In Memoriam : Makongonio, 40 ans après le crash qui a marqué l’histoire du Gabon

Ce samedi 28 Juin 2025, il y a quarante ans, un drame aérien plongeait le Gabon dans le deuil. Le 28 juin 1985, en effet, à Makongonio, un hélicoptère de l’armée de l’air gabonaise s’écrasait en pleine forêt, emportant la vie de dix Gabonais, journalistes et militaires, en mission présidentielle. Ce jour-là, le pays perdait une partie de sa mémoire médiatique et militaire, mais voyait aussi naître des histoires de bravoure, de solidarité et de survie exceptionnelles. Afin que cette date ne passe inaperçue, ce flashback en guise d’hommage nous a semblé utile pour la postérité.

Un drame national

L’hélicoptère de type Bell transportait onze membres de la presse nationale – issus notamment de l’Union et de la RTG2 – ainsi que trois militaires et une gendarmette. À bord, des noms bien connus des milieux journalistiques gabonais : Jean-Philippe Oyono, André Ofounda, Charles Ossouna Ngorogo, Eugène Bididi, Marcel Ango, Paul Ollo’o Mombey, Mohamed Moungalat… À leurs côtés, les militaires Faustin Biyogho, Eugène Dickombo et Antoine Ongnalanga.

Lorsque l’appareil heurte un arbre masqué par un nuage, l’impact est terrible. Plusieurs journalistes et militaires meurent sur le coup. D’autres agonisent, coincés dans la carlingue déchiquetée. Jean-Philippe Oyono, figure de proue du journalisme gabonais des années 1980, succombe à ses blessures peu après le crash. Eugène Bididi et Eugène Dickombo, eux aussi gravement atteints, ne survivront pas. L’hécatombe est totale.

Les survivants de l’impossible

Au milieu de ce chaos, quelques vies résistent. Jean-Rémy Mackaya, Pierre Ndouong, Dieudonné Mbélé, Valentin Safou et Huguette Goudjo, grièvement blessée, parviennent à s’extraire ou sont aidés à sortir de l’épave. L’angoisse est immense : l’espoir de secours semble lointain dans cette forêt dense et sauvage.

C’est alors que s’organise une incroyable lutte pour la survie. Pierre Ndouong, originaire d’Okondja et fin connaisseur de la forêt, prend rapidement les choses en main. Il soigne les blessés avec des feuilles, alerte sur les dangers de l’épuisement et convainc les autres de se nourrir de plantes et même de boue. Son instinct de survie et sa connaissance du milieu feront de lui le sauveur du groupe.

Avec Mackaya et Safou, il part chercher des secours, bravant les pièges de la forêt. Huguette Goudjo et Dieudonné Mbélé restent derrière, veillant sur les corps des victimes.

Un courage exemplaire

Parmi les gestes inoubliables de ce drame, celui de Jean-Rémy Mackaya reste gravé dans les mémoires : il retrouve la tête du commandant décapité et la replace dignement près de son corps. Un acte de respect dans une scène d’horreur, symbole de l’humanité restée debout dans l’enfer.

Les survivants déplacent les blessés sur un kilomètre pour éviter les charognards. Puis, enfin, le salut arrive : au détour de la rivière Itava, Ndouong et Safou tombent sur un campement. Des chasseurs les accueillent, bouleversés. Grâce à eux, les rescapés seront transportés jusqu’au village où les femmes prennent soin d’eux, jusqu’à l’arrivée d’un hélicoptère de secours. L’évacuation vers Mouila puis Libreville peut enfin commencer.

Makongonio, une blessure toujours ouverte

Le crash de Makongonio reste à ce jour l’un des accidents aériens les plus meurtriers de l’histoire du Gabon. La perte de ces journalistes et militaires représentait plus qu’une tragédie : un coup porté à la mémoire collective et à la voix nationale en construction.

Aujourd’hui encore, les familles des victimes gardent vivant le souvenir de leurs proches, tandis que les rescapés incarnent un pan de courage et de ténacité humaine rarement égalé. Le mystère des causes exactes du crash demeure – faute de transparence, d’enquête approfondie ou de reconnaissance officielle – mais les récits des survivants restent les gardiens de la vérité.

Makongonio n’est pas qu’un nom sur une carte. C’est un lieu de mémoire, un cri étouffé dans la forêt, un chapitre douloureux de l’histoire gabonaise qu’il faut continuer de raconter pour ne jamais oublier. L’opportunité de bâtir un mémorial en hommage à ces héros de l’histoire contemporaine de notre pays ne serait qu’une juste reconnaissance mémorielle pour apaiser la peine du souvenir des familles éprouvées.

Par Hugues-Gastien MATSAHANGA, Journaliste, Essayiste

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