Le Gabon est actuellement pris dans une crise financière de grande ampleur, pourtant la création littéraire reste active, en témoigne la parution aux Editions l’Harmattan en Février 2022 du livre d’Aubin Gildas Kombila-Mouloungui intitulé : « La filière bois au Gabon : Exporter avec de la valeur ajoutée ».
Le champ de réflexion de l’ouvrage préfacé par Serge Loungou, Maître de Conférences HDR, Université Omar Bongo, et qui compte 410 pages et trois parties de trois chapitres chacune, se situe à la confluence de la géographie, de l’économie et des géosciences politiques (géopolitique, géoéconomie, géostratégie). Ce qui confère à l’œuvre une originale et pertinente pluridisciplinarité, qui tranche avec le caractère monodimensionnel des quelques travaux locaux l’ayant précédé sur le thème de l’exploitation forestière ou des sujets connexes.
Le livre commis par Aubin Gildas Kombila-Mouloungui est tiré d’une thèse de doctorat soutenue en 2019 à l’université de Pau en France.
L’ambition de l’auteur gabonais est de rendre accessible à un plus large lectorat le fruit de sa recherche afin d’apporter à l’opinion publique nationale et internationale un éclairage pertinent sur les enjeux qui ont entouré la décision du gouvernement gabonais d’interdire l’exportation des grumes à partir de 2010, ainsi que sur les perspectives que cette décision inédite dessine pour la filière du bois dans ce pays situé en Afrique centrale.
« Le point focal de notre recherche est de mesurer l’impact de l’industrialisation de ce secteur (bois), dix ans après la décision des autorités gabonaises d’interdire la sortie du bois (2009) et neuf ans après l’ordonnance n°8/2010 portant modification et abrogation de certaines dispositions de la loi n°16/2001. Cela s’est fait en s’appuyant sur les données collectées sur la base d’enquêtes et de discussions sur le terrain (2016 ; 2018 et 2019) réalisées dans 6 provinces sur 9 du Gabon et au sein de la zone économique spéciale NKOK », nous a confié le jeune auteur.
Aubin Gildas Kombila-Mouloungui a rencontré les principaux acteurs forestiers nationaux (les responsables des unités de transformation, les responsables administratifs, les employés…) et internationaux (barons français de la filière bois africaine résidant à Paris).
Impact socio-économique de la transformation locale du bois
Socialement, le secteur enregistre des progrès avec notamment l’augmentation du nombre d’emplois concernés mais la précarité est encore présente avec l’effet pervers de la distorsion d’employabilité entre Libreville et les zones rurales d’où proviennent, en grande partie, le bois. Les inégalités sociales ainsi créées ternissent quelque peu ce choix politique fort qui aurait dû «grandir » et renforcer l’image du secteur forestier gabonais aux yeux de la filière internationale.
Sur le plan économique, de nombreux paramètres (mesures incitatives, manque de préalables, défaillance de l’État) ont eu des répercussions encore faibles, comparé à la période de l’exportation des grumes, la progression du poids relatif joué par les industries du bois dans les recettes globales de la filière permet d’apprécier l’impact positif de la mesure. Cependant, celle-ci demeure encore en dessous de l’objectif des 10% fixé par les autorités.
Impact environnemental
L’ouvrage met l’accent sur une question centrale à une époque où la logique conservationniste est fortement recommandée par les politiques internationales. À travers un examen des enjeux de la gestion durable appliquée au contexte forestier du Gabon, ce livre insiste particulièrement sur les évolutions survenues dans ce secteur depuis l’adoption de la mesure (aménagement forestier, traçabilité des produits ligneux, gestion des déchets industriels, étude d’impact…). Si le secteur a connu des progrès sensibles, il existe encore des pesanteurs « sévères » auxquelles le pays devrait faire face pour assurer le futur de cette activité.
Enjeu géopolitique/géostratégique
Sur le plan géopolitique, le Gabon a l’occasion de faire entendre sa voix à l’international et de prendre une longueur d’avance sur les pays de la sous-région devenant le site majeur de transformation du bois (avec des essences stratégiques telles que l’okoumé ou le kévazingo).
Cet ouvrage aborde également concernant les rapports du Gabon avec l’ancienne puissance coloniale suite à la décision d’interdire l’exportation des grumes, une mesure qui a eu des répercussions du côté de l’hexagone (perte d’emplois, recul des intérêts de ce pays au Gabon au profit des opérateurs asiatiques…) l’Europe, et singulièrement la France, a clairement perdu son statut d’acheteur de référence, au point que certains auteurs évoquent une « fin de cycle ».
Perspectives
La transformation locale des matières premières, et particulièrement du bois, représente un élément essentiel pour un pays comme le Gabon qui aspire à une « (réelle) émergence économique ». Mais force est de constater qu’au-delà des intentions juridiques et politiques, l’industrialisation de la filière bois est sujette à plusieurs entraves.
Cet ouvrage donne les clés, les bases sur lesquelles doit s’appuyer le Gabon pour faire de la filière un secteur qui participe pleinement à l’économie du pays et à l’amélioration des conditions de vie des populations.
L’ouvrage donne les préalables pour une industrie effective de la filière bois au Gabon.
Le livre est disponible sur : Le site de l’Harmattan, Amazon, Fnac.com, Decitre.fr et au Gabon à l’Institut Français (IF), la librairie universitaire, la maison de la Presse.
Aubin Gildas Kombila-Mouloungui est docteur en géographie-aménagement de l’université de Pau (France). Il est pendant ses années doctorales, le responsable de cours magistraux et travaux dirigés (géographie urbaine, cartographie). Il est également titulaire d’un master en géosciences politiques. Il poursuit ses recherches sur l’industrie de la filière bois en rapport avec les questions de durabilité et de pouvoir.
Aubin Kombila-Mouloungui est par ailleurs l’auteur de nombreux articles parus dans les revues françaises et gabonaises.
Jarele SIKA