 1er au 15 octobre.
Le versement partiel d’un chèque de 136 millions de francs CFA destiné à l’ensemble des structures sanitaires provinciales avait permis de régler deux mois sur treize de primes CNAMGS et trois mois sur huit de quotes-parts tout venant. Mais les syndicats estiment que la situation reste largement insatisfaisante. Depuis, l’hôpital ne reçoit que les urgences vitales et les consultations externes prioritaires.
« Nous limitons les soins aux cas critiques », a précisé Gildas Akame.
La direction défend son bilan
Du côté de la direction, le ton est à la fermeté mais aussi à la justification. Le directeur général, Dr Jonas Mboumba, revendique une politique d’investissement sans précédent depuis deux ans, après une période marquée par de graves détournements. Selon lui, le CHR de N’tchengué a été doté d’équipements modernes : lits opératoires, autoclaves, scopes, tables de prélèvement, échographes de dernière génération, mammographe numérique, scanner, fauteuil dentaire, incinérateur, unité d’oxygène, machine à laver industrielle, forage pour l’hémodialyse et groupe électrogène de 715 KVA.
« Avec tout cela, comment peut-on dire que le plateau technique n’a pas été relevé ? », s’interroge le directeur.
Sur le plan social, Dr Mboumba rappelle que lors de sa prise de fonction, l’hôpital cumulait plus de deux ans d’arriérés de primes CNAMGS, huit mois de primes de garde, dix mois de primes de fonction, quatre trimestres de dettes CNSS et trois mois de salaires impayés etc.
« Aujourd’hui, aucun agent ne se plaint de salaire en retard, nous ne devons plus que six mois de primes tout venant et onze mois de CNAMGS. Ce problème CNAMGS dépasse le CHR, c’est une difficulté nationale », reconnaît-il.
Concernant l’habillement, la direction indique qu’un plan d’acquisition est prévu dans le budget de l’année prochaine.
« Très peu d’hôpitaux au Gabon habillent leur personnel. C’est prévu dans notre programme d’actions, mais il faut du temps », ajoute-t-il.
Un bras de fer qui se politise ?
La direction estime enfin que le mouvement social prend un tour injustement ciblé.
« Le SYNAPS et le SYMEFOGA sont présents dans d’autres structures de la province comme Omboué ou Gamba, mais ne mènent aucune action similaire là-bas. Pourquoi cet acharnement sur N’tchengué ? », s’interroge Dr Mboumba.
Alors que la grève se poursuit, la population de Port-Gentil s’inquiète de la dégradation du service public hospitalier et espère un dénouement rapide. Entre reconnaissance des efforts de modernisation et revendication de droits sociaux légitimes, le dialogue social apparaît plus que jamais comme la seule voie de sortie à cette crise.
Jean-Jacques Rovaria Djodji