Business : À qui appartient finalement le port d’Antares ?

À Libreville, le port d’Antares est depuis plusieurs semaines au cœur d’une tourmente. En cause : un imbroglio foncier et judiciaire qui met aux prises plusieurs acteurs économiques de poids et pose une question cruciale : à qui appartient réellement le site ? Chronique d’un feuilleton dont le titre évocateur serait : « Un titre foncier, plusieurs propriétaires ».

SATRAM, le propriétaire historique contesté

Premier détenteur du titre foncier, la société SATRAM EGCA revendique la propriété du port d’Antares depuis 2005. Mais la banque FINATRA, qui avait accompagné l’entreprise dans l’acquisition et les travaux d’aménagement du site, conteste aujourd’hui cette légitimité.

Après la disparition du fondateur de SATRAM, la société s’est retrouvée engluée dans des difficultés financières, laissant à FINATRA une ardoise de plus d’un milliard de FCFA. La banque revendique désormais le terrain au titre de la levée de l’hypothèque.

SATRAM, de son côté, affirme avoir obtenu une décision de justice en sa faveur. En effet, STRAM affirme détenir un rendu de justice par ordonnance du juge de réfères du 23 août 2024, déclarant la FINATRA Forclos. Mais le flou persiste : les documents sont contradictoires et la situation juridique du site demeure entre les mains de la justice où la procédure n’est pas close. Elle se poursuit.

EBOMAF, l’offensive du géant ouest-africain

Alors que le dossier semblait en sommeil, un nouvel acteur a fait irruption : EBOMAF, groupe ouest-africain dirigé par l’homme d’affaires burkinabè Mahamadou Bonkoungou.

Le 09 octobre 2025, EBOMAF, après avoir tenté, sans succès, de racheter 100 % des actions de SATRAM est revenu à la charge. Mécontent du refus de cette offre jugée « trop floue », le groupe aurait débarqué à SATRAM, accompagné, semble-t-il, du procureur de la République, avec un ordre d’expulsion.

Des conteneurs et équipements appartenant à SATRAM sont alors dégagés manu militari. Mais la procédure est rapidement suspendue, faute de décision judiciaire claire.

Un troisième prétendant : la Société panafricaine de la logistique

À peine la poussière semblait retomber qu’un troisième acteur est entré en scène : la Société panafricaine de la logistique, un démembrement d’EBOMAF qui brandit elle aussi un titre foncier daté du 20 octobre 2025.

Ce chevauchement de titres interroge : comment deux entreprises peuvent-elles détenir un titre foncier sur le même site ? Erreur administrative, manipulation ou corruption ? Le mystère reste entier.

La justice dans la tourmente

Entre la FINATRA, EBOMAF et la Société panafricaine de la logistique, le cafouillage judiciaire étonne et inquiète. La question se pose : la justice est-elle trompée par les acteurs, ou se laisse-t-elle manipuler ?

Le contexte national renforce les attentes. Le président Brice Clotaire Oligui Nguema a multiplié les signaux forts en faveur d’une justice exemplaire. Il a jeté en prison un de ses proches collaborateurs. La suspension de la juge pour mineurs pour fautes professionnelles surfe aussi dans la logique du chef suprême de la magistrature qui multiplie les rappels sur le principe d’égalité devant la loi.

Lors du dernier Conseil des ministres, le gouvernement a réaffirmé que « la main de l’État ne tremblera jamais » face à l’injustice et à la corruption.

Un test pour le climat des affaires

Le dossier du port d’Antares est plus qu’une simple affaire foncière. Il représente un test pour la crédibilité de la justice gabonaise et pour la sécurité juridique des investissements étrangers.

Dans un pays qui veut attirer les investissements directs étrangers (IDE) pour relancer son économie, une telle situation pourrait sérieusement polluer le climat des affaires.

Au-delà des entreprises en conflit, c’est la confiance des investisseurs et la réputation du Gabon comme État de droit qui sont en jeu.

Le port d’Antares n’est donc plus seulement un site stratégique : il est devenu le symbole des contradictions entre droit, argent et pouvoir. L’État et la justice sont attendus au tournant.

Camille Boussoughou

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