Contentieux électoraux au Gabon : étude juridique de l’invalidation des listes PDG et UNR par le Tribunal administratif de Port-Gentil

Le contentieux électoral occupe une place centrale dans le droit public gabonais, en tant qu’il constitue un mécanisme de régulation des processus démocratiques et un garde-fou contre les irrégularités susceptibles de porter atteinte à la sincérité du scrutin. L’audience tenue le 6 septembre 2025 par le Tribunal administratif de Port-Gentil illustre parfaitement cette fonction.

Saisi de nombreux recours, le Tribunal administratif de Port-Gentil a statué sur une quarantaine d’affaires, parmi lesquelles l’invalidation des listes du Parti démocratique gabonais (PDG) et de l’Union nationale républicaine (UNR) dans la commune d’Omboué. Cette décision, qui repose sur la constatation de la candidature d’une même personne sur deux listes concurrentes, soulève des enjeux juridiques majeurs relatifs au respect du Code électoral, à la sanction des irrégularités et à l’effectivité de la justice administrative en matière électorale.

Le Tribunal administratif de Port-Gentil, compétent pour connaître des recours relatifs aux élections législatives et locales, a siégé en audience publique le 6 septembre 2025. Conformément aux prescriptions de l’article 349 du Code électoral, l’audience s’est tenue dans le délai de huit jours suivant le dépôt des requêtes.

« Le fait de tenir cette audience un samedi n’est pas en violation de la loi. C’est la loi elle-même qui fait obligation au Tribunal administratif de Port-Gentil de statuer dans un délai de huit jours. Cette audience est parfaitement en conformité avec les dispositions légales des articles 349 et 350 du Code électoral. Toutes les décisions rendues ce jour, doivent être exécutées au nom du peuple gabonais », a rappelé d’entrée de jeu Yannick Confidence Mvono Efoua, président du Tribunal administratif de Port-Gentil.

La juridiction a examiné environ quarante dossiers, portant sur des recours variés : demandes d’invalidation de candidatures, de rectifications de lieux d’inscription, de corrections d’erreurs matérielles, de contestations de publication des listes électorales etc. Les débats se sont déroulés en présence des candidats concernés (têtes de listes) de leurs conseils, ainsi que des représentants de la Commission nationale d’organisation et de coordination des élections et du référendum (CNOCER). Cette configuration procédurale traduit la dimension contradictoire et transparente du contentieux électoral.

L’élément le plus marquant de cette session fut l’invalidation des listes PDG et UNR pour la commune d’Omboué (département d’Étimboué, province de l’Ogooué-Maritime). En effet, un même candidat figurait simultanément sur les deux listes, entraînant l’inéligibilité de ce dernier et, par ricochet, l’annulation intégrale des listes sur lesquelles il était inscrit.

« Je suis satisfait de la décision du Tribunal. Mon recours vient du fait que lors de la publication du 21 août, ma liste ne figurait pas sur la liste officielle sortie au Journal officiel. Après l’audition du Tribunal administratif de Port-Gentil, ma liste lors de la publication du 28 août figurait », s’est réjoui Michel Nzabounga,  candidat tête de liste du PDS à l’élection locale.  

Le Code électoral gabonais constitue la norme principale encadrant le contentieux des candidatures. Les articles 82 et 85 : prohibent la double inscription d’un candidat sur plusieurs listes, sous peine d’inéligibilité et d’annulation des listes concernées. L’article 349 fixe le délai de huit jours pour statuer sur les recours en matière électorale et l’article 350 attribue compétence au Tribunal administratif pour se prononcer sur la validité ou l’invalidité des candidatures. Ces dispositions traduisent une logique de rigueur et de célérité, essentielle à la garantie d’un processus électoral ordonné et crédible. Le Tribunal a retenu que la double inscription d’un candidat sur deux listes concurrentes constituait une violation manifeste des articles 82 et 85 du Code électoral. L’irrégularité ainsi constatée entraîne, de plein droit, l’annulation des listes en cause.

« Pour ma part je suis tout à fait satisfait des décisions rendues par le Tribunal administratif de Port-Gentil. Elles sont rendues en premier et dernier ressort. Ça veut dire qu’elles sont insusceptibles de recours et elles sont définitives », a indiqué Me Charles-Henri Jey avocat à la Cour.  

Le PDG avait sollicité le remplacement du colistier irrégulièrement inscrit. Le Tribunal a écarté cette demande, au motif qu’une telle substitution postérieure au dépôt des listes est contraire à la loi. Cette position illustre l’attachement de la juridiction au principe de la sécurité juridique et à la nécessité de respecter strictement les délais et formalités électorales.

Les requérants durant l’audience au tribunal administratif de Port-Gentil © Gabonactu.com

L’annulation de la liste dans son ensemble, plutôt que la seule radiation du candidat irrégulier, peut paraître sévère. Cependant, elle repose sur la logique de responsabilité collective de la liste électorale : chaque irrégularité affecte la validité de l’ensemble, afin de prévenir toute fraude organisée ou négligence stratégique.

La décision du Tribunal administratif de Port-Gentil s’impose immédiatement et ne peut faire l’objet d’aucun recours. Cette irrévocabilité consacre le caractère définitif des contentieux électoraux au Gabon et assure la rapidité nécessaire à la tenue des élections. L’invalidation simultanée des listes PDG et UNR modifie l’équilibre électoral dans la commune d’Omboué. Les électeurs se trouvent privés de l’offre politique de deux formations importantes, ce qui pourrait redistribuer les rapports de force au profit des autres partis en compétition.

La décision du Tribunal administratif de Port-Gentil, invalidant les listes PDG et UNR à Omboué, illustre la rigueur de l’application du Code électoral gabonais. Elle met en lumière trois principes fondamentaux : la légalité électorale, la célérité du contentieux et la responsabilité collective des listes de candidats. Sur le plan doctrinal, cette décision contribue à la consolidation de la jurisprudence électorale gabonaise en confirmant que la violation des règles de recevabilité entraîne des sanctions radicales et irréversibles.

Au-delà de ses implications locales, cette affaire révèle l’importance de la justice administrative dans la régulation démocratique, en ce qu’elle garantit que les scrutins ne soient pas simplement des compétitions politiques, mais des processus encadrés par le droit, au service du peuple souverain.

           Jean-Jacques Rovaria Djodji 

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