Le Chef de l’Etat togolais, a promulgué mardi dernier le texte de la nouvelle constitution qui propulse ce pays de l’Afrique de l’Ouest dans la 5ème république, passant d’un régime présidentiel au régime parlementaire. Réforme de taille dans ce texte, loin d’être anodin, tous les pouvoirs sont désormais concentrés entre les mains d’un président du Conseil des ministres désigné par le parlement et issu du parti majoritaire à l’assemblée nationale. Comme par hasard, le parti de Faure Essozimna Gnassingbé vient de remporter une ‘’insolente’’ majorité au terme des législatives, encore une fois chahutées, dont les résultats ont été annoncés lundi.
Son père Gnassingbé Eyadéma, à qui il a succédé dans un cafouillage constitutionnel et institutionnel fortement décrié par de nombreux éditorialistes en son temps, avait ‘’régné’’ sans partage sur le Togo 38 ans durant, jusqu’à son décès en février 2005.
L’histoire bégaie à Lomé, où ‘’l’arrogante’’ majorité, sortie des législatives fortement contestées, assure au parti ‘’régnant’’, l’Union pour la république (UNIR), héritier du Rassemblement du peuple togolais (RPT d’Eyadéma père), avec 108 députés sur 113 élus ; soit seulement 5 sièges concédés à quelques ‘’mécréants’’ activistes et partisans de l’opposition.
Coup d’état électoral et constitutionnel
En réalité, ce que beaucoup d’observateurs sur le continent qualifient de mascarade, ne vaut que pour assurer une présidence à vie à Faure Gnassingbé qui dirige déjà le Togo, avec les mêmes méthodes que son défunt père, depuis presque 20 ans, selon de plusieurs opposants à son régime.
Dans la nouvelle constitution, adoptée le mois dernier par un parlement en fin de mandat et promulguée dans la foulée par ‘’l’homme fort’’ de Lomé, qui pouvait encore briguer un 5ème et dernier mandat lors de la présidentielle prévue l’année prochaine, tous les pouvoirs sont désormais de la compétence et entre les mains d’un président du Conseil des ministres. Reléguant le Président de la république au rang de figurant, ne servant plus qu’à inaugurer les chrysanthèmes.
Et ce tout puissant président du Conseil des ministres, sans limitation de mandats, doit être désigné par le parlement et issu du parti majoritaire à l’assemblée nationale qui est évidemment l’UNIR, le parti des Eyadéma et compagnie.
Point besoin de faire de hautes études politiques et sortir des prestigieuses universités de la Sorbonne et de Harvard notamment, ou même de se substituer aux augures pour deviner qui a le profil de ce job à Lomé où Faure Gnassingbé devrait enfiler le nouveau costume de président du Conseil des ministres dans les tout prochains jours.
Un costume « honteusement et grossièrement taillé sur mesure pour l’héritier ‘’légitime et naturel’’ du trône des Eyadéma qui, comme son père et prédécesseur, file pour ainsi dire vers une présidence à vie à la tête du Togo », s’offusquent de nombreux leaders de la société civile togolaise.
Jean Pierre Fabre de l’Union nationale pour le changement (UNC, opposition togolaise) parle du Togo comme ‘’une dictature militaire et clanique’’ et Marie-Roger Biloa, journaliste et éditorialiste d’origine camerounaise, interrogée sur les derniers développements de l’actualité politique à Lomé, affirme que « la famille Eyadéma a décidé que le pouvoir au Togo est une affaire personnelle et familiale ».
CEDEAO – Union Africaine, silence coupable
Maintenant que son agenda a été déroulé, il est désormais plausible dans l’esprit de nombreux spécialistes de la scène politique togolaise et ouest-africaine de comprendre tout l’activisme et toute l’énergie que Faure Eyadéma a déployés pour éviter que la CEDEAO n’ait la main lourde sur les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) où des coups ‘état ont permis à des régimes militaires d’accéder au pouvoir.
L’homme préparait donc lui-même un coup de force d’une toute autre nature. Par ce lobbying et bons offices au bénéfice des Etats de l’AES, il fallait donc pour Faure Gnassingbé, travailler à fragiliser la CEDEAO où les critères de convergence politique et institutionnelle sont désormais sérieusement ébranlés.
Si prompte à condamner les coups d’état militaires et à agiter les menaces de sanctions y relatives, la CEDEAO se retrouve comme tétaniser, incapable de qualifier le coup de force constitutionnel opéré par le désormais ‘’empereur’’ de Lomé et d’y donner suite.
Vraisemblablement, le silence de la CEDEAO coupe également l’herbe sous les pieds de l’Union Africaine.
Circulez, il n’y a rien à voir !
Elliott Ana Merveille