Où est passée toute la gamme de partis politiques, de société civile et de leaders d’opinions qui, à longueur de journée, à leur manière, nous préparaient avec frénésie au ‘’grand soir’’ ? Seraient-ils étrangement cannibalisés par le Comité de transition pour la restauration des institutions (CTRI) ?
Face à la toute puissance des hommes en armes, toutes ces forces vives qui devaient pourtant constituer de véritables contre-pouvoirs, ont soudainement disparu.
Le paysage politique gabonais ressemble désormais à un champ en friche. Unis par un amour sournois, le CTRI et les partis politiques marchent désormais la main dans la main. Même les médias qui auraient pu jouer leur rôle de garde-fous, brillent pour la plupart, en bons cireurs de pompes, par des papiers lénifiants à la gloire du seigneur Oligui Nguema.
Normal, faut pas irriter le Président-Général surtout qu’il a promis de remettre la barre de la subvention à la presse à 500 millions de FCFA avec comme cerise sur le gâteau des dotations en moyens roulants.
Il pourrait changer d’avis si on le pousse à bout. Ce qui, sans doute, explique une telle frilosité qui gagne certains confrères. Ce n’est pas tant la crainte de se retrouver comme par le passé dans les cellules insalubres de la DGR, des Services spéciaux ou du B2 qui expliquerait cette attitude.
L’étoilé en chef, au lendemain de sa prise de pouvoir, sauf à douter de ses bonnes intentions, avait pourtant donné carte blanche à la presse pour s’exprimer librement avec la promesse qu’elle ne serait pas inquiétée pour ses opinions.
Pour prévenir tout abus ‘’dirigiste’’ et autres sortie de piste, Montesquieu avait mis au point un concept tout simple : «le pouvoir arrête le pouvoir ». Les contre-pouvoirs trouvent ici tout leur sens. Sans contre-pouvoir, le CTRI demeure un potentiel danger permanent.
Vu que partis politiques, société civile baignent dans une sorte d’œcuménisme politique qui les lie à leur nouvelle égérie, le nouvel homme fort, Brice-Clotaire Oligui Nguema, devrait peut-être fabriquer sa propre opposition comme du temps d’Albert Bernard Bongo qui avait son opposition synthétique entièrement financée par sa caisse noire.
LIBREVILLE 2
Petite digression pour boucler cette chronique. Je ne vais pas m’attarder sur les meurettes sociales prises par le Général-Président dans son discours à la nation à l’occasion du nouvel an. Ce qui retient mon attention au nombre des promesses dans sa feuille de route, c’est la construction de Libreville 2.
Kango, petit maquis situé à une centaine de Kilomètres de Libreville, a été retenue pour accueillir ces blocs de béton. Pourquoi aller si loin, on peut construire cette future capitale politique à la pointe Denis que l’on peut rallier à vol d’oiseau !
Si l’idée d’une nouvelle capitale est salutaire, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle n’est pas exempte de recadrage. Libreville actuelle, en dehors de quelques quartiers répondant à la norme architecturale, comme toutes les capitales provinciales, est un grand maquis où des abris de fortune, rats, serpents, moustiques, rigoles à eau usée, odeurs, insalubrité chronique cohabitent dans une parfaite harmonie nauséeuse digne d’une décharge. Un véritable désastre visuel.
Va-t-on continuer à laisser vivre les Gabonais dans un tel environnement précaire ? Tous ces quartiers ‘’difficiles’’ voire sous-intégrés doivent disparaitre et faire place à un autre cadre de vie où il ferait bon vivre.
Les architectes et les paysagistes gabonais sont là pour faire ce boulot qui ne demande qu’un peu de volonté politique.
Libreville 2 oui, mais d’abord refaire l’existant. J’écrivais dans l’une de mes précédentes chroniques que le pays était au brouillon et qu’il convenait de le mettre rapidement au propre. Commencer par Libreville 2, c’est un peu comme aller d’abord construire sur Vénus avant de revenir sur terre. Au CTRI de réfléchir sur cette grossière incongruité…
Nouvelle prison
Autre projet annoncé lors de sa sortie solennelle, la construction d’une nouvelle prison à la pleine Ayemé. Histoire de désengorger l’actuel Gros bouquet qui ressemble de plus en plus à un enclos où les pensionnaires sont parqués tel du bétail ; où la dignité humaine et les Droits de l’Homme sont une parfaite inconnue.
Et dire que le Gabon a ratifié des traités internationaux garantissant le strict respect de ces valeurs !
Le Général-Président y a bien pensé. N’oublions pas que tous, autant que nous sommes, sommes des prisonniers en sursis, des justiciables qui peuvent tôt où tard terminer la course dans ces endroits de privation des libertés.
L’homme a promis également de construire un nouvel aéroport à Andem à 80 kilomètres de Libreville. Sans doute un aéroport aux standards des pays développés. En fait, le Président-Général ne fait que dépoussiérer les vieux projets laissés à l’abandon et à l’Etat de maquettes par ses prédécesseurs.
Le Gabon était presque devenu ‘’le pays des maquettes’’, ironisaient, à juste titre, les confrères de Gabonreview. Il faut bien un nouvel aéroport, car l’actuel est un aéroport de seconde zone indigne d’un pays producteur d’or, de bois et de pétrole depuis des décennies.
Au-delà des discours populistes, si le CTRI peut réaliser ce qui, à mes yeux, est en passe d’être un exploit, les générations futures auront là des acquis structurants pour poursuivre l’œuvre de construction nationale.
Timothée Memey, journaliste indépendant, éditorialiste
NB : cette chronique ne reflète pas le point de vue de la rédaction