Le 19 février dernier, le député de la Transition, Geoffroy Foumboula Libeka Makosso a saisi la Cour constitutionnelle pour exiger l’annulation du Décret n° 0109/PR/MIS du 14 février 2025 fixant les modalités du bulletin de vote pour l’élection présidentielle d’avril 2025. Le ministère de l’Intérieur auteur du décret contre-attaque.
Le député soutient que sur la base de l’article 30 de la Constitution du 26 mars 1991, le décret susvisé n’aurait pas été débattu en Conseil des Ministres. Il doit en conséquence être purement et simplement annulé.
Un analyste très proche du ministère de l’Intérieur réplique que le communiqué final du Conseil des Ministres, en sa séance du 13 février 2025 a indiqué que les débats qui ont eu lieu à cette occasion ont abouti à l’adoption d’un bulletin unique par candidat à l’élection présidentielle.
Cette indication ne saurait aboutir à une autre modalité que celle d’un bulletin distinct par candidat, quand bien même, une erreur matérielle a favorisé une lecture occasionnant la confusion du choix opéré par le Gouvernement.
Cependant, l’article 89 de la loi organique n° 001/2025 du 19 janvier 2025 portant Code électoral en République Gabonaise, est intrinsèquement lié par les dispositions pertinentes de l’article 121 de la loi organique précitée, d’autant qu’il institue l’enveloppe accolée pour le vote des électeurs.
La configuration matérielle de cette enveloppe conçue en deux compartiments, l’un pour accueillir le vote de l’électeur et l’autre, réservé aux bulletins non choisis, confine nécessairement à l’option de bulletins multiples et donc obligatoirement distincts d’un candidat à un autre.
C’est globalement à cette modalité que le Gouvernement, qui ne saurait contredire le législateur, a abouti lors des débats du Conseil des Ministres.
En conséquence, l’argument soulevé par le requérant qui, au demeurant, n’apporte ni la preuve d’un autre décret pris en Conseil des Ministres instituant un bulletin unique, ni celle de l’absence de débats en Conseil des Ministres pour l’adoption du Décret n° 0109/PR/MIS du 14 février 2025, lesquels ont bel et bien eu lieu, demeure sans effet et inopérant.
Obligation prétendue de débats préalable en Conseil des Ministres comme condition de validité des décrets pris par l’exécutif
Principalement, il n’échappera pas à la haute juridiction que le législateur, lors de l’adoption de la loi organique n° 001/2025 du 19 janvier 2025, a institué un régime clair des actes réglementaires soumis à l’obligation préalable des débats en Conseil des Ministres et ce pour lesquels, cette obligation n’est pas instituée.
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En effet, c’est à ce dernier cas de figure que relève le décret querellé qui, bien qu’il ait été adopté en Conseil des Ministres comme gage supplémentaire de transparence, échappe explicitement à l’obligation préalable de délibération par cette instance, du fait de la volonté du législateur.
Dès lors, la prétention du requérant reste improductive en ce qu’elle méconnait la différence de régime juridique au plan procédural pour l’adoption des actes réglementaires en matière électorale.
Toutefois, si la requête de Monsieur Geoffroy FOUMBOULA LIBEKA MAKOSSO devrait néanmoins trouver grâce auprès de la haute juridiction, en dépit de l’argumentaire soulevé ci-dessus, elle devrait par ailleurs se heurter à la nature du décret attaqué.
C’est pourquoi, subsidiairement, en raison de sa nature, le décret n° 0109/PR/MIS du 14 février 2025 fixant les modalités du bulletin de vote pour l’élection du Président de la République pour l’année 2025, intègre la catégorie d’acte de gouvernement.
Par cette seule nature, elle bénéficie donc d’une totale dispense à la rigidité procédurale de l’adoption de certains actes règlementaires par le Conseil des Ministres. Cette exception offre une opportunité politique au Gouvernement en ce qu’elle lui permet de rompre dans des délais raisonnables, avec la précarité institutionnelle dans son cheminement vers le retour à l’ordre constitutionnel normal.
« Pour toutes ces raisons, la requête introduite par Monsieur Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, en ce qu’elle déconcentre par son caractère inopportun et non objectif, en méconnaissant l’urgence du retour à l’ordre constitutionnel, en plus d’ignorer l’absence d’obligation pour le décret querellé d’être délibéré obligatoirement en Conseil des Ministres, ne peut trouver grâce aux yeux de la haute juridiction », conclue la source proche de l’avenue de Coïnté qui précise que le Communiqué final du Conseil des Ministres n’est pas un acte règlementaire, juridiquement opposable et équivalent d’un décret publié au Journal Officiel de la République.
Camille Boussoughou
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