L’ancien Premier Ministre Raymond Ndong Sima, par ailleurs économiste chevronné a dans un post puant sur sa page Facebook, insinué que l’Etat est le seul responsable de la situation de tension financière que traverse la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) au bord du gouffre.
Ci-dessous l’intégralité de son analyse.
« CNSS : un scandale de trop, un scandale à têtes multiples
Les scandales financiers, fonciers, forestiers etc. n’émeuvent plus personne dans notre pays. Ils sont devenus banals. Ils font désormais partie de la norme sociale au Gabon et donc on les trouve normaux. Au cœur de ces scandales, il y a systématiquement l’État ou plus exactement des personnes qui se servent de leur position dans les institutions de l’État pour se donner des pouvoirs et des avantages propices à ces scandales.
Quand ce n’est pas un président de la République qui s’attribue une énorme zone sur laquelle il se fait délivrer en quelques mois un titre foncier qui prétend s’accaparer de parcelles déjà attribuées par les services du cadastre à d’autres citoyens ; c’est tel ministre qui donne des autorisations temporaires mais en fait permanentes de circulation aux grumiers qui roulent de jour comme de nuit, en semaine comme en weekend et défoncent au passage le peu de routes encore disponibles ou menacent celles comme la Transgabonaise qu’on essaie de réhabiliter.
Il en est ainsi de la CNSS.
Si on prend un peu de hauteur, on comprend que la première cause de la dégradation de sa situation se trouve dans un abus de pouvoir que l’Etat s’est autorisé depuis toujours en y nommant des gérants responsables devant lui et non devant les propriétaires de l’argent qu’elle collecte à savoir les salariés et leurs employeurs. C’est bien en effet cette situation surréaliste, cet invraisemblable déni de droit qui a permis aux gérants de prendre des décisions de gestion sans rapport avec les intérêts des “actionnaires” de la Caisse.
En tête de ces décisions, il y a les salaires versés aux personnels de la Caisse, systématiquement au-dessus de la moyenne des salaires versés dans les entreprises aux cotisants. En plus clair, le salaire moyen d’un employé de base, d’un agent de maîtrise, d’un cadre de la CNSS est depuis longtemps au-dessus des salaires des mêmes catégories de salariés dans la forêt, le BTP, les transports etc. La question est alors : comment celui qui gère seulement l’argent peut-il gagner plus que celui qui produit cet argent.
Cette anomalie est venue de la dérive des salaires au sommet de la Caisse, c’est-à-dire de ses cadres dirigeants. Il a bien fallu, pour éviter le mécontentement, raccorder les salaires des autres salariés à ceux des gérants nommés et arrivant souvent avec des salaires déjà fixés par celui qui les avait nommés. Le résultat de cette dérive est lisible dans les comptes comparés de la CNSS que chacun peut consulter par exemple dans le rapport de la CIPRES.
La masse salariale de la CNSS qui devrait être plafonnée à 15% de ses ressources a depuis longtemps crevé ce plafond et caracole à 41%. Cette anomalie n’émeut pas grand monde puisqu’elle fait partie des scandales devenus la norme. Les dirigeants eux-mêmes s’en accommodent et se réfugient derrière une situation qu’ils ont trouvé et qui est une agréable anomalie. Parmi les autres décisions de gestion prises par ces gérants, il y a les choix passés des investissements.
Longtemps, les prestations sociales servies aux ayants-droits ont été inférieures aux cotisations sociales collectées ce qui permettait de dégager une épargne à valoir sur le futur. Pour mémoire, en 1980 et 1981 l’excédent était de 10,6 et 12,2 milliards de francs.
Ce sont ces excédents qui ont donné le vertige aux gérants. Se sentant pousser le col, ils se sont lancés dans des programmes immobiliers, des programmes de constructions de structures hospitalières, des opérations de sponsoring sans lien avec l’objet social de la Caisse, et sans garantie du retour sur investissement. Outre le coût direct de ces investissements, il s’est ajouté leurs charges de fonctionnement.
Quand on analysera les causes des difficultés actuelles, on devra nécessairement regarder de près l’impact de ces dépenses sur les ressources de la CNSS et se demander à quel point ces investissements contribuent à produire le cash nécessaire au paiement actuel des pensions sachant par ailleurs qu’en 1999, l’écart entre cotisations et prestations sociales est devenu négatif de 5,5 milliards et que la situation ne semble pas sur le point de s’améliorer.
Comme on le voit, ce scandale est à têtes multiples et on n’est qu’au début de ses développements.
R. Ndong Sima »
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