Marcel Libama, leader syndical © DR
Enseignant, syndicaliste et élu municipal de l’opposition dans la ville de Franceville, Marcel Libama, assez souvent têtu et baroudeur a pondu un libre propos très instructif sur le quotidien administratif, le vécu d’un ministre délégué au Gabon. A lire absolument !
Les Gouvernements précédents ont démontré que les ministres délégués ne servent pas à grand chose, pour ne pas dire à rien.
Ils portent le titre de ministre, mais dans la réalité ils sont moins importants que les secrétaires généraux et directeurs généraux.
Les ministres délégués dans un État normal peuvent exercer leurs fonctions soit auprès du Premier ministre, soit auprès d’un ministre titulaire afin de prendre en charge particulièrement certaines de ses attributions.
Chez nous c’est pas le cas , le ministre délégué ne prend en charge aucune des attributions du Ministre titulaire.
Trop jaloux de ses prérogatives, le ministre titulaire même si son incompétence est avérée, ne confie rien d’important au ministre délégué ; surtout si ce dernier est compétent et apprécié par les agents. Il devient même un rival du ministre pire s’il est issu de l’opposition façon façon.
Le ministre délégué est souvent le dernier à être informé de ce qui se passe dans le ministère surtout les questions d’argent et des nominations.
Nous les syndicats nous sommes la mémoire des départements ministériels. Nous avons tout vu dans ce pays et, rares sont les couples qui marchent.
Nous avons vu les réunions importantes se tenir sans que le ministre délégué n’en soit informé. Les deux cabinets ne communiquent pas. Le ministre titulaire confie à son délégué ce qu’il veut bien lui confier, c’est-à-dire en général des questions sans importance comme aller lire un discours d’ouverture d’un séminaire bidon en lieu et place du ministre empêché, ou encore réceptionner un don.
Si le ministre délégué ose en l’absence du titulaire prendre une bonne initiative, il sera remis à sa place par son titulaire, jaloux de le voir résoudre un problème qu’il n’a pas pu résoudre.
Je me souviens de deux ministres délégués très compétents, Janvier MBOUMBA NGUEMA, un expert hors pair qui connait parfaitement notre système éducatif, un passionné de l’école, et Raphaël Ngazouze, un autre sachant du monde éducatif gabonais mis sous le tapis par des ministres bourou-bourou. Des ministres délégués souvent mal et sous-utilisés.
Des muets au conseil des ministres
Voilà des hommes et des femmes souvent compétents, mais victimes du nombrilisme et l’omnipotence de leurs ministres titulaires.
Le gouvernement qui devait être normalement une équipe, n’est dans la réalité qu’une juxtaposition d’hommes et de femmes qui font semblant de regarder dans la même direction.
J’ai appris qu’en conseil des ministres les titulaires ne laissent pas s’exprimer leurs délégués. Il paraît que Paul Toungui était l’un des rares, pour ne pas dire le seul, qui donnait la parole à son délégué sur une question traitée par ce dernier le reste que des spectateurs muets des conseils de ministres.
Là-bas, les ministres délégués ne parlent pas avec la bouche, sauf avec la tête comme des margouillats.
Quand vous voyez le ministre délégué à la télé à côté de son titulaire, il n’a été associé en rien dans le processus de prise de décision.
Il est le moins bien informé du ministère, il vient faire de la figuration pour ne pas être accusé. Il ne peut faire la promotion de personne.
Mais comme le titre de ministre est beau, les ministres délégués supportent les humiliations et le mépris du titulaire qui ne sait même pas qu’il a un délégué.
A l’époque, les ministres délégués avaient pourtant des attributions bien précises, mais le titulaire s’en fout.
Cette coquille vide qu’on appelle ministre délégué avait été refusée par le Grand Antoine Yanlanzele, préférant rester chez lui que d’aller voir chaque matin AMO (André Mba Obame, ndlr) travailler au ministère de l’éducation nationale.
Si le ministre titulaire ne confie pas de travail à son délégué, ce dernier se tourne les pousses dans son bureau avec son cabinet du village.
Beaucoup de ministres délégués arrivés au Gouvernement se posent la question : « je suis venu faire quoi mon Dieu à côté de ce sorcier de Ministre qui me cache tout, ne travaille qu’avec ses parents ? »
Un conseil aux ministres délégués si vous avez de la valeur ne restez jamais dans un endroit où vous n’êtes pas valorisés.
Marcel Libama, enseignant, syndicaliste et élu municipal