Affaire Sylvia et Noureddin Bongo-Valentin : Ian Ngoulou, Oceni Ossa, Steeve Nzegho Dieko et tutti quanti convoqués à la barre

Dans la salle d’audience bondée du Palais de justice de Libreville, s’est ouvert lundi 10 novembre 2025, ce que beaucoup considèrent déjà comme le procès du siècle au Gabon. Sous le regard à la fois curieux et grave d’une opinion publique longtemps tenue à distance des affaires du pouvoir, les protagonistes d’un système désormais à nu ont enfin pris place à la barre de la cour judiciaire criminelle spéciale.

Ian Ghislain Ngoulou, ancien directeur de cabinet de Nourridin Bongo Valentin, fils ainé du président déchu Ali Bongo Ondimba, Ella Ekogha Jessye, Directeur de la communication présidentielle, Mvouradjami Cyriaque, Nzegho Dieko Steeve, Oceni Ossa Abdoul, Camuset Jordan, Mombo Gisèle Yolande, Kim Oun et Otha Ndooumba : tous ont répondu présents. Tous, sauf un : Saliou Mohamed Ali, acien Directeur de cabinet adjoint du chef de l’Etat déchu.  

Selon le Ministère public , l’ancien proche collaborateur de Noureddin Bongo Valentin aurait été victime d’un malaise la veille du procès. Un empêchement médical qui, ne remet nullement en cause sa comparution : « Saliou Mohamed Ali sera bel et bien à la barre ce mardi 11 novembre ».

La justice gabonaise entend ne faire aucune exception. Ni pour les serviteurs d’hier, ni pour les héritiers d’un empire politique et financier qui, pendant plus d’un demi-siècle, a confondu patrimoine public et intérêts familiaux.

Ce procès, dont la portée symbolique dépasse le simple cadre judiciaire, met en exergue les dérives d’un pouvoir qui, de Libreville à Genève, de Port-Gentil à Dubaï, aurait organisé un vaste réseau de captation et de dissimulation de fonds publics. Sylvia Bongo Ondimba, l’ex-première dame, est accusée de détournement de deniers publics, de blanchiment d’argent et d’association de malfaiteurs, tandis que son fils, Noureddin Bongo Valentin, doit répondre d’enrichissement illicite, de corruption active et de transfert illégal de capitaux vers des paradis fiscaux. Les chiffres, bien que partiels, donnent le vertige : plusieurs centaines de milliards de francs CFA aurait transité par un maillage de sociétés écrans, comptes offshore et placements discrets dans des institutions financières complices. En liberté provisoire à Londres, ces derniers seront jugés par contumace.

Dans un pays où les hôpitaux manquent de tout et où les écoles publiques tombent en ruine, cette hémorragie financière représente non seulement un crime contre la République, mais aussi une trahison morale. Car au-delà des noms, des visages et des fortunes, c’est le rapport du Gabon à lui-même qui se joue dans cette affaire.

Pour la première fois depuis l’indépendance, une justice nationale ose convoquer les figures tutélaires d’un clan longtemps considéré comme intouchable. Ce procès ne vise pas seulement à punir : il cherche à réparer, à rétablir un lien brisé entre l’État et le peuple, entre la probité et le pouvoir. Récupérer les fonds détournés n’est pas seulement un enjeu économique, c’est une question de souveraineté.

C’est la possibilité, pour le Gabon, de réinvestir dans son développement et de prouver que l’alternance enclenchée depuis août 2023 ne fut pas qu’un épisode militaire, mais le point de départ d’une refondation morale et institutionnelle. Le procès des Bongo-Valentin ne se résume donc pas à un déballage judiciaire. Il est, dans sa solennité et sa portée symbolique, la catharsis d’un pays en quête de vérité. Libreville, qui fut si longtemps le théâtre des silences et des compromissions, devient aujourd’hui celui du réveil. Et dans cette salle où le verbe « rendre compte » prend enfin tout son sens, le Gabon, peut-être, commence à écrire une page nouvelle de son histoire.

Camille Boussoughou

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