A la faveur d’une conférence organisée ce mercredi par l’Institut privé ITER, dans la salle de réunion de l’immeuble ABC Mall, quartier dit ‘’Charbonnages’’, dans le 1er arrondissement de Libreville, Arthur Benga Ndjeme, Docteur en droit international, a livré une lecture rigoureuse de l’arrêt rendu par la Cour internationale de justice (CIJ), qui reconnaît la souveraineté de la Guinée équatoriale sur les îles Mbanié, Cocotier et Conga. Pour lui, « c’est un arrêt de valeur », juridiquement fondé, et le Gabon ne doit pas y répondre par la polémique.

Le conférencier a soutenu que la CIJ s’est appuyée principalement sur le traité franco-espagnol du 27 juin 1900, à l’origine de la délimitation entre la Guinée espagnole et le Congo français. Ce traité constitue, selon la Cour, un titre de souveraineté opposable, là où la Convention de Bata de 1974, invoquée par le Gabon, n’a pas été reconnue comme valide. « Le Gabon n’a produit qu’une photocopie. L’original est resté introuvable. En droit, cela ne suffit pas », a expliqué Dr Arthur Benga Ndjeme.
Il rappelle pour autant et fort à propos que la décision ne concerne que la souveraineté sur les îles et la délimitation terrestre. La frontière maritime reste à négocier. « La CIJ n’a pas été saisie sur cet aspect. Elle a uniquement interprété les titres, mais c’est maintenant aux États d’ouvrir des discussions », explique-t-il.

À ceux qui pensent que la perte est totale, Dr Arthur Benga Ndjeme répond que « Ce n’est pas parce qu’on perd trois îles qu’on n’a rien. Le Gabon devrait récupérer des zones continentales près de Mongomo. Il y a de la matière à organiser une sortie par le haut », rassure-t-il, suggérant une approche pragmatique : « On peut très bien, sur la base de cet arrêt, négocier une forme de partage ou d’usage mutuel ».
Le conférencier a mis en garde contre les lectures superficielles ou identitaires. « Ce n’est pas parce qu’une île est en face de tes côtes qu’elle t’appartient. La souveraineté, c’est une question de titres, pas de géographie émotionnelle », renseigne-t-il.
« Le Gabon est une République une et indivisible. Les citoyens doivent éviter de nourrir les tensions, et respecter la position des autorités », a-t-il lancé, rappelant que le gouvernement avait officiellement pris acte de la décision du 19 mai dernier. S’il reconnaît le choc que cette perte territoriale peut provoquer, il insiste sur le fait que « le droit l’a emporté », et que cette décision repose sur des éléments historiques solides.
Appelant au calme et au respect du droit, Dr Arthur Benga Ndjeme invite à apprécier cette décision non comme une humiliation, mais comme une occasion de consolider la paix. « Le règlement juridictionnel des conflits évite les guerres, les morts, les rancunes. C’est une voie que l’Afrique gagnerait à emprunter plus souvent », conseille-t-il.
Entamée par un compromis signé à Marrakech en 2016, la procédure bouclée par la CIJ a été menée dans les règles. « Les deux États ont saisi ensemble la Cour, sans contester sa compétence. C’est une démarche exemplaire, conforme au droit international. ». Ce choix de la voie judiciaire est, pour le Dr Ndjeme, un acte de sagesse à saluer.
Il le compare avec d’autres litiges frontaliers, notamment celui de la presqu’’île de Bakassi entre le Nigéria et le Cameroun : « Là-bas, il y a eu des morts. Ici, il y a eu du droit », a-t-il rappelé à la conscience collective.
Elliott Ana Merveille et Luan Martinez
